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Laisse Béton, ou l’art (et la matière)

Du 3 octobre au 5 décembre 2025

Un nouveau lieu d’art contemporain à Toulouse  et une 1ère exposition évènement en forme de manifeste.

Laisse Béton, ou l’art (et la matière) de s’interroger sur la place  accordée aux artistes par notre société…

C’est place de la Daurade, au cœur de la ville rose, qu’ouvre en octobre prochain Inessentiel Space sous la houlette de l’artiste toulousain Damien Aspe.

Espace d’exposition, de rencontre, d’échanges et de résidence, cet espace unique à Toulouse créé PAR un artiste POUR les artistes ouvre ses portes avec une exposition inaugurale forte en symbole : « Laisse béton ».

Réunissant quatre artistes majeurs de la scène contemporaine, tous issus de notre région – Nicolas Daubanes, Jean Denant, Rémi Groussin et Lucie Laflorentie – l’exposition explore les multiples dimensions du béton : matériau brut, poétique, économique, écologique ou politique.

Un titre évocateur, entre hommage et revendication

Référence directe à la chanson culte de Renaud (1977), « Laisse béton » joue sur le double sens du verlan (« laisse tomber ») et fait écho au nom même du lieu, Inessential Space.

Par ce clin d’œil, l’exposition met en lumière la fragilité du statut des artistes plasticiens aujourd’hui, tout en réaZirmant la nécessité de leurs pratiques dans une société qui tend à les reléguer au second plan.

Le béton, matière à penser

Matériau décrié depuis l’édification des grands ensembles d’après-guerre, le béton trouve ici de nouvelles formes d’expression.

  • Lucie Laflorentie et Jean Denant proposent une réconciliation sensible entre nature et architecture.
  • Rémi Groussin et Nicolas Daubanes, quant à eux, interrogent l’histoire urbaine et les mémoires collectives à travers cette matière brute.

Ensemble, leurs œuvres se répondent, se confrontent, s’opposent parfois, mais partagent un langage commun : celui du béton comme révélateur de nos contradictions contemporaines.

Une scène toulousaine a:irmée… et reconnue

Réunir ces quatre artistes – tous originaires, formés ou installés dans la région -, pour son exposition inaugurale est un geste revendicatif par lequel Inessential Space démontre et défend le talent d’une certaine génération toulousaine, dans l’espoir de prouver que malgré les apparences, l’excellence artistique existe sur notre territoire.

 

INESSENTIEL SPACE

Un lieu plus que jamais nécessaire…

En 2019, l’artiste toulousain Damien Aspe investit un local en plein cœur de Toulouse pour y créer un espace de travail, de rencontres et d’expositions. Inspiré du modèle des Artist Run Space, Inessential Space réunit trois ateliers d’artistes, un espace d’exposition, une résidence et un lieu de partage ouvert au public.

La pandémie de Covid-19 et les restrictions gouvernementales qualifiant l’art de « non essentiel » ont marqué un tournant : Damien Aspe choisit d’assumer cette appellation avec ironie en donnant à son projet ce nom manifeste. Inessential Space aZirme ainsi, avec force, la nécessité de l’art et des artistes dans notre société contemporaine.

En mai dernier, le lieu a par ailleurs accueilli le QG du festival Le Nouveau Printemps ainsi qu’une exposition inscrite dans la programmation du festival, confirmant sa vocation de plateforme artistique et culturelle au cœur de la ville.

Pour célébrer l’ouverture d’un lieu nouveau à Toulouse : Inessential Space, l’artiste toulousain Damien Aspe a eu la remarquable idée de réunir quatre artistes qui ont pour particularité de s’être rencontrés aux Beaux-Arts de Toulouse ou de Perpignan et dans des lieux essentiels à l’art, comme Lieu Commun et La Maison Salvan. 

De leurs amitiés partagées est donc née l’exposition « Laisse Béton ». Le commissaire a donc réuni Nicolas Daubanes, Jean Denant, Rémi Groussin et Lucie Laflorentie,  chaque artiste ayant créé une œuvre nouvelle pour cette occasion.

            Le titre de cette exposition est à lui seul un manifeste : la volonté d’affirmer avec un humour corrosif cet art que d’aucuns ont voulu rendre inessentiel en un temps de pandémie et de mettre en valeur/ souligner comment des matériaux dévalorisés comme sources d’art : le béton et le néon, peut naître un autre regard sur le monde, l’architecture, bref, la vie.

