Dans la poésie japonaise, l’approche métaphorique du mitate, littéralement “instituer par le regard”, aussi traduit par “la chose vue comme”, convoque des associations codifiées entre faits naturels, moments et sites emblématiques. L’ensemble forme un jeu d’apparition et de disparition d’éléments fragmentés, de phénomènes et de météores qui s’interposent, sans structuration apparente. 

Elles permettent aux poètes d’exprimer leurs sentiments et leurs émotions. Dans le travail de Julien Guinand, ce jeu métonymique relie des éléments naturels, des récits historiques et intimes, des territoires traversés et altérés par l’activité humaine. Pensée comme un atlas aux multiples entrées, Géographie intérieure articule et relie des photographies et des films issus de diverses séries produites depuis les années 2000. 

 Nous proposons ici une relecture du travail, non pas à travers le temps linéaire ou un projet défini, mais sous la forme d’un assemblage constellaire. Ce modèle permet le rapprochement d’éléments autonomes, d’espaces-temps hétérogènes, de mondes multiples, dynamiques et interconnectés en un nouveau lieu. Ce format proche de la cartographie est une invitation à tisser des relations entre les images pouvant reposer sur des affinités formelles, des proximités conceptuelles, des articulations historiques ou des confrontations temporelles et matérielles.

 Nous souhaitons, à travers cette exposition, déployer une approche intime du territoire qui donne à voir des images parfois méditatives, énigmatiques, voire hallucinatoires. S’il y a des motifs récurrents tels que les fumées, les bâches blanches, les arbres coupés ou tordus, le feu, l’eau, les pans de roches, les jardins, ou le béton, tous ne sont pourtant pas convoqués pour les mêmes raisons et participent à la création de liaisons poétiques. 

Chargés de métaphores, leur nature sémantique nous invite à un exercice d’analogie et rend compte de ce que l’artiste photographie depuis plus de vingt ans.

 Célia Tual