Comment donner à voir les phénomènes qui échappent à notre perception sensible ? Si ceux-ci se dérobent à nos sens, se soustraient-ils pour autant à notre entendement ? 

Peut-on saisir ce qui est hors deportée, hors-d’échelle, impalpable ? Voici quelques-unes des questions qui motivent le travail artistique de Nina.

Dans son approche du dessin, l’artiste offre une perception très intime des choses, du dedans des choses, qu’elle qualifie d’intériorité. Il y a une dimension spirituelle dans son travail qui renvoie en permanence à des questions métaphysiques. 

Elle envisage le dessin comme une surface vibrante, révélatrice de processus internes sensibles et invisibles ; mais aussi comme une façon de « tordre le temps » dans l’espace du dessin, et de le suspendre dans l’acte de tracer.

Sa pratique ne marque pas de frontière entre dessin, peinture, photographie, installation ou volume. Elle emploie le terme « d’écriture » pour définir son expression à la fois gestuelle et méticuleuse. C’est un langage visuel personnel décrivant un univers intérieur où se superposent différentes perceptions réelles et subjectives.

Nina vit et travaille à Sète. Diplômée de l’Esba MoCo et de l’ESBAN Nîmes

Vers l’essentiel

A travers son art, Nina ouvre un passage vers un univers énigmatique et inimitable. Elle sculpte un mouvement profond qui tend vers l’essentiel. L’artiste élabore une écriture du dessin qui s’émancipe des codes de représentation, laissant la place à la liberté d’éclore. Elle ne cherche pas une image parfaite, elle souhaite tirer l’essence même de la forme. Elle grave un chemin vers une expression totalement singulière qui nous plonge dans une dimension intime laissant percevoir la beauté qui émerge d’un cheminement vers l’essentiel.

Dans les rayons du jour, troisième exposition personnelle de l’artiste à la galerie, la lumière devient une matière en suspension, un voile diaphane qui laisse percevoir un espace où les frontières entre les disciplines s’effacent.

Les systèmes classiques du dessin se brouillent pour laisser place à une écriture visuelle pré-figurante, un langage qui suggère des formes et couleurs en devenir, des mondes mystérieux en mutation.

Ce travail, nourri par l’idée d’interdépendance, résonne avec les réflexions d’Edgar Morin sur “La pensée complexe”.

Pour le penseur, la réalité ne peut être appréhendée que par l’interconnexion des phénomènes, chaque élément d’un système contribuant à la dynamique globale.

Dans l’oeuvre de Nina, tout semble relié, chaque geste, chaque forme se nourrit de l’ensemble pour créer un monde fertile. Les éléments naturels, le questionnement sur la matière et les formes mouvementées (décrites par Lucrèce) éveillent chez l’artiste des sentiments intenses et profonds.

Tout ceci résonne avec la dimension personnelle et spirituelle de son univers oscillant entre précision et flou, capturant des impressions de profondeur, des éléments en suspension, qui semblent appartenir aussi bien à des abysses invisibles qu’à des cieux aériens.

Chaque image se construit à la manière d’un photogramme, telle une empreinte de lumière et de matière, qui révélerait en transparence un univers graphique et organique, où le dessin et la photographie cohabitent et se transforment. Les outils rares et techniques employés par l’artiste confèrent à ses oeuvres une approche unique, pouvant évoquer des particules qui s’accrochent à des formes en déplacement.

Par des gestes subtils, Nina crée un espace de contemplation sans dévoiler totalement son origine, entre le visible et l’invisible, à l’orée du mystère… Cette exposition propose un voyage sensoriel au coeur des profondeurs de la matière et de la lumière, où la perception et le regard sont sollicités pour révéler les énigmes qui s’y dissimulent.

Morgane Perino

Librement inspiré du texte proposé par Nina dans la partie “Ma démarche”