CAIRN, foyer d'art contemporain

L’exposition Fabien Lerat. Un Pas dans l’eau, réunit un ensemble d’œuvres (sculptures, dessins, photographies et vidéo) évoquant le déplacement. De la Sainte Victoire au Tibet, de l’intérieur à l’extérieur, des œuvres habitables et habitées jalonnent le parcours de l’artiste pour qui les architectures humaines, géologiques et animales se répondent. À la manière des structures pénétrables ou praticables et des jeux de miroirs pour déplacer le corps et le regard dont il est familier, Fabien Lerat nous invite à expérimenter ses œuvres comme des instruments de réflexion et de perception. 

Le corps comme unité de mesure, allégé du poids de l’anthropocentrisme, trouve écho dans les architectures géologiques et animales que rencontre Fabien Lerat. L’architecture, considérée par l’artiste comme « les distances qui existent, dans une mobilité permanente, entre les uns et les autres » s’invite dès lors dans son travail. Elle tend à brouiller les limites que nous associons traditionnellement entre les idéologies modernistes et les formes du vivant qui les inspirent, entre les montagnes et l’eau qui les sculpte, entre l’envers et son contexte. 

L’ombre, le reflet, le retournement égrainent une grammaire plastique dans laquelle nous pouvons « entrer » physiquement. En écho à Point de réflexion (2011), structure installée dans le Parc SaintBenoît à proximité du Cairn, certaines des œuvres de l’exposition sont, elles aussi, habitables et habitées par nos présences. Tout un chacun peut devenir un observateur actif au sein des dispositifs imaginés par l’artiste. Une série de maquettes et dessins pour des œuvres réalisées nous rappellent à elles : du Mont Blanc à la Montagne Sainte Victoire en défilant jusqu’au quartier de Bangka à Taipei et ses maisons à arcades. 

Autres architectures, autres œuvres : Nest (2017) et Rayons (2023) convoquent autant le règne animal (un nid de frelons à pattes jaunes et plus génériquement, la structure alvéolaire d’une ruche), que les utopies modernistes façonnées par des architectes comme Jean Prouvé ou Oscar Niemeyer. Elles nous invitent à réfléchir sur nos modes d’organisations sociales via notre rapport au corps et à l’espace. Les distinctions d’échelles entre l’immense et l’infime, entre le proche et le lointain, entre l’humain et le non-humain sont profondément remises en cause. 

Les pas sculptés par Fabien Lerat évoquent, quant à eux, la trace fugitive de ses impressions, comme croquées dans un carnet de voyage, le sien, en partance d’un premier périple au Tibet en 1986, qui fait écho à ceux d’Alexandra David-Neel. L’œuvre Manteaux pour deux (1999) rappelle ainsi le séjour de l’artiste dans l’Himalaya et le lien entre fenêtres et regard, entre maison et corps, tandis que Un Pas dans l’eau (2025) évoque les paysages de la Bléone et fait un trait d’union avec l’Himalaya. Montagnes et montages, illusions et allusions se réfléchissent les unes les autres et déplacent notre perception.