Géraud Soulhiol – Le Cyclope
Du 20 au 22 septembre 2024 11h-19h – Vernissage jeudi 19 septembre à 19h
Exposition monographique dans le cadre de la Saison du Dessin
Géraud Soulhiol est né en 1981 à Saint-Céré dans le Lot. Il vit et travaille à Paris. Dessinateur, il nous transporte dans un univers miniature nourrit par l’exubérance architecturale du monde dans lequel on évolue. Il s’attarde, par un trait précis, et un goût du détail, à recomposer des territoires et des architectures dont la fonction reste à imaginer.
Le charbon et la souris.
Une vision cartographique.
Voyageur immobile
Géraud m’a confié sa fascination pour les récits d’explorateurs et l’époque des grandes découvertes.
Il est devenu à son tour voyageur, explorateur téméraire, mais depuis sa chaise, face à son écran. Il zoome, il dézoome. Pour sa première exposition monographique à Marseille, l’artiste dévoile un ensemble d’œuvres inédites, marquant une nouvelle étape dans sa pratique. Géraud Soulhiol a choisi de mettre en dialogue cinq séries sur lesquelles il travaille depuis 2022. Ses outils : le charbon, la gouache, des pierres, un hublot, une loupe, et la longue vue d’un satellite. Mais avant tout, c’est le déplacement qui guide son travail. S’éloigner pour mieux se rapprocher. Se perdre. Errer. Enfant, il parcourait les forêts et se racontait des histoires d’aventure. Aujourd’hui, il voyage souvent assis, avec un œil augmenté.
En géographie
Je me suis heurtée à une difficulté, car depuis quelques années, je ne peux m’empêcher de voir la carte comme un outil essentiel à la colonisation, un moyen de rentabiliser l’espace et les humain·es qui l’habitent, négliger les lieux, avec une activité notamment extractiviste. Je perçois la géographie comme une science prétexte, servant à mieux maîtriser, mieux dominer pour imposer ses propres représentations¹. Dessiner la terre pour se l’approprier, redessiner les frontières. Mais Géraud est un voyageur immobile, dressant des cartes avec un seul œil, comme s’il affirmait, par l’artifice du cercle, la position du regard humain. Comme s’il venait signaler ce regard situé.
Il ne mettra pas un pied sur la lune, seulement son doigt.
L’œil du ciel
Le dessin mural, tel un œil gigantesque qui nous observe, donne son titre à l’exposition : Le Cyclope. Regarder d’un seul œil, depuis le front : à quoi ça rime ? Ce jeu de regards inversés traverse une grande partie de ses œuvres. Dans ses Géographies révélées, le disque noir, réalisé en frottant du graphite sur la pierre, évoque un regard aveugle ou un trou noir, révélant ainsi certains plissements du minéral, la trace d’anciens mouvements. Les Bas-reliefs, gravés dans des fragments de roches calcaires, reprennent des motifs de sillons ou de carrières, que l’on retrouve également dans les dessins au charbon sur papier. En creux ou en relief, les formes sont toujours circulaires. Il semble que cet œil rejoue sans cesse, ou déjoue, le regard. Qui regarde qui ? Peu à peu, j’ai l’impression que c’est la mer ou la terre qui gardent sur nous un œil, nous scrutent.
Cercle et plongée
Dans la série En approche, où l’on retrouve certains codes des cartes anciennes – des globes aplatis qu’il juxtapose ou superpose –, l’artiste reproduit au crayon ce qu’il glane et arpente à la souris. Il zoome, dézoome ; en plongée, toujours. On se déplace en cercle, ou en terraforme. Ici encore, les globes terrestres et oculaires semblent se confondre. Géraud s’amuse à déjouer les échelles. Est-ce un petit trou creusé dans la terre ou une gigantesque carrière à ciel ouvert ? La récurrence du cercle, bien qu’elle puisse suggérer une restriction du champ de la vision, abolit toute hiérarchisation. Géraud s’émancipe des codes de représentation du paysage avec ses points de fuite et son horizon, transformant ainsi son immense hors-champ en un diapason.
Vision et dérive
Le Hublot, une série de dispositifs vidéo de 35 minutes, comme Les Marines, des miniatures à la gouache sur sous-tasses représentant des flux de navires qui balaient les océans, convoquent à leur tour un œil unique. Elles sont le cerne qui évoque la traversée. Tous ces bateaux, nous dit Géraud Soulhiol, partent à la dérive. Ces œuvres, malgré elles, proclament la suprématie de l’œil comme principal moyen de perception. En Occident, la vue reste le premier sens avec lequel on appréhende le monde². Dans le travail de Géraud, cet œil ne parle pas seulement de vision, il dit sa vision du monde qu’il prend plaisir à bricoler avec les moyens bord, alliant voyage et exploration à moindre frais. Il fabrique ainsi une ode à la dérive, à la fois comme méthode de création et dessein de vie.
Claire Luna
Coproductions et partenariats : D.D.A Contemporary Art, Jeanne Barret, Château de Servières, La Saison du Dessin, la Ville de Marseille.
Jeanne Barret, 5 boulevard Sévigné 13015 Marseille
du mercredi au samedi (sauf le samedi 26 novembre) entre 14h et 18h
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