Galerie des Carmes

Faire Face, c’est interroger notre rapport aux éléments : ceux qui nous dépassent, nous éprouvent, nous façonnent. Se confronter au vent, à la sécheresse, à la puissance du monde naturel mais faire face également à sa vulnérabilité actuelle — et par là même, à la nôtre.

Ce fil conducteur traverse deux séries présentées dans le cadre de  cette exposition : une sur la nature, l’autre sur les cirés jaunes. Deux manières d’aborder notre relation à ce qui nous entoure et nous oblige à réagir, à tenir bon, à nous adapter.

Dans la série sur la nature, je me suis laissée porter par les mouvements de la peinture, les textures, les accidents. J’ai voulu que la force des éléments s’exprime directement à travers la matière, sans chercher à tout maîtriser. Ce travail est né d’une envie de lâcher prise, de me libérer d’une approche trop figurative pour me rapprocher de l’essentiel : l’énergie de la nature, son rythme, sa puissance.

Ces tableaux évoquent une nature qui évolue, mais aussi une nature mise à mal. L’appauvrissement des sols, la sécheresse, les transformations brutales : autant de réalités qui traversent mes toiles. Et pourtant, malgré les épreuves, une beauté émerge. La nature résiste, se transforme, gagne toujours. Face à elle, nous ne sommes que de passage. Selon notre position, nous sommes simples observateurs… ou acteurs. Dans tous les cas, nous faisons face — nous nous ajustons, repensons notre place, et parfois acceptons de ne pas tout contrôler.

En parallèle, j’ai poursuivi mon travail sur les cirés jaunes, que je développe depuis plusieurs années. Cette série est un hommage à mes racines bretonnes, à un mode de vie confronté chaque jour à la rudesse du climat : la pluie, le vent, les vagues, les embruns. Les cirés que je peins ne sont pas des objets de carte postale. Ce sont des vêtements de travail, usés par le temps et l’effort. Ils portent en eux la mémoire des gestes et des corps qui luttent contre les éléments.

Là encore, j’ai cherché à m’éloigner d’une représentation trop lisse. J’ai varié les médiums, accentué les textures, laissé place au brut, à l’accident. Ces cirés sont comme des témoins silencieux : ils protègent, signalent, incarnent la présence humaine sans la montrer.

Entre les deux séries, un même écho : cette tension entre force et vulnérabilité, entre exposition et protection.

Faire face, c’est parfois lutter, parfois céder, souvent s’adapter. Et toujours, malgré la rudesse, une lumière apparaît. Elle traverse les couches, accroche les reliefs, révèle la couleur.

Une lumière qui parle de vie, de résistance et de transformation.

Christine Gouez-Manhes

À 18 ans, j’ai découvert par hasard la peinture et ai, depuis, toujours ressenti le besoin de peindre, de capturer des moments et de les retranscrire avec mon regard, ma touche personnelle. J’ai commencé par pratiquer l’aquarelle pour représenter les paysages de ma Bretagne natale. 

Et j’ai poursuivi cette exploration artistique tout au long de ma vie en parallèle de mon métier qui m’amenait à évoluer dans un contexte international. Cette nécessité vitale de créer et ma curiosité m’ont incitée à rejoindre de nombreux ateliers afin de perfectionner ma technique et m’ouvrir à d’autres pratiques. 

Notamment, pendant trois ans, aux ateliers des Beaux-Arts de la ville de Paris où je m’initie à l’étude documentaire et à la peinture trompe l’oeil. Depuis 2022, j’expose mon travail et j’ai enfin décidé en 2024 de me dédier à temps plein à la peinture. Durant une vie riche d’expatriation et de voyages, j’ai expérimenté de nombreuses rencontres humaines. Des hommes, des femmes, des enfants, des scènes dont j’ai été témoin et que j’ai soigneusement capturés pour les retranscrire par la suite à l’atelier. 

Chacun de ces moments partagés, qui me nourrissent et que je fixe sur la toile, retranscris un instant de complicité, une transmission, diverses émotions et états d’âme. Sur mes toiles, que je cherche réalistes tout en me débarrassant d’une technique trop académique, le fond et la forme peuvent parfois s’interpénétrer, l’empâtement prend ses aises. 

Ma volonté est de capter l’essence et la richesse de chacun de mes sujets et permettre d’autres rencontres. Apercevoir le spectateur absorbé par un regard, connecté émotionnellement au sujet du portrait, me touche et est l’un de mes objectifs !