Michel Graniou – Camera obscura
Du 22 novembre 2025 au 22 février 2026 – Vernissage vendredi 21 novembre à 18h30
La caméra obscura est sans aucun doute le premier appareil photographique au monde qui depuis Nicéphore Niepce au début du 19e siècle, a permis de fixer une image sur une surface sensible. C’est l’appareil qu’utilise Michel Graniou depuis 1980 et qui est à l’origine des photographies présentées dans l’exposition, 70 tirages argentiques à haute teneur symbolique.
L’exposition s’articule autour de trois thèmes qui recoupent les principaux ensembles d’objets rares et étranges qui composaient les cabinets de curiosités : les naturalia issus des trois règnes naturels (animal, végétal, animal), les artificialia dus à la main de l’homme (antiquités, œuvres d’art…), enfin les mirabilia, ces créations les plus admirables de la nature, pour lesquelles le photographe s’attache exclusivement à la beauté de l’éternel féminin.
La pratique photographique de Michel Graniou associe à parts égales la prise de vue argentique à la chambre et le tirage manuel dans son laboratoire. Natures mortes et fragments de paysage sont ses sujets de prédilection. Il privilégie des procédés anciens tels que la gomme bichromatée, le palladium, le collodion ou le cyanotype. La lenteur des techniques de prises de vue et de tirages fait partie de sa démarche : faire une photographie de contemplation, de méditation et de délectation.
CAMERA OBSCURA
Pour qui souhaite s’abstraire un moment du monde actuel, échapper à ses colères, à ses impatiences aveuglantes, à son rationalisme desséchant, pour celui-là qui pénètre dans la camera obscura, une autre dimension de l’espace et du temps lui est proposée. Là, dans la pénombre de la galerie, s’ouvre un univers insolite de calme, de lenteur et de beauté, propices à la rêverie et à la réflexion.
Sur soixante-dix tirages se déploie une collection d’images à haute teneur symbolique. Dès l’entrée, sur le mur du fond, l’artiste en donne la clef. Au centre, nous voici à l’intérieur de la camera obscura (la chambre noire photographique) dont on reconnaît le soufflet ; plus précisément nous nous trouvons à la place du négatif, face à l’orifice par lequel la lumière vient l’insoler. Dès lors, préparons-nous à être impressionnés par cette écriture avec la lumière – c’est l’étymon du mot photographie – qui constitue le thème principal de l’exposition.
Placés en miroirs, de part et d’autre de ce diaphragme ouvert, deux lions en pierre veillent sur la camera obscura. Aux extrémités, se répondent aussi trois colonnes en bois enguirlandées de fleurs et trois dents torsadées de narval. Sculpturales dans leur puissance et leur isolement, elles matérialisent le temple que l’artiste érige à la gloire de la photographie inventée il y a deux siècles tout juste et dont l’un des pionniers fameux, Charles Nègre, est le génie tutélaire de ce lieu.
Cette mise en scène savante trouve son écho sur le mur qui lui fait face avec le clin d’œil que nous réserve l’accumulation choisie de clés anciennes. Les serrures comme les explications sont ici, en effet, multiples. Les deux lions n’évoquent-ils pas également le monde des vivants et celui des morts comme l’indiquent les yeux ouverts de l’un et ceux fermés de l’autre ? Ils sont certes les symboles royaux du règne animal, mais également les gardiens des gisants.
Quant à la longue dent de narval, ne fait-elle pas référence à la licorne, cet animal fabuleux dont la corne était si recherchée depuis l’Antiquité ? Elle trônait en pièce maîtresse de ces cabinets de curiosités qui firent les délices des hommes riches et cultivés depuis le Moyen Âge jusqu’à la Renaissance. Nul doute que c’est à un voyage autour de sa chambre des merveilles (autre appellation du cabinet de curiosités) que nous convie Michel Graniou.
