Téo Becher – Emmêlement et autres histoires de forêts
Du 9 octobre au 9 décembre 2023 – Vernissage mercredi 11 octobre à 18h
Exposition dans le cadre de Résidences 1+2 2023
Téo Becher est l’un des lauréats de la Résidence 1+2 #2023.
Pour sa série Emmêlement et autres histoires de forêts, il accompagne des chercheur·euse·s du laboratoire GEODE (Géographie de l’Environnement) à Toulouse (GEODE – CNRS/Université Toulouse Jean Jaurès) lors des sorties sur le terrain. Les questionnements de Téo prennent racine dans l’opposition incessante entre nature et culture. Le photographe inclut dans sa démarche un enjeu capital, l’impact de l’activité humaine sur le paysage. Téo s’intéresse aussi aux représentations scientifiques et muséales de la nature en photographiant en laboratoire les échantillons des chercheurs·euses ainsi que certains artefacts présentés au Muséum d’histoire naturelle de Toulouse.
Ces images questionnent l’établissement d’un rapport au monde à travers la production visuelle de la science et interrogent les modalités de monstration de cette production au public, selon une classification stricte renforçant la séparation entre nature et culture. En partant à la découverte des montagnes et des forêts occitanes, l’objectif est d’analyser la perception de ce qu’on appelle la nature. Quelles conséquences concrètes cette perception induit-elle ?
Téo Becher nous invite à repenser notre regard sur notre environnement et nous sensibilise à l’importance de le complexifier.
Téo Becher (1991-) est né en France et vit aujourd’hui à Bruxelles. Son travail photographique s’intéresse principalement aux relations complexes entre nature et culture. Ses photographies suggèrent la trace de l’intervention humaine dans différents milieux, transformés selon ses besoins.
Une nouvelle ère de liens
La série Emmêlement et autres histoires de forêts remet en question les notions de nature et de culture, interrogeant les limites, lisières et interactions entre ces deux concepts construits sur des antagonismes pouvant être considérés comme relativement faux ou mystificateurs. Accompagné par des chercheur-euse-s du laboratoire Géographie de l’Environnement (GEODE – CNRS/Université Toulouse Jean Jaurès) à Toulouse, Téo Becher a marché dans des espaces naturels – montagnes et forêts – en quête des traces déposées par l’humain dans le paysage.
À partir de quand distinguer l’intervention transformant le milieu et sa pleine intégration dans l’environnement ?
Quand peut-on considérer que l’orthèse, ou toute structure posée dans le territoire en le modifiant, a perdu son pouvoir d’artificialisation ?
Faut-il simplement attendre que le temps fasse son ouvrage et lisse les yeux du regardeur ?
L’anthropologue Philippe Descola a bien montré dans ses travaux majeurs que le dualisme occidental entre nature et culture est loin d’être une évidence partout sur la planète, et qu’il est bien d’autres façons d’objectiver le monde et autrui. Le concept de nature n’a ainsi rien de naturel, de même que celui de paysage, qui est une construction esthético-sociale, le cadrage d’un lieu pouvant procéder d’une volonté de maîtriser l’espace pour en réduire la complexité et la mobilité.
Téo Becher observe la façon dont les territoires sont modelés, par l’humain et les non-humains. Il y a pour lui porosité, hybridation, dialogue ; l’idée d’un lieu clos ou pur échappant à la corruption relevant du fantasme rousseauiste concernant la virginité idéale du monde premier n’est pas valable. La nature compose avec l’humain, qui compose avec elle, ou la force, dans un processus d’échanges plus ou moins consentis permanents. L’artiste pense liens, échanges, inventions, mais aussi recherches expérimentales sur la substance même de l’image, son altération, sa persistance, sa spectralité, sa vie propre. Proches quelquefois de l’abstraction, les images du photographe sont avant tout des cosa mentale, plutôt que de pales reflets d’une extériorité sans ambiguïté. Rien de didactique ici, mais une méditation d’essence poétique fine sur l’autonomie du vivant, et d’une certaine façon des images.
Il y a le visible et l’invisible, ce qui s’offre à la vue et ce qui se dérobe, le donné et le caché s’inscrivant dans un processus dialectique où l’un ne va pas sans l’autre, où la forme ne se conçoit pas sans les puissances qui la contraignent à se déplacer intimement (…) Mais l’artiste interroge également les représentations scientifiques et muséales de la nature en photographiant en laboratoire des échantillons prélevés par des chercheurs, ainsi que des feuilles, plantes ou racines présentées au Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse, la façon dont nous exposons, montrons, classifions construisant pour le public un rapport au monde spécifique fait la plupart du temps de catégories distinctes et de cloisons.
La pensée dualiste stricte conduit à des processus de domination de la nature, dont nous ressentons cruellement aujourd’hui les effets délétères. Les paysages se consument, nous protégeons dans des réserves, nous sommes persuadés d’une catastrophe à venir. Pourtant, Téo Bécher le montre, l’écobuage prévient aussi les incendies et les forêts anthropisées se réinventent, une fois l’humain passé à d’autres activités ou exploitations. La merveille du vivant, telle que nous la montrent ses recherches visuelles, est bien plus étonnante que pensée d’homme.
Fabien Ribery
Centre culturel Bonnefoy 4 rue du Faubourg Bonnefoy, 31500 Toulouse. Tél : 05 67 73 83 60
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