Musée Magnelli de la céramique

À l’été 2025, le musée Magnelli, musée de la céramique, propose une réflexion approfondie sur l’approche du multiple dans l’œuvre de Pablo Picasso. Cette thématique, essentielle dans son processus créatif, témoigne de son intérêt constant pour la reproduction et la variation, dépassant la simple réitération technique pour devenir un véritable champ d’expérimentation plastique. 

Dès les premières décennies du XXe siècle, Picasso s’intéresse à la question du multiple, notamment à travers les tirages en fonte de ses sculptures et ses gravures. Toutefois, loin de concevoir la reproduction comme un simple procédé technique, il en fait un outil de recherche et d’innovation. Ainsi, en 1914, la sculpture Verre d’absinthe est tirée à six exemplaires. Chacun est peint de manière unique par l’artiste. 

Le multiple permet à Picasso d’explorer différentes variations d’un même thème, parfois sur différents médiums, offrant un moyen d’interrogation des potentialités plastiques d’un même sujet. Il ne s’agit pas d’une simple déclinaison, mais d’une véritable réflexion créatrice, chaque variation apportant une nouvelle dimension plastique à l’œuvre, afin « d’en exprimer toutes les possibilités » comme le souligne Michel Leiris en 1930 (« Toiles récentes de Picasso », Documents, 2o année, no 2). 

Après la Seconde Guerre mondiale, la question du multiple acquiert une nouvelle résonance dans l’œuvre de Picasso. Son engagement au sein du Parti Communiste Français et son désir de rendre l’art accessible au plus grand nombre influencent son approche de la reproduction artistique. Cette volonté est particulièrement manifeste à Vallauris. En 1949, il fait don à la ville d’un des trois tirages en bronze de L’Homme au mouton, sculpture crée en 1943, afin « qu’une de ses œuvres vive parmi la population de Vallauris », affirmant ainsi son souhait de voir l’art s’intégrer dans l’espace public. 

Dans cette cité potière, deux médiums en particulier lui permettent d’approfondir sa réflexion sur le multiple : les affiches et la céramique. À travers ces supports, Picasso conjugue accessibilité et expérimentation, exploitant les techniques de reproduction pour diffuser son art tout en renouvelant les formes et les motifs. 

Afin d’explorer cette relation singulière entre Picasso et l’art du multiple, le musée Magnelli, musée de la céramique propose deux expositions complémentaires : Picasso, ses affiches et Picasso céramiques, les techniques du multiple.

« Picasso, ses affiches »

L’intérêt de Picasso pour l’affiche se manifeste dès le début du siècle. Mais les affiches originales ont été créées entre 1948 et 1971. Pendant plus de vingt ans, il conçoit intégralement ou supervise de très près les affiches des causes et évènements auxquels il s’associe. Deux collaborations majeures se distinguent dans cette approche : Arnéra pour la linogravure et Mourlot pour la lithographie. 

L’affiche devient le support à un nouveau langage graphique où Picasso explore la question de la typographie et redéfinit les rapports entre l’image et le texte. 

Dans le corpus des affiches de Picasso, nous pouvons distinguer trois catégories : 

– Affiche originale : Une affiche créée à partir d’une image existante au nom et avec la collaboration d’un artiste. 

– Affiche dessin originale : pour laquelle l’artiste crée le modèle d’image. Le transfert sur la pierre litho est réalisé par le lithographe. 

– Affiche graphique originale : réalisée entièrement par l’artiste. L’artiste lui-même applique l’image sur la pierre lithographique et imprime l’affiche ou du moins supervise l’impression. Ces affiches sont répertoriées dans le catalogue publicitaire comme « œuvres originales ». 

Toutes trois sont considérées par les experts comme des affiches originales car l’artiste a participé d’une manière ou d’une autre à la réalisation de l’affiche. 

Cette exposition rassemble près de 70 affiches originales réunies grâce à la passion d’un collectionneur, Werner Röthlisberger, qui possède l’une des Pablo Picasso, Exposition Vallauris, rares collections complètes des affiches de Picasso au monde.

« Picasso céramiques, les techniques du multiple »

Entre 1947 et 1971, Pablo Picasso produit un ensemble conséquent de céramiques, estimée entre trois mille cinq cent et quatre mille pièces uniques. Elles ont toutes été réalisées à Vallauris, dans l’atelier Madoura. 

En s’installant à Madoura, Picasso monopolise les moyens matériels, techniques et humains de l’atelier. Suzanne Ramié, fondatrice de l’atelier, doit alors stopper pour un temps son activité propre. Picasso propose de faire éditer son œuvre céramique. Sur les milliers de pièces céramique crées par Picasso, plus de 600 modèles seront édités en exclusivité par Madoura. Les modèles sont choisis conjointement par Picasso et Suzanne Ramié en fonction des possibilités techniques de la reproduction. 

Deux techniques sont mises au point : la première est celle des empreintes originales, c’est-à-dire le transfert intact d’une œuvre gravée par estampage d’un moule en plâtre. Il s’agit d’une technique relevant de la gravure. Ainsi, on désigne les empreintes originales sous le terme d’œuvre gravée céramique. 

La seconde est celle des répliques authentiques, répétition des formes, volumes et décor. Cette reproduction est rendue possible par la présence de Picasso dans l’atelier pendant de nombreuses années permettant une observation précise de ses gestes et par l’établissement précis d’un cahier des charges reprenant toutes les étapes. 

Le nombre de tirages est variable : de 25 pour les plus petites séries comme les grands vases, jusqu’à 500 exemplaires pour certains plats. 

L’exposition permettra d’explorer les procédés techniques ayant permis de réaliser les éditions. Au travers des œuvres présentées, le processus créatif de Picasso dans le domaine de la céramique sera également mis en lumière. 

L’exposition présentera des céramiques mais également des photographies, linogravures et un dessin