Château Vargoz

L´oeuvre artistique d’Elke Daemmrich se caractérise par des décennies de continuité et de développement. Elle crée sa peinture dans la chaleur du sud de la France et elle réalise son travail

de gravure dans sa ville natale de Dresde, en Allemagne, en collaboration avec le Grafikwerkstatt de Dresde,  dans son atelier á Alignan-du-Vent et lors de diverses résidences d’artistes.

C’était Jean-Louis Augé, conservateur en chef du Musée Goya á Castres qui lui propose de travailler pour une édition de gravure pour son exposition „Los toros“ qui avait lieu au Musée Goya en 1999. Ainsi elle va créer en 1997 ses premiers burins sur cuivre en hommage á Francisco de Goya et á George Bataille.

Elke Daemmrich ne fait pas d’art d’agitation avant-gardiste. Dans son travail graphique elle est plutôt une observatrice attentive et une chroniqueuse artistique. Elle a une écriture qui lui est propre, qui vit notre époque et les lieux où elle se trouve et qui transmet son expérience à ses oeuvres.

Elle ne voyage pas seulement entre l’Allemagne et la France. Bourses de résidences et expositions – en Europe et aux Etats Unis, et partout elle aborde également les aspects problématiques de l’histoire et du présent.

Que ce soit dans la Cleveland Suite qu’elle a adressé au premier maire de couleur de la ville, qui cherchait à améliorer le quotidien du People Of Colour, qu’elle décrive les contrastes entre les gratte-ciel et les quartiers pauvres, ou qu’elle se penche sur les contradictions de la vie et de l’oeuvre de Richard Wagner, dans ses peintures et ses gravures, la beauté et le danger se rencontrent souvent.

Et généralement, les premières apparences sont trompeuses. Derrière les lignes qui forment un réseau de beauté, aussi graphique que pictural, se cachent la laideur du monde, se cachent ses conflits non résolus. Comme la célèbre phrase de Rainer Maria Rilke dans Les Élégies de Duino : Car la beauté n’est rien d’autre que le terrible commencement que nous endurons, et nous l’admirons tant parce qu’il répugne tranquillement à nous détruire. Tout ange est terrible.

C’est comme si l’artiste voulait sauver la beauté en dessinant le laid. Comme l’a dit le philosophe coréen allemand Byung Chul Han : Le beau en tant qu’autre supprime la force du temps. La crise de la beauté aujourd’hui consiste précisément à réduire le beau à sa présence, à sa valeur d’usage ou de consommation. La consommation détruit l’autre. La beauté artistique est une résistance à celle-ci. 

Les oeuvres d’Elke Daemmrich résistent à la consommation rapide, elles demandent à être regardées de plus près – alors seulement elles déploient toute leur magie. Ils montrent un monde complexe qui nous rend parfois difficile de trouver un chemin humain – mais en peignant et dessinant ce monde, elle montre aussi qu’il y a parfois des doutes dans le monde, mais qu’il n’y a pas besoin de désespérer.

La réalité et le rêve se rencontrent dans un langage de formes variées. Elle tisse des éléments constructifs et figuratifs, elle fait écho au surréalisme et au réalisme magique. Elle maîtrise la précision puissante du graveur allemand classique, d’Albrecht Dürer à Karl Georg Hirsch.

Ainsi, Elke Daemmrich crée une œuvre incroyablement riche qui tombe sur le spectateur comme une pluie d’étoiles filantes. Ce qui est encore emprisonné dans le monde réel comme leur propre malheur, créé par l’homme, est libéré dans cet oeuvre comme prélude à la libération des hommes et de la nature.