Depuis la prise de vue jusqu’à l’accrochage des soixante-dix tirages argentiques sur les cimaises, tout est longuement réfléchi. Ce microcosme photographié s’articule autour de trois thèmes majeurs qui préoccupent l’artiste démiurge depuis un demi-siècle. Ils recoupent les principaux ensembles d’objets rares et étranges qui composaient les cabinets de curiosités : les naturalia issus des trois règnes naturels (animal, végétal, animal), les artificialia dus à la main de l’homme (antiquités, œuvres d’art…), enfin les mirabilia, ces créations les plus admirables de la nature, pour lesquelles le photographe s’attache exclusivement à la beauté de l’éternel féminin.
Dans ce jeu de piste poétique, il prend plaisir à brouiller les pistes par le choix de sujets qui hésitent entre deux règnes, par la juxtaposition d’objets insolites et parfois incongrus, par la présence récurrente d’antonymes dominants comme l’ombre et la lumière, le souterrain et l’aérien, le mort et le vivant, etc. Du frottement entre les objets représentés, de cette incertitude qui s’installe d’une photo à l’autre, une perception nouvelle ou une expérience intérieure inédite est sollicitée.
C’est l’essence des êtres et des choses qui est recherchée au-delà de la beauté du monde et des œuvres d’art, une réalité transcendante que les sens communs ne perçoivent pas, que la cognition normée ne conçoit pas. Au jeu des influences artistiques, on retrouvera chez les poètes des connotations baudelairiennes et rimbaldiennes. Chez les peintres on pourra évoquer les vanités du janséniste Philippe de Champaigne et celles de l’Espagnol Francisco de Zurbarán ou encore les bodegones (scènes d’auberge) d’un autre peintre du Siècle d’Or, Juan Sánchez Cotán.
Un tel art photographique relève de l’expérience mystique. À travers l’âme du papier chaque épreuve célèbre les noces d’argent, d’or ou de platine entre la lumière et l’œil du photographe.
Jean-Paul Potron
Biographie Michel Graniou
Michel Graniou est né à Nice en 1955.
Dès l’enfance, son père l’initie à la photographie éveillant en lui une passion qui ne le quittera jamais. Son goût pour les sciences naturelles motive le choix de ses premiers sujets.
En ces âges lointains, informatique et numérisation ne relèvent alors que d’une spéculation théorique. Le jeune photographe doit contraindre son œuvre dans les strictes limites d’une rigoureuse économie de moyens. Pour lui, pas question de multiplier les images, ni les voyages lointains. C’est l’arpentage, œil aux aguets, d’un territoire, le pays niçois, dont le photographe se ressent comme une composante, non comme un explorateur.
Dans la trace des fondateurs de cet art, il doit maîtriser l’optique et ses lois, la chimie et ses arcanes, le talent créatif et ses exigences. Par ses recherches plastiques et la place accordée à l’interprétation, Michel Graniou place l’acte poétique au cœur même de la pratique de la photographie. Le temps long qu’il consacre aux techniques de prises de vue et des tirages font partie de sa démarche qui vise une photographie de contemplation, de méditation, de délectation.
En parallèle de son métier de photographe du patrimoine architectural et pictural des Alpes-Maritimes ayant rapidement évolué vers le numérique, il a toujours poursuivi cette pratique artistique personnelle partagée entre la prise de vue argentique à la chambre grand format et le tirage dans son atelier niçois.
Et dans ce travail jamais complètement achevé, sa palette s’est agrandie grâce au recours à des procédés anciens, complexes et manuels, qui offrent un rendu particulier à ses tirages et ajoutent au plaisir du laboratoire. Il se consacre aujourd’hui entièrement à son art avec un souci de transmission pour les jeunes générations.
Son travail, présenté dans de nombreuses expositions, est entré dans des collections publiques et privées. Depuis 1996, il fait partie des artistes de la Galerie Chave à Vence, où il a présenté en 2011 son livre d’artiste intitulé Chambre.
L’exposition Camera Obscura présentée au Musée de la Photographie Charles Nègre coïncide avec un double anniversaire : celui de sa soixante-dixième année et les quarante ans de sa première exposition à Nice à la galerie Mossa.
Musée de la photographie Charles Nègre 1 Place Pierre Gautier – 06300 Nice
Tél. : +33 (0)4 97 13 42 20
- Photographie
- - Publié le


