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Michel Cure – Faire Confiance

Du 13 février au 5 avril 2025 – Vernissage jeudi 13 février à 18h30

Faire Confiance

Au commencement sont les vaches, des vaches de feu, incendiées, mythologiques et incarnées, justes, impeccables, immémoriales sur panneau de bois, psychédéliques en acrylique et gentiment punk. 

Les vaches de Michel Cure éclatent en couleurs, elles dansent, le pré les traverse et elles traversent le pré pour vous en mettre plein la vue ; elles n’ont même pas peur, elles sortent de leur bovine et atavique et ancestrale et agricole condition, elles arrachent, elles s’arrachent, elles sont politiques et on ne les oubliera pas, même si l’on sait que le monde est vaste autour des vaches rouges et de leurs veaux tendres sur fond rose. 

Elles sont là comme un remugle chaud, une cicatrice douce, un matin d’été vert et bleu, une main à l’épaule. Elles sont là.

 

Ensuite.

Ensuite les vaches des enfances auraient ouvert le bal, et tout deviendrait possible, tout ; c’est une coulée, c’est une vie d’homme au travail, une vie tenace et vouée. C’est, dans le désordre des années, tempera sur bois, tempera sur toile, huile sur toile, encre typo, caséine et acrylique ou craie et œuf sur kraft préparé, huile sur toile encore et encore. Dans l’atelier j’ai vu les rouleaux de toile vierge sagement couchés sur une table et les poudres de couleurs en embuscade sur les étagères ; les ateliers sont toujours émouvants, on s’y sent passager clandestin et corps étranger ; on voudrait devenir invisible, comme dans un conte merveilleux. 

On voudrait, je voudrais voir sans être vue, approcher au plus près les gestes du corps au travail, la patience et la tension, l’élan, l’allant, le jet, la pause, les silences et le retrait, le doute et le vertige, les habitudes, les plis d’être et les façons de faire, la fatigue, la joie, le désir, l’attente, le vide et le plein, et la lumière la lumière, comment la lumière fait matière, comment elle passe sur tout ça, sur le temps, sur les corps et sur les choses, comment ça se passe. 

Je ne saurai pas, je ne saurai rien ; tout aura été possible et, plus tard, nous verrons, nous recevrons le travail, en vagues mêlées et emmêlées. Je reçois, je vois, ça déferle, c’est une histoire de corps à corps, avec ou sans titre. Je vois, donc, les filles, les femmes, un prénom, des petites filles, une Eve, des fentes et une tête d’homme, et des pieds, des nuques, des épaules, des cous, la coulée des chevelures, les corps éperdument, des corps nus, peau à peau, des corps vêtus, un gisant aux mains écarquillées et aux pieds froids, une Ophélie, deux, trois, lâchées à l’horizontal, et les choses, dans le répertoire de leur évidence de choses vibrantes et incarnées, un fauteuil rayé, une table éclaboussée de jaune, des carrelages, et aussi, jetés dans la lumière et dans le vent, 

des arbres, hêtres, pins, d’autres arbres sans noms, des maisons habitées et enfin des paysages inépuisables, des paysages dessous la terre, des paysages dessus, jusqu’au ciel, jusqu’aux nuages, des paysages que je ne peux pas séparer des signes, suites ou compositions, des diptyques, triptyques, et polyptyques nus et charnus, géométriques et onctueux, architecturés et dansants, dont l’évidence me happe. Je ne m’y attendais pas, je ne m’attendais pas à cette strate dans la géologie et la généalogie des peintures de Michel Cure ; c’est bien fait pour moi, ça m’apprendre à supputer, à faire la maligne et à supposer que ceci et que cela, et que cependant, et que toutefois, et que néanmoins.

Évidemment que la peinture de Michel Cure ne vient pas de rien, ni de nulle part ; elle relève d’un lignage ancien, elle se souvient, elle a ses résurgences sourdes et ses réminiscences vives. Il a ses primitifs flamands, il a ses Italies et son Zurbaran, ses découvertes, ses éblouissements, ses rencontres, ses amours et ses désamours, ses tours et ses détours. Il a les yeux ouverts, il a ouvert les yeux, il a regardé, vu et revu, il a pensé. 

Les peintres pensent et ils vivent dans le monde ; ils sont au monde qui avance son étrave en eux, et Michel Cure n’échappe ni à l’histoire, ni à la géographie, ni à l’air du temps qui souffle le chaud, le froid et le tiède. Des traces sont là, dans sa peinture qui s’invente, quand elle s’invente, des pistes s’ouvrent ici et ailleurs, des pistes de sens et des traces qui remonteraient aux sources ; il ne m’appartient ni de suivre les pistes têtues ni de déchiffrer le palimpseste des traces tenaces. 

Je ne saurais pas le faire, je n’y entendrais rien, je perdrais le fil ; ça n’est pas mon chemin vers la peinture. J’entre dans les maisons de peinture, dans les ateliers, dans les œuvres, à la sauvage et à la buissonnière, comme une brute déguisée en amatrice vaguement éclairée. 

Je fais semblant de bien me tenir, mais j’avance à tâtons ; je flaire, je hume, je furète. Je fais comme je peux. Je cherche des goûts, des grains, des remugles et des parfums, des empoignades, des silences froissés, des gestes enfuis, des éclats de joie, des goulées de couleurs et le vertige de la nécessité. Je ne sais justement pas tout ce que je cherche, mais je sais que la peinture de Michel Cure donne beaucoup, largement, à plein corps, à pleins bras ; c’est une peinture qui embrasse, au beau sens nu, de prendre aux bras, dans les bras ; elle vous embrasse et ne vous lâchera plus.

On y pense, elle accompagne, je la rumine, je la sens. Sensation est le maître mot de Cézanne et on ne l’épuisera pas. Assomption des vaches, rythmes et architectures des paysages, apparitions et disparitions des portraits, chorégraphies des diptyques, triptyques et polyptyques, tout fait sensation sans tapage, ni rodomontades, ni fioritures, ni afféteries. 

On y va, on y est, à l’établi des jours, et du temps, et de la vie qui passe ; on est au travail, à l’épicentre des formes, des matières, et des couleurs, de la couleur à inventer, à chercher, à apprivoiser, à recommencer, la couleur comme un horizon d’attente et un pays toujours désiré. Un manteau rouge vibre à fleur de mémoire et je ne me lasse pas des jaunes de Michel Cure, des jaunes d’orage et de matin neuf, des jaunes veloutés, crémeux, abyssaux, un jaune plus paillu, terreux, rétamé, récuré, un jaune à bout de forces, un autre jaune pimpant, ressuscité, un jaune encore tout empoissé de vert, ou cogné de bleu, ou cerné, acculé par les rouges qui ne manquent pas d’air. 

Le jaune se défend, il tient la route, il reprend du terrain, il se déploie en coulures et se répand en coulées, il est lisse ou il est grenu, il sait tout faire, il peut tout faire, il raconte, il incarne, il s’efface, il reflue, il se tait, il s’enfonce dans la nuit des forêts profondes. Il reviendra, il recommencera, le jaune est grand, je lui fais confiance et je fais confiance à la peinture.

Marie-Hélène Lafon, 2024

Galerie Le Confort des Étranges 33 rue des Polinaires 31000 Toulouse

Ouvertures: jeudi de 17 à 20h vendredi-samedi: 16 à 20h. Tél: 06 63 69 29 52. et sur rendez-vous.

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