            L’œil cruellement désorbité qui surplombe le lieu annonce la couleur : comme une caméra de surveillance, il regarde la vie, la rue, la place de la Daurade. Rémi Groussin a , non sans humour, détouré cet œil fait de néons de récupération pour qu’il cligne vers nous, fasse signe dans la nuit. 

Si ,au début du Mépris, Jean-Luc Godard et Raoul Coutard faisaient s’embrasser deux caméras, ici nos yeux se rencontrent et s’envisagent, non pour s’épier, se ficher, mais pour nous rendre sensibles à notre environnement, à notre Umwelt, et approfondir la nuit et ses rencontres. L’artiste le précise :   » L’œil le plus rouge s’allume à la nuit tombée et projette dans l’atmosphère ses nuances écarlates. 

Le rouge du néon nous rappelle des sentiments contradictoires. Nos yeux sont rouges lorsqu’on pleure, de joie, de tristesse ou bien-même de rage. Ce globe symbolise alors l’ensemble de ces émotions, s’éteignant et s’allumant successivement à l’instar d’une alarme lumineuse qui semble nous alerter ». 

            Fraîchement revenu de la Villa Médicis, Nicolas Daubanes[1] présente un grand dessin du Panthéon de Rome retravaillé comme il sait le faire à la limaille de fer pour célébrer à sa façon ce « béton » que les Romains avaient déjà su inventer et que nos architectes et nos archéologues ne peuvent que leur envier. 

À ses pieds, une architecture de béton sucré reproduit la maquette d’un bâtiment désossé :  mis à nu, le vide des étages nous dévisage et porte la mémoire du geste de résistance de ses ouvriers réquisitionnés par les Nazis pour construire le Mur de l’Atlantique. Véritable oxymore, le « béton sucré » , espéraient-ils, rendrait moins résistant leur construction.

            Construire/ détruire est aussi le geste que reprend Jean Denant. Il partage avec ses amis une commune passion pour le travail de Gordon Matta-Clark qui « désossait », attaquait de vieux immeubles pour en révéler la structure et, avec elle, nous dévoiler cette ruine moderne et donc notre vie. 

Un immense tableau blanc fait surgir du placoplâtre attaqué au marteau, instrument peu apprécié des professeurs des Beaux – Arts, la vision blanche-immaculée d’une ville moderne en construction, et déjà simultanément menacée par la ruine.  Mais enlever, abraser est geste par excellence de sculpteur. 

Dans ce suspens du temps qu’est l’œuvre, nos regards s’interrogent, s’ouvrent à une méditation sur l’art d’habiter le monde et sa version moderne, sur le temps et l’Histoire. Au pied de l’œuvre, trois « pots » de matériaux trouvés lors de la « construction » par Rudy Ricciotti du Mémorial de Rivesaltes disent comment de ces restes égarés, l’artiste peut monter à la main des pots dignes d’un musée archéologique. 

Traces fossiles du temps, mémoire vivante,  ils voisinent un « tableau », presqu’une nature morte, composée par la main de l’artiste qui a broyé différents matériaux pour en enduire le  » vierge papier que la blancheur défend ».

            Lucie Laflorentie a disséminé ses travaux dans les trois salles d’exposition : accrochée au mur, une surface de béton recueille sur ses ondulations la couleur pour y ouvrir un paysage de couleurs. Plus loin, un tondo, forme familière à l’artiste[1],appelle la caresse de la main et la poésie du regard. 

Un autre travail sur une plaque de béton dont la partie basse reprend des arabesques découvertes au Maroc est recouverte d’une multitude de formes roses déclinant les éléments chers à Claude Viallat : la pièce repose sur le jeu entre brutalisme et délicatesse sensuelle de la couleur. 

            L’exposition peut se terminer sur la pièce de Lucie Laflorentie qui est à l’origine du titre de ce texte. La décrire suffira à le justifier. Surgit face à nous une pièce qui se dresse verticalement. Trois éléments la composent : une buse de béton entoure, comme pour le protéger, un tronc d’arbre que surmonte une paire, noble et, de bottes noires et stylées. Dialoguer avec cet ensemble ouvre la réflexion du regardeur: sa fausse simplicité en fait cet objet qui devant moi m’interroge. 

