William Klein – PLAY PLAY PLAY
Du 29 juin au 6 janvier 2025
Le Musée d’art contemporain de Montélimar présente, pour la première fois en France depuis la disparition de l’artiste, une exposition rétrospective dédiée à William Klein (New York 1926 – Paris 2022).
Intitulée PLAY PLAY PLAY, elle réunit plus de cent cinquante oeuvres : tirages d’époque, impressions grand format, documents d’archives, livres, extraits de films, elle présente William Klein peintre, photographe et cinéaste.
PLAY PLAY PLAY le titre de l’exposition, entêtant, incantatoire résonne comme un slogan et rappelle le GUN GUN GUN formé par la répétition du gros titre à la une d’une pile de journaux photographiée par William Klein soixante-dix ans plus tôt, exactement, à New York.
William Klein est une figure majeure du XXe siècle, qui a laissé une empreinte indélébile en tant que photographe, peintre, cinéaste et graphiste. Son influence s’étend à travers différentes disciplines artistiques, révolutionnant notamment la photographie de mode et de rue. Son travail sur les grandes métropoles mondiales, telles que New York (1956), Rome (1959), Moscou (1964), Tokyo (1964) et Paris (2002), lui ont valu une renommée internationale, faisant de lui l’un des photographes les plus illustres de sa génération.
Au début des années 60, William Klein se tourne vers le cinéma et réalise une vingtaine de films de fictions et de documentaires. Son film Qui êtes-vous Polly Maggoo ? reçoit le prix Jean Vigo en 1967 et The French est présenté au Festival de Cannes en 1982.
De nombreuses grandes institutions lui ont consacrées d’importantes rétrospectives telles que le Museum of Modern Art (MoMA) en 1980, le Centre Pompidou à Paris en 2005, la Tate Modern de Londres en 2012, l’International Center of Photography à New York en 2022 et le musée Hanmi de Séoul en 2023 mettant en avant ses photographies, ses contacts peints, ses peintures ainsi que des extraits de ses films.
Sous son égide et en hommage à son oeuvre, l’Académie des beaux-arts a créé en 2019 le Prix de Photographie de l’Académie des beaux-arts – William Klein. Son héritage artistique perdure et continue d’influencer les jeunes générations comme elle inspire le monde de la création en général.
L’artiste, formé par un bref passage dans l’atelier de Fernand Léger à Paris en 1950 et une fréquentation plus assidue du MoMA à New York alors qu’il était adolescent, entre en art par la peinture. Dès 1947, après un service militaire effectué en Europe et quelques passages par la Sorbonne dans le cadre du GI Bill, il s’installe à Paris, rencontre Jeanne Florin, qui devient sa femme puis collaboratrice.
Fréquentant le cercle de jeunes artistes peintres américains installés à Paris (dont Ellsworth Kelly et Jack Youngerman), fort de sa connaissance des avant-gardes européennes d’avant-guerre, il développe une peinture non figurative, graphique, dans le style hard edge. S’il délaisse assez rapidement cette peinture-là, le langage géométrique qu’il y développe marquera toute son œuvre à venir, photographique, graphique, filmique. Dans ces premières années de la décennie 1950, s’ensuivent des expérimentations photographiques en laboratoire, sans appareil photo, des rayogrammes à la façon de Moholy Nagy : la photographie déjà, l’abstraction toujours. Le déclic se produit à New York, alors qu’il y retourne en 1954 à l’invitation d’Alexander Liberman, directeur artistique de Vogue. Là, il se saisit d’un appareil, décidé —a fortiori depuis qu’il vit en Europe, à Paris— à regarder la ville dans toute sa crudité et à en réaliser le portrait. Publié en premier lieu au Seuil en 1956 grâce à Chris Marker, New York connaît un retentissement immédiat.
