Sylvie Mir – Peintures posées décomposées
Du 11 au 25 novembre 2023 – Vernissage samedi 11 novembre à partir de 18h
Je cultive le fragment, veux suspendre les différents moments du faire : je produis un espace feuilleté comme une superposition de calques mis en cohérence.
En 2021 je veux retarder plus encore la construction ; retenir plus longtemps encore l’aveuglement partiel que j’organise avec la réserve et les caches, renforcer le suspens de l’acte par la fragmentation, pour obtenir l’extrait du faire plutôt que sa démonstration.
Le hasard et la réserve permettent des surprises visuelles qui font reculer la structuration finale.
Pendant ma résidence de l’été 2021 dans la Vienne j’ai préparé un grand nombre de petits châssis pour les manipuler et ainsi fragmenter le travail.
Je travaille sur plusieurs supports à la fois avec un seul acte marquant.
Leur espace n’est plus limité : les supports sont disposés au sol de façon à empiéter les uns sur les autres.
Chaque acte peint a son temps de séchage, puis, je réaménage une nouvelle disposition des toiles pour un autre acte peint.
Un nouveau dispositif pour ces supports reçoit un nouveau marquant. La remise en jeu des mêmes supports permet de nourrir l’idée intuitive d’un ‘bouquet d’actes de peinture’ tout en reculant le moment qui collectera les châssis marqués et sans orientation. Alors je mettrai en place des trios ou duos de toiles…
Ainsi l’acte se laisse voir comme en suspens, en se montrant insuffisant, brisé.
La toile brute reste visible. Le blanc de gesso la couvre partiellement.
Le fluide de couleur écrasé soigneusement, laisse des manques.
S’il est lancé avec vigueur il sort du support semblant viser autre chose plus loin, ailleurs.
Les supports ont été acteurs de ces séparations, de ces coupures et le fragment pictural qu’il portent se trouve alors densifié dans son surgissement.
Je veux une simplicité des actes, produire le littéral, que chacun puisse deviner comment c’est fait il n’y a pas de mystère technique, pas de valeur laborieuse.
Sylvie Mir, 2021-2022
L’entre geste, l’autre peinture
Quelques marches, avancer d’un pas et pénétrer dans le vaste atelier, froid, mais lumineux. La peinture commence sur ce seuil : macules au sol.
Un court silence. Puis, les mots de Sylvie Mir. Précis et sans fioritures, au cœur du processus, sans les charger d’une super structure parlante.
Les peintures sont ici dans leur matrice. Elles chuchotent, se bousculent et se cherchent. La main est encore toute proche. Elle ne les ménage pas. Pas encore. Prolonger ce jeu de hasard, le mener à sa réussite : forcément un apparaître.
Reprendre les mots. Ils disent quelque chose de ce qui est, rencontrent ce qui se voit, ces Vedute. Hypothèses lisibles de la peinture, moins une nécessité, qu’une autre chose face à la présence première.
Sortir
Le rectangle entoilé est l’espace sur lequel tracer, lien entre la peinture et le lieu. Il sépare, lie et coupe. Il autonomise et délimite. Échapper à son châssis. Pourtant, il est le commencement. Le préparer d’un premier recouvrement de colle de peau, puis partiellement y adjoindre un gesso. Ensemble, ils étirent l’espace, soufflent la forme. Le support est agissant, déjà. Il donne place à l’indistinct. Surface d’inspiration pour que respire le trait. Elle est à construire. Ni saturée, ni seule. Débordante, alors.
Décaler
L’artiste dépose ses toiles au sol, les superpose en débord, les retire de leur statut insulaire. Une, puis deux, puis trois, d’autres encore se chevauchent. Acte en cascade, d’un sacrifice aussi, de celui qui occulte et fragmente. Elle élabore l’écart selon un accord du rapprochement et de l’éloignement, de la proximité et de l’expansion. La graphie – celle qui rayonne du corps – épand la couleur d’une rive à l’autre en circonvolutions décentrées, décadrées. D’un glissement à la rupture, suspension du geste pour échapper à la force centrifuge. Retenir et différer la composition. Le support comme une absence, l’émergence du dessous.
Passage
C’est tout d’abord l’attente où se succèdent l’achevé et l’inachevé. Elle dépose la matière pigmentaire, l’écrase. Un autre temps au geste pour ralentir l’avènement du visible. Se tenir au bord du possible, comme un détail du monde. Fluidité et tache, ligne et brume, transparence et opacité, trace et brèche remémorent la sensation éprouvée face au vide ; l’intensité du silence entre les sons ; le rythme du souffle entre les mots. Donner place au rien, cette épargne de la couche originelle. Le suspens préservé au cœur du signe infini.
Composition
Plans étales biaisant la bordure ont rejoint la surface. Droites obliques, verticales et horizontales défient l’ordre alors que les coulures renversent l’espace. Les masques créent la réserve, soulignent l’arrachement de la peinture au quotidien du mur, à son dictat orthonormé. D’une vibration entre les formes.
Circuler
Arabesques, madrures, épures et schèmes, formes en exil voilent les surfaces. Continuent et discontinuent. Le point de contact, ce dehors du monde, est la cicatrice de la séparation. Espace immatériel de l’entre-deux toiles, c’est le pli qui donne à l’œil la force des duos et trios. Une rencontre au plus intime de deux subjectivités dans l’acte de la perception visuelle.
Glisser. Basculer. Dans la mobilité de la peinture.
Sylvie Lagnier, décembre 2022
Galerie Borromée, 968 avenue Xavier de Ricard 34000 Montpellier
Ouvert tous les jours sur rendez-vous au 06.24.56.28.49
- Arts Plastiques
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