Vincent Mauger, premier artiste invité en résidence de production à la Galerie Georges-Pompidou, questionne la notion de paysage.

Vincent Mauger présente ses oeuvres dans l’espace neutre, épuré et blanc, du bâtiment, dénué de la charge patrimoniale à laquelle l’artiste a l’habitude de se mesurer. Il y croise différents systèmes qu’il fait dialoguer : trois surfaces planes au sol, faites de blocs de parpaing ou de brique, sculptés, découpés ou poncés, disposés en quinconce, et des formes découpées dans du bois aggloméré avec encoches, dont les pièces s’imbriquent les unes dans les autres pour former des élévations majestueuses aux allures de totem.

Vincent Mauger se plait ainsi à inventer des systèmes de représentation de l’espace, d’un paysage, qu’il confronte avec une architecture – lieu patrimonial le plus souvent – qu’il investit. Ces systèmes, qui reposent sur l’assemblage de modules, ainsi que sur la répétition d’un geste qui lui est associé, sont proches des jeux de construction pour enfant, mais à une tout autre dimension puisque les matériaux utilisés par l’artiste proviennent du bâtiment : parpaings, briques alvéolaires, bois aggloméré et panneaux de Valchromat. 

Ainsi, sont produites des formes complexes qui questionnent l’architecture et la notion d’échelle, qui créent des perspectives, que le visiteur peut imaginer prolonger au-delà du lieu dans lequel elles s’inscrivent et répéter virtuellement à l’infini, sans limites. Rien d’ornemental n’est introduit, seuls comptent l’aspect structurel, le motif, la texture des matériaux et le jeu d’ombre et de lumière. Se dévoile alors au visiteur qui déambule autour des oeuvres, un paysage singulier, mouvant, évolutif, qui ouvre de multiples perspectives et échappées, et qui, par le jeu des reflets dans la baie vitrée de la galerie, semble s’affranchir de l’enceinte du bâtiment pour envahir la végétation environnante.

Ainsi, Le monde des blocs offre au visiteur une expérience solitaire et ludique, à vivre physiquement à travers le déplacement dans l’exposition, et virtuellement, en laissant libre cours à son imagination.

Vincent Mauger

Né en 1976 à Rennes. Vit et travaille à Sèvremoine (Pays de la Loire).

« Ma démarche est construite à partir de réflexions portant sur les problématiques de perceptions et de représentations de l’espace. Je réalise des environnements qui matérialisent mes extrapolations mentales d’espaces dans lesquels j’ai vécu ou bien seulement traversé physiquement, parfois même seulement aperçus. Je concrétise ainsi au sein de notre environnement matériel, bien concret, des espaces mentaux. Ce sont des pensées échafaudées à partir de la perception d’espaces et de lieux, mais aussi des visions issues des univers de réalité virtuelle ou, de façon plus rudimentaire, de modélisations mathématiques.

À partir de matériaux de construction ordinaires, je reconstruis des représentations de paysages, proches de l’imagerie de synthèse ou de constructions mathématiques. Je mets ainsi en parallèle des processus de construction concrets avec l’élaboration des images virtuelles ou scientifiques. Je rapproche ces univers que l’on perçoit spontanément comme opposés, l’un plutôt archaïque et rudimentaire, et l’autre élaboré et sophistiqué, pour souligner leurs similitudes. L’un et l’autre étant conçus finalement à partir des mêmes principes.

Mes réalisations perturbent les rapports d’échelle, elles invitent au déplacement aussi bien physique que mental. À partir de processus simples, de systèmes de construction basiques, j’élabore des propositions ouvertes permettant au public de s’en emparer mentalement et s’imaginer poursuivre la construction aussi bien qu’en modifier la configuration.

J’utilise sciemment des matériaux, de construction pour la plupart, bruts afin qu’ils demeurent toujours identifiables. Cependant, en les détournant de leur usage habituel, je créé un décalage qui produit des perceptions inédites et déroutantes.

Mes sculptures et installations constituent parfois des sortes d’ébauches, de croquis se développant dans l’espace. Elles forment également des entités étranges, à la frontière entre l’organique, animal ou végétal. Ainsi, à l’instar des sciences biomimétiques déjà employées à la Renaissance, j’établis des analogies entre les structures des objets d’univers distincts, me permettant de créer de nouvelles représentations hybrides. » Vincent Mauger