Un titre qui interroge : hommage et mémoire

Pourquoi Jacqueline ? Ce titre, qui est aussi celui d’une oeuvre, rend hommage à l’une des dernières soeurs du Carmel de Pamiers. Il fait le lien entre la mémoire du couvent, autrefois un espace clos, et son ouverture actuelle en lieu d’art. Par le biais d’une installation où le prénom Jacqueline apparaît sous la forme de centaines de figurines miniatures, Guy Limone matérialise cette transition.

L’oeuvre questionne ce qui demeure d’un lieu lorsque sa fonction change, comment persiste ce qui semble disparaître, et de quelle manière l’histoire continue de s’écrire dans l’espace.

Guy Limone, une oeuvre entre données et perceptions

Depuis les années 1990, Guy Limone s’impose comme une figure majeure de la scène artistique contemporaine. Son travail, qui mêle photographie, sculpture et peinture sans peinture, explore la manière dont nous percevons et organisons le monde à travers la couleur, les statistiques et l’accumulation. À travers des installations minutieuses, il révèle des réalités qui échappent au regard, traduisant le mouvement des foules, la densité d’un territoire ou la matérialité de la lumière en compositions vibrantes et immersives.

L’exposition Jacqueline s’inscrit dans cette démarche, établissant un dialogue entre mémoire et transformation, entre l’histoire d’un lieu et sa réinterprétation par l’art.

Le Carmel de Pamiers présente la nouvelle exposition rétrospective de Guy Limone. Actif depuis la fin des années 80 sur la scène française et internationale, Limone pose à présent ses valises en Ariège pour proposer une plongée dans son oeuvre tout en nuances et poésie. 

L’exposition Jacqueline, qui inaugure de nouvelles salles au Carmel, n’entend pas retracer de manière exhaustive l’ensemble de la création artistique de Limone mais invite à découvrir plusieurs séries emblématiques qui ont marqué sa carrière.

Jouant avec les mots, avec les chiffres, avec les formes, avec les couleurs, avec le désordre du monde dissimulé sous un empilement de statistiques, l’oeuvre de Guy Limone se démarque par son aspect ludique et une approche singulière de la peinture où « la couleur est [sa] règle de base ».

Cependant, il n’utilise pas les moyens habituels de la peinture mais l’aborde de manière détournée. Ses matériaux sont de minuscules figurines, des collections d’images du quotidien, ou encore des tubes fluo remplis de petites photographies. Autant d’éléments divers qui se donnent à voir par centaines ou par milliers, dans le nombre et la démultiplication.

Une autre composante essentielle de son oeuvre est la statistique et les chiffres qu’il intègre à son travail par le biais d’une matérialisation originale sous la forme de figurines à l’échelle 1/87e qu’il repeint, assemble et colle sur des surfaces. Ainsi on peut observer sous la forme de fils suspendus des oeuvres comme 

On estime que c’est au cours de l’année 2007 que la moitié de la population mondiale est devenue urbaine (2008), ou encore Pays exportateurs d’armes dans le monde 2017 : Etats-Unis 33%, Russie 23%, Chine 6,2%, France 6%, Allemagne 5,6% (2018), etc… Autant d’informations scientifiques chargées de nous donner la mesure du monde, mais qui à force de se substituer à la réalité nous la rendent souvent indifférente, fragmentée et lointaine.

Fortement inspiré par le Carmel et son histoire, cette exposition sera également l’occasion pour Limone de présenter des oeuvres inédites, conçues spécialement pour le lieu : La densité de l’Ariège, ainsi qu’une oeuvre phare, Jacqueline, en hommage à l’une des dernières Carmélites ayant résidé dans ce bâtiment.

« Montrer Guy Limone aujourd’hui, c’est offrir un autre regard sur notre époque. C’est avoir la chance d’inviter à Pamiers un grand artiste capable de capturer l’essence de notre réalité ou d’un lieu, de manière ludique, critique et unique. »

Sébastien Gonzalez, Directeur des Affaires Culturelles & Commissaire de l’exposition