Nazanin Pouyandeh / Brigitte Aubignac – En regard
Du 14 décembre 2024 au 2 mars 2025 – Ouverture samedi 14 décembre à 11h
Le Musée Paul Valéry de Sète propose à ses visiteurs pour l’hiver 2024 de découvrir, au travers de deux nouvelles expositions temporaires, les univers distincts de deux femmes artistes vivant en France et qui ont pour principaux points communs la peinture et la figuration : Nazanin Pouyandeh et Brigitte Aubignac. Ici mises « en regard » par leur concomitance, les expositions respectives de ces deux femmes peintres, de générations et parcours différents, sont toutes deux traversées par des questionnements tels que « le masculin-féminin » et la place de « la peinture dans la peinture ».
L’exposition « Nazanin Pouyandeh » est rythmée par trois temps forts entre lesquels se répartissent 40 toiles. Toutes sont marquées par la maîtrise technique éblouissante avec laquelle sont peints paysages, corps et textures.
Cette volonté de réalisme, à la fois somptueuse et radicale dans son exécution, va au-delà de la recherche de l’illusion. Elle s’associe à une passion pour le trésor d’images que forment la peinture religieuse et la peinture d’histoire. Nazanin Pouyandeh y puise des dispositifs symboliques qu’elle mêle à d’autres héritages culturels, tels que l’Afrique, la Perse, le Japon et même l’Egypte ancienne.
L’assemblage, associé à des ruptures dans la représentation réaliste, donne une dimension onirique à des scènes souvent marquées par l’érotisme ou la violence. Confrontée à ces invariants universels dont les arts ont codifié les postures et les gestes, la peinture de Nazanin Pouyandeh prend en charge le réel dans l’ensemble de ses dimensions, des choses jusqu’à l’imaginaire dont elles sont investies.
Le travail de Brigitte Aubignac est présenté dans la continuité de son développement chronologique. Quarante toiles forment ainsi un ensemble quasi-rétrospectif où sont représentées les séries majeures qui se sont succédées dans son œuvre depuis l’orée des années 2000 jusqu’à ce jour. Brigitte Aubignac est tout particulièrement intéressée par la figure.
Il lui importe surtout d’en saisir la qualité d’instabilité – figures de garçons en devenir ou de faunes à l’animalité discrète – qui dérange ou paraît déplacée dans l’ordre des choses. Jamais indifférente, la représentation est toujours ancrée dans la réalité d’une émotion initiale ou d’une expérience intime.
Il en découle, comme dans la fugue en musique, une tonalité sombre ou vive : âpre et sans concession dans les autoportraits, la peinture de Brigitte Aubignac se fait au contraire vive et joyeuse dans les vastes assemblages de statues qui forment la dernière série en date. Ce vaste réservoir d’images est aussi bien l’expression d’une inquiétude à l’égard de leur grande fluidité à notre époque qu’une confiance dans la valeur toujours actuelle de l’œuvre d’art.
Sous le commissariat de Stéphane Tarroux, Directeur du Musée Paul Valéry.
Le musée Paul Valéry inaugurait il y a 10 ans sa première biennale de la série des « 4 à 4 ». « En regard » partage l’ambition de faire découvrir des artistes d’aujourd’hui hors de toute volonté démonstrative préexistante. Présenté dans des espaces plus vastes, le corpus donne à voir le développement du travail des artistes sur une durée plus longue. Le dispositif – deux expositions individuelles – induit que puissent exister des rapports de convenance ou de disconvenance entre les oeuvres et que s’établisse un dialogue entre elles, même à leur corps défendant. Cela appartient aux visiteurs.
Brigitte Aubignac se joue avec finesse des attentes du regardeur. La simplicité et la grâce du naturel dont est habituellement investi le modèle à la toilette n’ont ainsi plus cours dans la série des « Maquillages ». Le regard porté sur soi dénote une exigence de vérité sans concession.
Autre variante de l’autoportrait au miroir, Le Cri est d’abord un silence, redoublé ostensiblement ici par un bâillon enfoncé dans la gorge ouverte. Les corps des « Insomnies » disent assez les batailles intérieures imposées par une souffrance silencieuse.
Les Statues ne sont pas elles-mêmes figées dans une forme close. Elles sont des « témoins muets », écrit Brigitte Aubignac, « de toute une existence humaine à travers l’Histoire de l’Art ». Le peuple des statues s’assemble dans de vastes collages qui font émerger des récits latents. Toute la peinture de Brigitte Aubignac est ainsi marquée par l’intranquillité.
Née à Téhéran, dans un pays fermé à la circulation des images, puis confrontée brutalement en France à leur fluidité, Nazanin Pouyandeh est convaincue de la porosité des frontières entre les arts, entre les époques et les cultures.
L’ouverture du monde contemporain favorise le syncrétisme des solutions pour prendre en charge les grands invariants universels. Aussi toutes les formes d’art se mêlent-elles dans des scènes de songe, qui font place aux rencontres incongrues, provoquant déformations et disproportions. Les motifs épuisés se rechargent alors étrangement de mystère et les gestes des personnages paraissent solennels, comme investis dans un rituel sacré où se jouerait éternellement la tension entre le désir et la mort.
Etrangères l’une à l’autre, singulières dans l’espace qui les dissocie tout en les rassemblant, Brigitte Aubignac et Nazanin Pouyandeh partagent néanmoins des questions qui ne relèvent pas que d’un simple effet de lecture. Des réponses différentes sont apportées à des interrogations inhérentes à la pratique de la représentation, sans qu’il soit question d’instaurer un rapport de forces ou d’établir une hiérarchie entre deux peintres, deux femmes.
Stéphane Tarroux, Directeur du musée Paul Valéry
Musée Paul Valéry, Rue François Desnoyer, 34200 Sète Tél : 04 99 04 76 16
- Arts Plastiques
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