L’entrée en matière de Klein, par la peinture, le place dans une perspective bien différente de nombre de photographes de l’époque : quand il prend enfin l’appareil en main, sa culture et ses aspirations ne sont pas celles du photojournaliste
— rappelons que Magnum est créé en 1947 et que le magazine Life tire à cinq millions d’exemplaires, tous deux marquant les jeunes photographes d’une forte empreinte.
La photographie que Klein va inventer en arpentant les rues de New York n’a que faire des usages. L’appareil est un outil, à lui de décider comment sa main et son œil l’utilisent. Puisque New York est plurielle, cacophonique, insupportable et attachante, elle aura ce qu’elle mérite : une photographie bondée, où tous et toutes semblent se presser sans que le cadre ne parvienne à les contenir entièrement, des avant-plans flous, un contraste poussé et beaucoup de ces regards caméra, tout à fait inhabituels alors. On devine le jeune William Klein au coude à coude
COMMISSARIAT D’EXPOSITION
Raphaëlle Stopin
l’art du jeu… avec les passants
l’art du jeu… avec les codes
sur les trottoirs, frôlant ces anonymes. Parcourant le livre, on est frappé par l’omniprésence du signe publicitaire, par le motif répété du dollar dans ces rues usées par la foule qui les piétine dans ces allées et venues quotidiennes. La société d’après-guerre est là, déjà plongée dans une autre guerre, dite froide, et ses menaces atomiques. L’intranquillité de l’époque, partout sous-jacente et bien mal dissimulée par la surabondance de publicités placardées, surgit et rugit dans la photographie de Klein.
Fil rouge traversant l’exposition PLAY PLAY PLAY, le jeu marque l’oeuvre de l’artiste. En premier lieu, se trouve le jeu du photographe avec son sujet, dans cette danse urbaine qu’il engage dès son opus sur New York et qu’il poursuivra dans ses grandes séries dédiées à Rome (1956), Moscou (1959), Tokyo (1961) puis sur le temps long, à Paris.
Cette danse, amusée, chahutée parfois, est toute entière contenue dans les nombreux regards camera qui habitent la photographie de Klein. À l’image de ce fameux cliché GUN 1, dans lequel un gamin, l’air méchant, pointe un pistolet de front, le regard caméra propulse le spectateur d’aujourd’hui sur le coin de Broadway et de la 103e rue, et révèle en contrechamp la présence du photographe. Klein dont les pas et gestes suivent le mouvement perpétuel de la foule et s’arrête là pour jouer avec le garçon et son jouet, à faire comme dans les films, PAN PAN !
Le jeu est aussi celui de William Klein, photographe, faiseur de livres, cinéaste, avec les codes en usage. De même qu’il utilise, de manière non conventionnelle, un objectif grand angle 28mm pour photographier parfois de très près, provoquant flou et déformation, il n’hésite pas à recadrer drastiquement son négatif quand il l’estime nécessaire.
Quand il entreprend de publier ses séries urbaines, il n’est pas plus académique vis-à-vis de la forme livre, en témoigne la maquette originale de l’ouvrage New York conçu par l’artiste et présentée dans l’exposition.
Plusieurs registres s’y mêlent, faisant passer sans ménagement le lecteur de l’esthétique du comics trip à l’album photo du XIXe en passant par des sortes de plans séquences cinématographiques, le tout scandé par des mots en forme d’injonction, occupant seuls des doubles pages, plein cadre, mimant le langage publicitaire omniprésent dans la ville. Du jamais vu. Devenu cinéaste dix ans plus tard, en 1964, il investit l’image en mouvement avec la même liberté et signe dans cette décennie et la suivante, des films — à titre d’exemple, en 1966, Qui êtes-vous Polly Maggoo ? —aux partis pris formels inédits, mêlant sans ambages au sein d’un même film, cinéma vérité, trucages joliment naïfs à la Méliès, roman photo…
Musée art contemporain Montélimar, Place de Provence, 26200 Montélimar. Tél : 04 75 00 25 46
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