Marinette Cueco – De l’herbier au monochrome
Du 5 juin-au 26 juillet 2025
En cette saison, les œuvres de Marinette Cueco éclosent à Lyon, à la Galerie Ceysson & Bénétière du 5 juin au 26 juillet 2025. Présentées sur les murs, les sols ou intégrées directement dans le paysage, ses œuvres imprègnent notre esprit d’une multitude d’informations sensorielles : visuelles, olfactives et tactiles. Ces pièces sont disposées pour frustrer nos sens – pas touche !
Des pièces délicates ou massives émanent une aura tout aussi puissante. Sensible et puissant, le travail de Marinette Cueco est dépourvu de sentimentalisme. Ce serait une terrible méprise de reléguer son œuvre au rayon poésie & joliesse sous prétexte d’un compliment (captivant, gracieux, ravissant) qui dénigre autant qu’il louange l’ouvrage des dames.
Les formes de Cueco Faber ne peuvent être poétiques, puisqu’elles sont conçues en dehors du langage. De son esthétique muette émerge ce qui est donné à voir. En parler est une autre affaire. Les éléments constitutifs peuvent être décrits par autant de syntagmes – chignon de pré, emmaillotage de galet, entrelacs de graminée, pelote d’ampelopsis, fagot de glycine, fuseau de chanvre – qui s’apparentent à des métaphores et régalent par hasard nos sensibilités linguistiques. Ne soyons pas dupe, l’esprit qui les fabrique demeure fermement matérialiste.
L’ambition de Marinette Cueco est de maîtriser la nature comme source de matériau mais aussi de formes. Botaniste à la manière de Jean-Jacques Rousseau, c’est-à-dire sans maître, elle herborise par rapport à sa démarche esthétique. Lorsqu’elle cueille la matière végétale, elle accomplit une tâche purement utilitaire, alors que traitement, mise en forme et ordonnancement de la matière végétale sont des activités créatrices.
Elle n’imite pas la nature, elle ne reproduit pas les formes, elle en crée de nouvelles qui n’existaient pas avant qu’elle ne les imagine. Pour inventer ses gestes, elle puise dans l’histoire du corps à l’œuvre. Des techniques textiles traditionnelles, elle retient et adapte : tissage, filage, tricot, crochet, couture ; de l’agriculture : fauchage, cueillette, taille, égrenage.
Pour être efficaces, ces actions doivent être menées avec un esprit tranquille, détaché des mondanités, ce qui se reflète dans les œuvres au fur et à mesure de leur réalisation. Lorsqu’on y prête attention, ces actions réfléchies et scrupuleuses, consignées dans les fiches, font appel à nos sens et nous procurent le plaisir particulier de l’esthétique botanique.
Toute sa vie Marinette Cueco était appréciée des amateurs d’art textile ou du jardin. Il est temps qu’elle soit reconnue plus largement. Pendant plus de soixante ans, cette artiste inventive interrogeait la capacité du végétal à être matière ou support, élément formel ou sujet de recherche. Son art singulier reste réfractaire à toute interprétation iconographique.
Son œuvre est aussi informée de la crise de la représentation que les pratiques de plein air, les toiles non tendues, les arts de la pelle et du bulldozer, ou l’arte povera qui rend molto ricco. Il ne manque que le cordon protecteur d’une exposition muséale pour que Marinette Cueco puisse aussi réfuter en pompe la société de consommation, et interroger dans les règles de l’art contemporain la relation entre l’homme et la nature. Ou peut-être vaut-il mieux ne pas
institutionnaliser l’esprit libre de cette glaneuse qui se promène dans le champ esthétique de la modernité.
Rachel Stella, 2025 Commissaire de l’exposition
Ceysson & Bénétière Lyon, 21, rue Longue 69001 Lyon Tél : 04 27 02 55 20 / 06 22 17 14 92
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