Lilie Pinot – Nous sommes assis sur les braises
Du 6 décembre 2024 au 1er mars 2025 – Vernissage jeudi 5 décembre à 18h30
Jeune artiste toulousaine, Lilie Pinot s’intéresse particulièrement à la matière, par le biais de la technique du transfert photographique. Elle aime expérimenter les contraintes techniques, en se concentrant sur la trace et l’utilisation d’archives photographiques. Pour cette exposition, Lilie Pinot nous invite à plonger dans les rémanences historiques des luttes sociales. Depuis les grèves du CPE jusqu’aux manifestations des Gilets Jaunes en 2018, elle a photographié des moments de révolte et des gestes de lutte. Les objets et symboles qui les accompagnent ressurgissent au fil des soulèvements et insurrections comme autant de signes flamboyants d’une histoire en éternel recommencement.
Cette exposition est l’aboutissement d’un partenariat que l’Espace photographique Arthur Batut et l’association Echo-ci, Echo-là conduisent chaque année. Au cours de l’été 2023, Lilie Pinot a été accueillie à Labastide-Rouairoux pour une résidence au cours de laquelle elle est allée à la rencontre de différents acteurs de ce territoire et s’est emparée d’archives photographiques de l’industrie textile locale pour les transférer, avec des techniques qui lui sont propres, sur des tissus collectés sur place.
Après avoir été présentées lors du festival Echo d’Ici, Echo d’Ailleurs à Labastide et au PAC à Aussillon, entre octobre et décembre 2023, les œuvres réalisées en résidence intègrent à Labruguière une sélection plus large d’œuvres de cette artiste, les mettant ainsi en perspective dans une démarche plus globale.
Nous sommes assis sur les braises d’un passé que nous avons en partie oublié. Mon travail propose d’interroger cet effacement, en mettant en lumière la continuité des luttes sociales et la violence intrinsèque à la fondation de nos sociétés.
Ce corpus d’image est une réflexion sur les rémanences historiques des luttes sociales. Depuis les grèves du CPE jusqu’aux manifestations des Gilets Jaunes en 2018, j’ai photographié ces moments de révolte.
Lorsque les barricades sont apparues sur l’avenue Charles Laffitte à Toulouse, en décembre 2018, j’ai commencé à m’interroger sur la persistance de ces gestes de lutte, sur les objets qui les accompagnent, ainsi que sur les symboles qui, au fil des révoltes et insurrections, réapparaissent. Les barricades, les jets de pierres… autant de signes flamboyants qui ressurgissent avec force à chaque nouvelle contestation.
Comment utilisons-nous et vivons-nous avec ces traces du passé, et comment continuent-elles de nous habiter ?
En écoutant Ninon Grangé à la radio, discutant de son ouvrage Oublier la guerre civile ? une phrase a particulièrement retenu mon attention :
« Le politique, que la tradition croit fonder sur la sécurité, la prospérité et la paix, repose en réalité sur un oubli, voire sur une ignorance volontaire. Il est assis sur des braises de stasis , toujours prêtes à se rallumer, mais que notre esprit n’est plus capable de comprendre. »
Pour Ninon Grangé, oublier un mot, donc un concept, c’est se priver de la capacité de le comprendre pleinement. Cela fait écho au traumatisme, une sorte de défaut d’origine. La stasis, explique-t-elle, est une guerre interne à la Cité, une guerre barbare entre frères ennemis, le dépassement de toute mesure – un « mouvement archaïque » au cœur du politique. Contrairement à la polemos, une guerre régulée et maîtrisée, la stasis rappelle que la violence est à la fondation même de la Cité, en opposition à la vision philosophique traditionnelle qui prétend la dissocier du politique.
Comme l’affirme Ninon Grangé, « le refus d’accepter cette réalité signifie que le politique se pense comme non contradictoire, et c’est ce que Machiavel ou Carl Schmitt contestent avec fermeté. » Le politique prétend maîtriser la violence, alors qu’il en est lui-même constitué. La stasis devient alors un concept clé pour penser la violence politique contemporaine, notamment face à des menaces irrationnelles telles que le terrorisme. En entretenant l’oubli, la Cité et l’État risquent de ne plus savoir comment affronter ces dangers extrêmes.
Cette réflexion sur les traces et l’effacement nous permet de mieux comprendre l’histoire. Aujourd’hui plus que jamais, il est crucial d’apprendre cette histoire avant qu’elle ne soit déformée. La rémanence de ces luttes sociales est là : le stimulus n’a pas disparu, il a simplement été oublié. La lutte des classes continue !
Lilie Pinot, 2024
Espace Photographique Arthur Batut, 1 place de l’Europe 81290 Labruguière. Tél : 05 63 82 10 63
Horaires d’ouverture : Lundi : 14h à 18h | Mardi et jeudi : 10h-12h et 14h-18h
Vendredi et samedi : 10h-12h et 14h-17h30
- Photographie
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