Laurence Briat – Fractures et Fragments
Du 10 mai au 1er juin 2025
Dans le cadre des Boutographies 2025
Dans le cadre de sa troisième résidence d’artiste, les Boutographies, APF France handicap et le Mur Rouge-Espace photographique accueillent l’artiste plasticienne Laurence Briat.
Sur une période de 6 mois l’artiste aura à charge de réaliser une série photographique sur la thématique du handicap. Ce travail sera présenté lors de la 25ème édition des Boutographies
Comment vous identifiez-vous en tant qu’artiste plasticienne dans un festival de photographies ?
Lorsque APF France handicap Occitanie et les Boutographies m’ont proposé ce projet j’ai d’abord été un peu déconcertée car je ne suis pas photographe mais artiste plasticienne. Mon travail est cependant en prise directe avec la photographie dont j’emprunte souvent le vocabulaire: cadrage, montage, capture, angle de vue, hors champs, composition, focus… Sans appareil photo pour capter un morceau de réel, c’est mon œil qui prélève et coupe instantanément dans le flux des images.
A la manière des appropriationnistes j’emprunte, adopte, déchire, m’empare des images pour les faire miennes et en composer d’autres. Eloigner des fragments d’images de leur contexte constitue la base de ma pratique.
Le festival des Boutographies a déjà accueilli des photographes traitant le sujet du handicap, pour vous qu’est ce que votre technique artistique apporte de différent par rapport au travail des artistes passés ?
Le collage consistant à assembler des morceaux fragmentés, à défaire et à recomposer les représentations, est une métaphore puissante pour exprimer les complexités du handicap. Fait de manière intuitive, il peut prendre des directions imprévues. Parfois, les fragments ne s’emboîtent pas tout de suite, il faut ajuster, repositionner, ou accepter que certaines parties ne s’intègrent pas. Tout comme la vie qui ne suit pas un plan précis et peut dévier, un collage prend forme de manière non linéaire. Cette technique fait apparaître le non intentionnel, l’inattendu.
Chaque pièce est unique et invite à regarder de plus près, à trouver un sens dans les couches, les textures. La superposition et la réparation de fragments rappellent combien le corps handicapé est capable de résilience et d’adaptation face aux changements.
Pensez-vous que le collage enrichit davantage le propos ? Et si oui, de quelle manière ?
Je pense que collage est un outil efficace pour éveiller l’intérêt et ainsi changer la perception que l’on a du handicap physique. Il permet d’ouvrir une porte d’entrée différente, de proposer une vision sensible – voire poétique – éloignée du reportage et des stéréotypes. Mon intention est d’évoquer les problématiques du handicap sans le montrer, en faisant en sorte que le propos reste implicite, en filigrane, sans que l’intention ne se laisse trop voir.
Depuis combien de temps faites-vous du collage et que trouvez-vous de si attirant dans ce médium ?
Au fil des années j’ai multiplié les expériences dans le domaine artistique : peinture, gravure, photogravure, encre, création de livres d’artiste… Le collage a toujours été présent dans mon travail, au croisement de toutes ces pratiques, mais il est devenu central il y a une dizaine d’années.
Il satisfait mon goût pour le fragment, le métissage, la récupération, le recyclage. J’aime insuffler une nouvelle vie, un nouveau sens à quelque chose de résiduel. Ce qui me plait surtout c’est de me laisser porter par la curiosité : je collecte, découpe, fragmente, arrache, déconstruit, accumule, sélectionne, juxtapose, superpose, recompose… Pour moi c’est presque un rituel, une routine, comme une respiration quotidienne, un travail intime et ludique. C’est mon jeu préféré.
La quantité d’images accessibles me fascine. C’est une source d’inspiration sans fin qui stimule mon imaginaire. De plus, la profusion des éléments utilisables et à portée de main, et l’économie de moyens nécessaires pour la fabrique d’un collage, en font un art ‘’écologique’’ pour notre temps.
Avez-vous déjà participé à une résidence ? Si non, qu’est-ce qui vous a attiré à faire une résidence ? Si oui, quelle expérience recherchez vous dans cette manière de pratiquer votre art ?
J’ai suivi un grand nombre de stages mais en général je préfère travailler seule, sans consigne ni sujet imposé. Travailler dans le cadre d’une résidence constituait une expérience totalement nouvelle, en rupture avec ma façon de fonctionner. C’est ce qui m’a attiré. Le handicap physique m’était totalement inconnu et j’ai découvert un champ de questionnement d’une grande richesse. Ces quelques mois on totalement changé mon regard. J’ai apprécié d’être supervisée et encouragée car je redoutais par dessus tout des maladresses qui pourraient être mal comprises et blesser.
La principale difficulté que j’ai rencontrée a été de me procurer des documents autres que numériques ayant trait au handicap, car habituellement je n’imprime pas et travaille avec des papiers, souvent anciens, et que je trouve au jour le jour.
De toutes vos œuvres présentées cette année au festival, quelle est celle que vous garderiez ?
En tant qu’artiste plasticienne passionnée – voire obsédée – par les images, le handicap visuel est sans aucun doute celui auquel je suis le plus sensible.
J’ai été très émue par la visite que nous avons faite à l’association des aveugles.
J’avais demandé à les rencontrer pour qu’ils me procurent du papier avec l’écriture braille que j’ai toujours trouvée très belle et mystérieuse. J’ai été captivée par les explications sur sa fabrication, l’embossage et le principe de lecture qui demande tellement de sensibilité au bout des doigts. De tous mes travaux présentés cette année au festival, je choisirais une pièce qui évoque le handicap visuel.
Hotel d’Aurès, 14 Rue Eugène Lisbonne, 34000 Montpellier
Ouvert de 10h à 18h
- Arts Plastiques, Photographie
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