Nous Merveillons – 10ᵉ Biennale d’art contemporain de Melle
Du 29 juin au 29 septembre 2024
Intitulée « Nous Merveillons » sur une proposition curatoriale d’Evariste Richer, la 10e Biennale internationale d’art contemporain de Melle se tiendra du 29 juin au 29 septembre 2024. Elle sera visible dans toute la ville, dans ses principaux monuments comme l’hôtel de Ménoc, le temple et les églises de sa triade romane, ainsi qu’en extérieur en différents points de la ville et le long de l’arboretum ceinturant la commune, le Chemin de la Découverte.
Parmi les 50 artistes de cette 10e édition, certains sont sollicités pour intervenir dans l’espace public, notamment grâce à des commandes artistiques de la ville de Melle. Les autres propositions sont issues d’une relation directe avec les artistes, de leurs galeries ou, entre autres, d’un partenariat avec les trois Fonds régionaux d’art contemporain de la région Nouvelle-Aquitaine, Frac Poitou-Charentes d’Angoulême, Frac-Artothèque Nouvelle-Aquitaine de Limoges et Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA de Bordeaux.
« Nous Merveillons »
Pour cette 10e édition de la Biennale de Melle, l’état du monde est considéré par le prisme des enjeux écologiques universels et des rapports de force auquel l’homme ne parvient à se soustraire sauf à se mettre au diapason du vivant.
Face à la mutation accélérée du paysage et de la communauté des vivants, l’art enracine une réflexion profonde autour de notre façon d’interagir dans notre biosphère. De résonances en aliénations, le parcours de visite invite à une expérience immersive et sensible afin d’éveiller, de réveiller les consciences et de redonner goût à l’émerveillement.
Une carte blanche m’a été proposée par la mairie de Melle pour raisonner la programmation de cette nouvelle édition. Je me saisis de cette invitation pour continuer les réflexions artistiques déjà engagées. « Nous Merveillons » se présente comme une cristallisation d’oeuvres, un manifeste issu du regard que je porte en tant qu’artiste sur notre époque. Elle amorce une narration et dresse des images, des représentations de notre ère à travers ses beautés et ses violences.
Tout est à fleur à Melle, le pouls de la nature, de ses habitants et l’épaisseur de son histoire sont le terreau fertile d’un présent militant, conscient de l’urgente nécessité de réinventer nos fonctionnements. Il semblait évident d’inscrire la programmation de cette 10e Biennale de Melle dans le prolongement de la pensée de Gilles Clément et du jardin de résistance qu’il a créé en 2007 : Jardin d’eau – Jardin d’orties. Ainsi, l’ortie urticante et thérapeutique sera notre emblème.
À l’image de l’arboretum de Melle et de ses collections, les oeuvres d’une cinquantaine d’artistes composent une partition éphémère, une vision de l’état du monde, le temps d’une saison culturelle.
Jardins portables de Lois Weinberger est une installation également à protocole dans laquelle des sacs de transport, évoquant l’immigration, sont remplis de terre non amendée provenant de friches ou de champs à proximité. Laissés en place, le temps que la végétation semée par le vent et les oiseaux se développe et que les sacs se délitent. La finalité de l’installation est sa disparition, le contenant rejoignant ainsi la surface d’accueil pour constituer un jardin enrichi des espèces rudérales qui auront su s’acclimater au milieu.
Au gré des immersions dans le vivier de Melle, des oeuvres d’artistes à la démarche puissante, lucide et acide ont irrigué ma mémoire, telle une trame fantôme. Très tôt, Lois Weinberger, herman de vries, Martine Aballéa, Jef Geys, Dominique Ghesquière, Pierre Ardouvin, Didier Marcel, Jean-Luc Mylayne, entre autres, ont tissé la toile de fond de la programmation.
Ensuite, le travail de ramification s’est enclenché naturellement en convoquant des travaux d’artistes émergents et confirmés, à même de venir dialoguer avec les lieux qui dessineront le parcours de visite.
Lieu central de la biennale, l’hôtel de Ménoc est un ancien palais de justice de style néo-gothique conservant tous les stigmates de son histoire. Je me suis saisi de ce lieu labyrinthique comme d’une scénographie dans laquelle le visiteur est invité à cheminer dans différents états de conscience. De la salle des pas perdus au grenier, en passant par le tribunal et le bureau du juge, une narration tissera les enjeux et mutation du paysage planétaire. Conscience et inconscience, culpabilité et innocence rythmeront l’exploration de ce tribunal délaissé.
Les trois églises romanes et le temple protestant jalonnent également le parcours de visite.
Entre grâce et inquiétude, ils abriteront des hétérotopies visuelles et poétiques. De lieu en lieu patrimoniaux le visiteur arpente la géographie, prend la mesure de la topographie du mellois et façonne celle d’une pensée buissonnante. La trame végétale melloise ainsi que les espaces publics de la ville seront constellés d’oeuvres participant au jeu expérientiel de l’art à travers la surprise de « l’ex situ » et l’émotion que peut générer la création « in situ ».
Ainsi, renouant les liens entre humains, Germain Ipin, peintre de la démesure, et Marcan Granit s’empareront de la salle des fêtes de la commune pour lui faire vivre sa mue grâce à la contribution active des Melloises et des Mellois. Jan Kopp, artiste à l’alphabet poétique moléculaire, réalisera son oeuvre
Après avoir retourné le champ à partir de chardons récoltés localement. Martine Aballéa, plasticienne franco-américaine, tissera une trame narrative, fusionnant écriture et photographie. Elle explorera les inquiétudes du paysage liquide mellois.
Farid Kati, sculpteur de liens entre les éléments et la matière, placera sous le kiosque du centre-ville un de ses Adugraphes à faire dessiner le vent. Gaël Lévêque, fraîchement diplômé des Beaux-Arts d’Aix-en-Provence, viendra investir le marché couvert du coeur de la commune, le transformant en phare irradiant, de jour comme de nuit. Marco Godinho, artiste de l’exil, activera une performance lors de l’inauguration à partir de l’idée du partage de l’horizon assemblé fragment par fragment, par les participants volontaires.
« Nous Merveillons » s’inspire des bocages pour faire proliférer dans la ville une pensée en buisson, un fourmillement de questionnements. L’immersion artistique vient stimuler notre capacité individuelle et collective à entrer en symbiose avec le vivant. Si l’art participe à renforcer les racines du doute et de la curiosité des visiteurs, alors nous aurons peut-être contribué à prendre soin du futur.
« Les gestes que nous accomplissons ici ont une répercussion à l’autre bout du monde ; tout ce que nous envoyons en l’air nous retombe dessus, le vent pousse les nuages, la biosphère fonctionne comme un tambour de lessiveuse où tout se mêle dans l’eau de la mer, l’eau de l’air, l’eau de nos rivières, l’eau de nos corps. Oui le jardin est planétaire… » – Gilles Clément, L’alternative ambiante, 2014, éd. Sens & Tonka.
Evariste Richer, artiste-commissaire de la 10e Biennale internationale d’art contemporain de Melle
Marion Vézine, coordination générale de la 10e Biennale internationale d’art contemporain de Melle