Richard Pak – La Firme
Du 24 octobre 2024 au 5 janvier 2025 – Vernissage mercredi 23 octobre à 18h
Pendant les Travaux : Espace du Matou, 58 Allée Charles de Fitte, 31300 Toulouse.
En associant photographie, vidéo, récit et documents historiques, Richard Pak raconte l’histoire de la communauté de Tristan da Cunha – petite île volcanique au milieu de Atlantique sud, territoire habité le plus isolé au monde – et questionne l’héritage des valeurs idéalistes fondatrices de cette communauté établies il y a 200 ans.
La série La Firme est le premier chapitre d’une anthologie (Les îles du désir) consacrée à l’espace insulaire. L’île, espace de peu de monde, nourrit un imaginaire commun au plus grand nombre. Au-delà de l’éloignement simple, elle induit l’idée d’une rupture avec le quotidien. Les îles fascinent le voyageur comme elles façonnent leurs habitants.
Dans l’imaginaire collectif elles sont aux confins, elles représentent le lieu médian entre l’inconnu et le connu. L’étymologie du mot isoler nous renvoie à « séparer comme une île (isola) » et je ne pouvais trouver guère mieux que Tristan da Cunha pour entamer un cycle sur l’insularité.
La Firme, Richard Pak
C’est un confetti perdu au fin fond de l’Atlantique Sud, à 2.771 km de l’Afrique du Sud et à 3.223 km du Brésil. La terre la plus proche est l’île de Sainte-Hélène, à 2 418 km au nord-nord-est et, avec ses 96 km2 de superficie, l’île volcanique Tristan da Cunha culmine à 2 062 m. Autant dire un bout de monde au bout du monde.
C’est là que Richard Pak s’est installé fin 2016 pour une durée de trois mois et a commencé son cycle sur les espaces insulaires, qu’il a ensuite développé et poursuit encore. Mais il fallait atteindre l’île : « Aller à Tristan da Cunha tient de la gageure ; certains attendent plus de deux ans. Il faut d’abord obtenir l’autorisation du conseil de l’île. Ensuite il faut trouver une place sur un des quelques bateaux de pêche qui la desservent.
Quand l’archipel est enfin en vue, après huit jours de navigation jusqu’au seuil des quarantièmes rugissants, la météo doit être assez clémente pour décharger cargaison et passagers, ce qui n’est jamais garanti. ».
Là, seul visiteur au milieu des 260 habitants – qui n’avaient que huit patronymes différents – et de quelques expatriés essentiellement britanniques et de quelques Sud-africains – il a procédé à un rythme lent, pris ses marques, regardé, cherché les traces d’une histoire singulière qui fit que ce territoire rattaché à la couronne britannique fut régi par une organisation ignorant la hiérarchie, la propriété privée et l’argent.
De cette belle utopie restent encore aujourd’hui de fortes valeurs de solidarité et de vivre ensemble.
Richard Pak a rapporté de cette expérience et de cette écoute des images douces, une combinaison de paysages et de portraits aux teintes sans stridences, apaisées, qui respirent à la fois une amplitude de l’espace et une proximité à ceux qu’il photographie.
Ces photographies documentaires qui ne cherchent ni à écrire un récit ni à prouver quoi que ce soit s’accompagnent de documents, d’images filmées et les notes qu’il a rédigées durant son séjour lui ont permis de concevoir un livre sur le territoire habité le plus isolé sur notre planète.
Ni historien, ni ethnologue, ni sociologue mais indéniablement curieux se documentant sérieusement et absolument photographe, Richard Pak nous invite simplement à découvrir cet univers singulier dont il a voulu faire l’expérience.
Et la combinaison de tendresse et de fragilité qu’il transmet nous rappelle les mots d’Eric Orsena : « Une île est par définition fragile, nomade. Tout le monde a peur qu’elle se dissolve à un moment donné ou parte à la dérive. ».
Christian Caujolle, Conseiller artistique
Série La Firme (Tristan da Cunha, 2016/17)
Extrait du texte de Richard Pak
Le nom du navigateur portugais qui la découvrit au XVIe est trompeur pour cette île discrètement mythique et résolument britannique. Le volcan est à huit jours de bateau du Cap, seul moyen de s’y rendre.
Ce qui fait de ce confetti de cent kilomètres carrés, triangle parfait posé au milieu de l’Atlantique sud, le territoire habité le plus isolé de la planète. Mais c’est moins l’exotisme de son éloignement que l’histoire singulière et les valeurs idéalistes fondatrices de la petite société qui s’y accroche qui m’ont invité à m’y rendre.
En 1816 un contrat est signé entre les premiers habitants, qui s’y désignent « la firme », et la couronne britannique. Ses quelques articles annoncent notamment que « nul ne s’élèvera ici au-dessus de quiconque » ; « tous doivent être considérés égaux » et « tous les profits réalisés seront partagés équitablement ». De fait il n’y a alors pas de propriété privée, pas de chef, pas d’argent, tous s’entraident mutuellement.
Aujourd’hui encore les terrains sont communaux. Il n’y a qu’à se servir à la seule condition d’y construire sa maison. L’entraide y a un sens, car personne ne peut exister sans l’autre. Et ils continuent de vivre ensemble dans le sens plein du terme.
L’expérience utopique reste dans l’anonymat jusqu’en 1961, quand le volcan s’ébroue. Les deux cent soixante insulaires sont tous évacués et propulsés en pleine Grande-Bretagne post-industrielle. Le gouvernement britannique pense alors autant les sauver d’un destin assurément funeste que les éclairer des bienfaits de la société de consommation.
Et accessoirement se débarrasser de ce minuscule territoire à l’intérêt stratégique à peu près nul et sous perfusion financière permanente. Mais les tristanais ne sont pas trop impressionnés par ce monde moderne si loin du leur et préfèrent tous repartir sur leur île deux ans plus tard. [etc]…
Richard Pak
Richard Pak est un auteur pluridisciplinaire né en France en 1972.
Photographie documentaire, recherches plastiques, convocation du récit ou de la vidéo.
« Depuis vingt-cinq ans, le travail photographique de Richard Pak est conduit avec constance. L’oeuvre se bâtit de façon empirique, entendons sans dogme ni programme, sans systématisme non plus. Et c’est l’idée même de photographie qui est travaillée sans qu’il ne soit question d’une cohérence stylistique de façade et encore moins d’un processus invariant qui vaut caution esthétique.
Ici, il faut être réaliste, là symbolique, ailleurs métaphorique, que l’approche soit expérimentale et plastique, classique et documentaire, sociologique et fictionnelle, il affirme sa liberté d’écriture. » (Michel Poivert, 2022)
Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions individuelles en Europe.
Il a publié deux monographies aux éditions Filigranes et ses photographies font partie de collections publiques et privées dont celles de la BNF et de la Collection Neuflize OBC.
Pendant les Travaux : Espace du Matou, 58 Allée Charles de Fitte, 31300 Toulouse.
Galerie Le Château d’Eau 1, Place Laganne 31300 Toulouse. Tél. 05 34 24 52 35
Du mardi au dimanche de 13h à 19h
- Photographie
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