Comme l’écrit Georges Didi-Huberman, cette pièce est « ce que nous voyons, ce qui nous regarde »[2]. Les tensions qui régissent les trois éléments assemblés :  matière naturelle vs matériau artificiel / humain vs nature, noir vs ocre du bois / rugueux, granuleux de la buse, du tronc vs poli, lisse / brillant vs gris terne/ vieux vs fraîchement offert…, le regardeur saura les retrouver, les balayer de la main, du regard. 

Et ces tensions disent la résistance que l’œuvre nous impose par sa simple présence. Nous nous détachons de cette pièce : elle est trop simple, trop facile, trop tout « ça », avant que la pièce ne nous rappelle, nous pose son énigme, et que nous revenions vers elle, vers cette aura qui exige que nous la regardions, que nous en fassions le tour. « Continuer. Je ne peux pas continuer. Il faut continuer », disait Beckett. 

La simplicité, la trivialité apparente de ses phrases ont pu choquer ; elles vont vers une brièveté de plus en plus grande , comme si enlever était geste nécessaire. L’image [3]commence ainsi : « la langue se charge de boue un seul remède alors la rentrer et la tourner dans la bouche la boue l’avaler ou la rejeter question de savoir si elle est nourrissante et perspectives sans y être obligé par le fait de boire souvent j’en prends une bouchée c’est une de mes ressources » (p.9) 

Et quoi? pas de ponctuation? de la boue, boire et manger pour seul horizon ? Quoi ? pas de matériau noble, pas de bronze, pas de figure humaine, sinon des bottes L’Aigle. Oui, c’est là revenir à une simplicité des matériaux et à un assemblage paradoxal. Mais d’où naît alors la présence indéfectible de cette œuvre ? A quoi résiste-t-elle ? 

Elle s’origine dans le lien biographique de Lucie Laflorentie à ce monde agricole d’où vient l’artiste qui ainsi rend hommage à une agricultrice et à sa résistance à l’évolution socio-économique de notre monde. « Continuer… 

Il faut continuer », nous murmure de façon impérative et minimaliste l’œuvre à travers ces bottes fragiles et lumineuses qui invitent l’humain à reprendre et poursuivre sans orgueil sa marche continue dans une aube bercée de pluie, pour réinventer le monde, pour « habiter poétiquement le monde ». 

Ainsi l’artiste reprend-elle l’affirmation hölderlinienne : « Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve ». Merci aux artistes et à leur curateur d’avoir ainsi donné à l’art contemporain sa simple complexité vigoureuse, poétique et politique. Sans titre : « what you see is what you see », l’œuvre est ce phare qui à travers monts et marées nous réouvre le monde : stèles pour un autre monde.

[1] Pour l’exposition, une lithographie a été éditée : elle reproduit le déjà célèbre dessin de la prison Saint Michel de Toulouse; pour le prix modique de 100 euros, les regardeurs pourront ainsi acquérir un multiple de Nicolas Daubanes.  La prochaine réalisation de l’artiste constituée de dessins se déploiera en novembre au Panthéon, sur la montagne Sainte Geneviève.

[1] A la MEP, Maison des Étudiants et du Personnel, sur le campus de Rangueil, une série de tondi s’offre aux yeux. Les regardeurs pourront facilement les découvrir : ils déclinent les différents marbres avec lesquels l’artiste a su ouvrir ses paysages poétiques très sensuels.


[2] Livre fondamental sur l’art minimal, « Ce que nous voyons / Ce qui nous regarde » (Minuit 1992) comporte en particulier le Die de Tony Smith. J’ai eu le bonheur d’amener des élèves de Seconde à l’exposition organisée dans le cadre du Printemps de septembre et de voir des élèves s’arrêter longuement devant cette œuvre. Passé le premier moment de surprise et de rejet, à ma demande de me décrire cette œuvre (« Oh, Monsieur?), ils ont su en comprendre l’efficace et, pour certains, sont revenus longuement se trouver face « à ce bloc ici-bas chu ».

[3] Samuel Beckett, L’Image p.9 (Minuit,1988)

Inessential Space, 3, place de la Daurade 31 000 Toulouse Tél : 06 85 56 29 66

Ouvert du mercredi au samedi de 14h à 18h

Fermeture exceptionnelle du 22 au 25 octobre et du 26 au 29 novembre.

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