Contretemps – art et de design
Jusqu’au 10 octobre 2025
Qui n’a pas souhaité un jour suspendre le temps, pour le vivre intensément, l’étirer, le sublimer ? Qui ne s’est jamais surpris à revivre un souvenir ancien avec une émotion intacte, réalisant soudain combien le temps ‘passe vite’ ?
Faut-il rompre avec les cycles de la répétition, qui nous éloignent parfois du présent et nous isolent, ou au contraire s’y ancrer avec rigueur pour mieux s’élever vers l’excellence ?
Cette exposition invite à explorer ces questions en créant une parenthèse spatio-temporelle : un espace de ralentissement, de contemplation, de dialogue entre œuvres et regards, propice à la découverte, à la rencontre et à l’émerveillement.
Ainsi les peintures contemplatives d’Alex Weinstein traduisent sa perception du passage du temps à travers l’évolution subtile de la lumière sur l’horizon. Les sculptures à vivre des éditions du coté s’inscrivent dans le temps long artisanal, quand celles en céramique de Mélanie Bouissière évoquent les vestiges énigmatiques d’une civilisation disparue, entre archéologie imaginaire et poésie des matières.
Le mobilier et les sculptures de François Cante-Pacos renouvellent avec audace et savoir-faire exceptionnels une vision futuriste née dans les années 1970, en y insufflant une énergie résolument contemporaine. Ils conversent joyeusement avec les créations ancrées dans le territoire des éditions du côté.
Les urnes de Clara Rivière, objets intimes et symboliques, célèbrent la mémoire dans ce qu’elle a de plus sacré, résonnant avec un texte lu par Blandine Rinkel, qui invite le visiteur à une méditation sensible sur la transmission, fil invisible entre les générations.
Les précieux garde-temps conçus sur-mesure et entièrement fabriqués à la main par Gabline redéfinissent notre relation au bijou, dans un geste à la fois singulier et personnel. Ils répondent élégamment à l’extraordinaire horloge imaginée par Humans since 1982, qui transforme chaque lecture du temps en une chorégraphie hypnotique.
Contretemps
‘Ars longa, vita brevis’
En musique, le contretemps est l’action d’attaquer un son sur un temps faible. L’expression d’une liberté surprenante, que l’on rencontre souvent dans la musique jazz. Improvisation et contretemps semblent aller de pair. Au quotidien, le contretemps renvoie à un événement imprévu, inattendu, qui s’oppose à notre volonté. Cela nous ralentit…
C’est justement le propos de cette exposition : ralentir pour susciter l’étonnement. Ralentir pour allonger le temps. Planifier puis soudain improviser. Ressentir les œuvres qui nous entourent pour se sentir vivre. Enlever les oeillères de notre quotidien pour élargir notre horizon. Accepter l’inopiné. Se connecter à l’autre pour sortir de notre subjectivité.
D’ailleurs, le temps objectif existe-t-il ? Les enseignements scientifiques récents confirment les démonstrations de la relativité d’Einstein : le temps est relatif – et donc subjectif – voire inexistant à l’échelle cosmique.
Pourtant, à notre échelle, il est compté : cadrans solaires, sabliers et horloges rendent visibles son écoulement, et règlent, plus encore que le soleil et les saisons, le rythme de nos vies. Les heures, les minutes et les secondes sont convoquées à chaque instant de notre activité.
Pourquoi comptons-nous le temps ? Parce que la vie est courte. La peur de la fin est un ressort terriblement efficace. L’éternité est une transcendance qui aide les croyants à vivre. Pour d’autres, l’échéance finale doit être repoussée, les signes de la vieillesse honnis. Cette crainte de la mort a poussé l’humanité vers la vitesse, ce toujours plus qui nous donne l’illusion d’un progrès. Vers la croissance infinie, qui améliore les outils pour plus de productivité jusqu’à leur déléguer des tâches automatisées, voire ‘intelligentes’, comme à des êtres humains. L’IA sera la grande révolution de notre siècle, dit-on !
À moins que… à moins que l’on garde une souplesse, une capacité d’adaptation, un vif, dirait Alain Damasio, un libre-arbitre, une faculté d’improvisation, un esprit de contradiction, à rebours…
A moins d’un contretemps.
Un moment suspendu, une patiente attente, une plongée dans la mémoire, une douce contemplation, une présence dans l’instant, une écoute et un regard tendus vers…
L’espace d’une seconde, d’une éternité.
Le contre-temps d’une exposition éphémère