Sylvie Mir – Temporalités rapprochées
Du 23 mai au 7 juin 2025 – Vernissage vendredi 23 mai de 17h à 20h
Temporalités rapprochées. La peinture en expansion
Ce qui sera exposé chez Invisible galerie: Toiles de 2021 à 2024 : Depuis nombre d’années je cultive l’idée d’une peinture fragmentaire, voulant suspendre les différents moments de ce faire dans la toile. Je produis pour cela un espace feuilleté comme une superposition de calques. Je veux rendre visible mon expérience de la peinture.
Ce sont des toiles qui laissent comprendre la succession des actes, leurs aménagements et les sacrifices (par occultation, fragmentation) pur construire une proposition visible. Je crois que votre regard circule comme le mien d’une expérience à l’autre.
Duos et Trios de toiles 2021 à 2023 : Dans un travail renouvelé par une modification de l’organisation du travail à partir d’un lot d’une quinzaine de toiles de format plus petit, j’ai déplacé la fragmentation dès l’entrée dans l’acte de peindre. J’ai voulu retenir plus longtemps encore l’indécidé de la composition par la réserve, suspendre l’acte par la fragmentation pour présenter comme l’extrait du faire dans sa diversité plutôt que la cohérence finale, satisfaisante mais close sur elle-même.
‘Papiers à dessins’ 2025 A partir de anses de sacs de papier posant une amorce blanche et horizontale, j’ai avancé en extension une forme matièrée qui serait à ‘saisir ‘ puis suspendue à un clou, au mur.
Le collage successif de morceaux de différentes matières et couleurs progresse en étant son propre support et équilibre son poids autour de son point de suspension.
«Je ne fais pas tout moi-même avec ma volonté, mon ego. C’est une sorte de mariage entre le vouloir et le non vouloir (…) Je me sens une expérience. Je ne suis pas tant quelqu’un qui expérimente qu’une expérience. » Sam Francis
EXPÉRIMENTATION
Toute peinture serait-elle de l’ordre d’une recherche, d’une expérience, d’un être-expérience ? Sylvie Mir propose des peintures surprenantes par leur mélange de simplicité et de subtilité.
Une fois captée cette impression de troublante simplicité, la peinture de Sylvie Mir développe une gamme de couleurs chaudes : sable de la toile écrue, blanc lumineux du Gesso, plages de couleurs ocre chair rehaussées de coulées linéaires d’un rouge coraillé.
Réminiscences d’un voyage en Inde ou échos de sa région méditerranéenne ? Ainsi, elle qui a été formée, aux Beaux-Arts et à l’Université ,à Perpignan et à Aix, dans une région fortement marquée par les artistes-acteurs du groupe Supports-Surfaces dans les années 80 ( Valensi, Arnal, Viallat, Dezeuze par exemple) aboutissant parfois à des expériences élémentaires, comment résout-elle par recomposition cette question de la dé-construction de la peinture ?
RÉUNION
Elle pratique une peinture d’après le collage, le montage ou l’assemblage. Du collage -cette invention majeure de l’art au XXe siècle depuis Rodin et Braque-, elle travaille l’espace feuilleté comme une superposition de calques, qui laissent comprendre la succession des actes, commencés cette fois en amont de l’acte de peindre.
Ce ne sont plus seulement les couleurs qui s’empilent par recouvrement sur la toile mais bien les toiles elles-mêmes au sol de l’atelier, les unes sur les autres en escalier, pour y tracer une marque à l’aérosol ou au pinceau dans une gestualité échevelée que l’éparpillement des supports retrouvant l’intégralité de leur surface visible va transformer en fragments comme dans un collage.
Ainsi elle : « ouvre l’espace peint lorsqu’on déplace les formats et coupe le tissu pictural. » Au final, elle réunit en duos ou en trios l’ensemble des formats marqués, créant des retards dans l’acte de peindre, décomposé en plusieurs temps par la réserve et les caches.
PARTITION
Il y a chez Sylvie Mir une accélération de la partition picturale. L’image picturale devient fertile par un jeu de sauts et d’accords visuels qui va faire de ses toiles un lieu de la séparation et de la réconciliation tout à la fois. Elle va laisser certains événements picturaux comme suspendus dans leur envol, provoquer par ses coupes franches un effet d’accélération et en même temps relier sur ses tableaux ce qui était séparé dans le temps et dans l’espace. La scansion donne une possibilité de mise en vitesse fusante de l’image et, d’un autre côté, la coïncidence de certains éléments plastiques rend possible le passage d’une toile à l’autre.
Dans Ce que nous voyons, ce qui nous regarde Georges Didi-Huberman revient sur ce nouveau contrat de dynamisme dans la création : « Le geste minimum, le geste «minimaliste » en ce sens consistera à parler de formation plutôt que de forme close ou tautologique ; il consistera à parler de présentation plutôt que de présence réelle ou métaphysique. »
PRÉSENTATION
Cette construction de la surface quand Sylvie Mir juxtapose ses toiles en duos ou en trios, est gage de mobilité. Contrairement à toute situation où le support est donné (murs, fresque, toiles tendues sur châssis), l’addition de supports flottants en extension-réduction met en cause toute fixation préalable du support.
Par assemblage, Sylvie Mir indique la possibilité ouverte de continuation de la surface picturale à l’extérieur des panneaux. La peinture ne serait plus ainsi dans le fantasme de l’unité de lieu, d’espace et de temps, mais la traversée d’un lieu à la fois divisé et lié, unique et multiple, mettant en crise dans sa présentation l’objet singulier car dissocié qu’est le tableau. Sylvie Mir, en joignant ses diptyques par des croix rouges en x ou par des chevilles picturales autant que par des oppositions dans ses triptyques, multiplie les processus d’extension. « La dissociation est mon moteur » dit-elle, mais aussi la juxtaposition et l’accommodation. La peinture, depuis son origine, n’est-elle pas une obstétrique des surfaces, une parthénogenèse ?
EXTENSION
Naît une peinture en expansion qui semble dans son processus se contracter pour mieux se dilater ; une peinture qui semble mimer le processus vital ; celui de la respiration, où nous remplissons nos poumons par inspiration pour procéder ensuite à une expiration. La peinture s’inspire en elle-même et va chez Sylvie Mir se trouver expirée, mise en expansion dans son exposition. Déjà Pierre Bonnard disait : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture ». C’est là, peut-être, la véritable extension de la peinture ?
Extrait du livre de François Jeune LA PEINTURE EN JEU 2025
Publié partiellement après entretien avec l’artiste dans le catalogue de l’exposition Sylvie Mir Peintures posées décomposées, galerie Borromée, Montpellier 2023.
Invisible Galerie, 2, rue du Petit Puits 13002 Marseille Tél : 06 18 17 27 82
- Arts Plastiques
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