La Galerie Valérie Eymeric accueille pour sa seconde exposition de l’année 2025, l’artiste photographe Jérémie Lenoir. Depuis près de 15 ans, les travaux photographiques, mix-média et installations de cet artiste construisent une anthropologie des paysages contemporains. En observant leurs évolutions avec un regard distancié et objectif, il tente de mettre en lumière la globalisation des formes, usages et fonctions de nos espaces de vie tout en développant un minutieux travail de composition tendant vers l’abstraction.

« Topologies » regroupe des oeuvres réalisées depuis 2012 sur les territoires en tension le long de la frontière ville-campagne. Réunissant sous cette thématique ses séries autour de la Seine, du Nord et de Montréal, l’accrochage se focalise sur les notions de vernaculaire et d’entropie et sur les processus politiques et économiques qui modèlent les contours de nos villes. Le corpus est ainsi profondément ancré dans le réel et les espaces photographiés sont méticuleusement sélectionnés pour ce qu’ils racontent des transformations de notre société. 

Aussi est-il important pour Lenoir de souligner que rien dans ses photographies n’est truqué, retouché, effacé ou ajouté. Son protocole de prise de vues vient renforcer ce désir de neutralité dans le traitement des paysages : les lieux sont choisis au préalable et revisités de nombreuses fois pour en comprendre l’évolution ; et ses photographies sont toujours produites à la même heure (autour de midi pour obtenir neutralité et platitude), à la même hauteur et avec la même focale (pour obtenir une unité d’échelle).

Pour autant, Lenoir affirme un positionnement pictural fort en adoptant un systématisme proche de la peinture. Revendiquant sa volonté de quitter le spectre du documentaire ou du constat, il puise ses influences dans les oeuvres de Soulages, Rothko, Hartung, Noland, Malevitch, Tàpies et bien d’autres. L’abstraction des images répond alors à celle d’un monde invisibilisé par son absence d’ancrage culturel, d’un monde devenu impossible à s’approprier malgré sa proximité.

Tout en questionnant notre existence au monde (Dasein), elles offrent l’autonomie nécessaire pour ne pas imposer de discours ou de morale et pour laisser libre cours à notre imagination. Chantiers, friches, toitures, stockages, industries prennent ici des traits abstraits et symboliques ouvrant à une contemplation sensible, poétique et plastique, et permettant à Lenoir de construire avec obsession une sémiotique des paysages contemporains.

En transfigurant le réel en tableaux, « Topologies » propose une relecture des territoires en mutation dans lesquels dialoguent tangible et chimères, présence et absence, retrait et attrait… Alors que voyons-nous ? Des macros de minéraux ? 

Des déserts lointains ? Des tapis de jeux ? Nous projetons dans ces oeuvres nos propres références artistiques comme notre vision d’un univers enfantin, onirique, scientifique ou purement sensoriel… nous y lisons des cosmogonies multiples que Jérémie Lenoir nous invite à décrypter, convaincu de l’impérieuse nécessité de créer, par l’imaginaire, une intimité avec le monde qui nous entoure.

JÉRÉMIE LENOIR

Né en 1983, Jérémie Lenoir est diplômé de l’Ecole Polytechnique de l’Université de Tours et de l’Ecole Supérieure d’Art et de Design d’Orléans. 

Visant une approche anthropologique plutôt qu’une représentation objective d’une « vérité » du paysage, les photographies de Jérémie Lenoir proposent un voyage singulier et sensible dans ce que Marc Augé nommait les « non-lieux ».

Tout autant influencé par les artistes de la Kunstakademie de Düsseldorf que par les peintres expressionnistes abstraits (ou encore Rothko, Noland, Soulages, Malevitch, etc.), le travail de l’artiste français tente une représentation du réel et sa transfiguration en tableaux : entre imaginaire poétique et préoccupation sociale, il aspire à apporter à nos territoires contemporains un réalisme nouveau.