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Jeanne Lacombe « L’atmosphérique »

Du 22 mars au 30 août 2024 – Vernissage vendredi 22 mars à partir de 18h

Quasar Donation Lesgourgues présente à Peyrehorade les œuvres de Jeanne Lacombe depuis les années 1980-90 de la collection Quasar jusqu’à celles les plus récentes depuis l’an 2000 à 2024.

Plusieurs volets de cette exposition déclinent cette notion de “l’atmosphérique” en autant d’atmosphères contenues dans les propositions artistiques qu’elle nomme Paysage.

De par son écriture poétique, picturale, Jeanne Lacombe nous offre des réminiscences sensorielles de jardins et d’espaces imaginaires exotiques, de ces éléments, nous avons la réception visuelle par tout un jeu phénoménologique de sensations et d’émotions.

La mémoire des lieux, le paysage et ses milieux…

l’atmosphérique.

« J’étais fascinée par la nature et ses mouvements, le rassemblement des oiseaux à la tombée de la nuit, les bruits du soir, la force de l’orage suivi par la pluie et une odeur de terre mouillée. J’observais pendant des heures le caméléon dans mon jardin où s’ajoutaient ces petits oiseaux tout en couleur. Tout ceci annonçait le PAYSAGE… »

(…) « c’est un langage intime qui vient de ce que nous avons de plus profond en nous. Je résumerais en un seul mot : le PAYSAGE. Mon amour de la peinture et, d’une façon plus générale, ma fascination pour l’image… »

Jeanne Lacombe, « Dialogue » dans Prises-de-notes.

Selon Hegel, la paysagéité d’un site ne sera plus une transaction directe avec le démon qui l’habite, mais sera mesurée à la norme esthétique de la culture picturale. Une circulation s’établira entre le tableau représentant un paysage et le paysage réel, déterminé de ce fait comme « pittoresque ». Cette circulation particulière sera un moment très important de la culture occidentale qui va informer l’ensemble de la pratique du voyage qui deviendra le tourisme.

Cette approche nous amène aux séries de Jeanne Lacombe où, selon les propos de Brigit Meunier Bosch « L’origine d’un monde », texte de 2016 : «… une immersion quasi instinctive de l’artiste dans le paysage qu’elle parcourt, qu’elle expérimente, une imprégnation atmosphérique autant que culturelle qui nous entraîne instantanément dans la lumière diaphane de Venise, la troublante étendue du Bosphore ou le voile lumineux du Détroit de Gibraltar. Des espaces de passage, de transition d’un monde à l’autre, d’une culture à l’autre que la peinture, le dessin, la photographie et les mots (les siens et ceux de poètes) viennent documenter ».

Si le paysage réel ne peut être seulement vu ou perçu qu’à partir de schémas élaborés par la littérature ou la peinture, le regard de Jeanne Lacombe sur le paysage ne se perçoit qu’en chaussant les lunettes subjectivistes de son esthétique et de son écriture picturale. La notion « d’écriture » dans une acception plus large et plus conceptuelle est un argument majeur dans notre art contemporain. Pour A.J. Greimas il faut prendre en compte la part d’image faisant intrinsèquement partie de l’écriture ; donc constituer l’écriture en un système sémiotique à la fois linguistique et spatial.

À travers ces « lieux de mémoire » intitulés Les deux mondes, Paysages énigmatiques, Jeanne Lacombe nous offre des réminiscences sensorielles de jardins et d’espaces imaginaires exotiques, emplies d’une profonde humanité ; elle cherche la création d’un sentiment (Einfühlung ) et non pas la leçon du sujet qu’est la nature. Elle vise à produire un effet sur l’âme et non une explication didactique. Elle ne mime pas un discours, elle met en scène une dimension d’atmosphères par la discrétion de son écriture poétique picturale. Nous renvoyons aussi le spectateur à ses peintures à l’huile et feutres sur toile de 2020, Voyage au Sénégal de 2020 et 2022, Jardin public… 

Elle nous fait accueillir l’indéfinissable de l’atmosphère d’un lieu, atmosphère de rencontres, par un registre à la fois simple et subtil d’indices multiples, prélevés à des niveaux très divers de situations. Son oeuvre s’efforce de répondre à la question : comment la nature est-elle donnée au sujet dans la réceptivité du sens visuel ? « Je suis sensible au cadrage, au montage, à leurs couleurs, à ce qu’elles racontent et comment elles sont racontées, au choix des mots dans les dialogues », (idem dans « Prises de notes »).

Sa peinture de paysage n’est pas à comprendre comme l’élection par la représentation picturale d’un objet-nature qui se trouve être le « paysage », mais bien comme faisant office d’un rite d’apaisement, celui du regard qui a disparu. L’art du paysage serait la forme moderne d’un sacrifice à un milieu, à un lieu, la manière esthétique de payer son tribut au « regard ». 

L’interrogation sur l’essence du paysage comme « être paysage » ou paysagéité provient peut-être du sentiment critique de l’avoir perdu. C’est sans doute cela que Jeanne Lacombe s’évertue depuis tant d’années à nous rappeler, actant cette dette mémorielle. Ses dessins, peintures et même ses sculptures, sont des représentations stylisées « abstraites », des évocations imagées de sensations au cours de ses multiples périples à travers plusieurs continents et non un enregistrement d’observations particulières (c’est l’appareil photographique qui aurait cette délégation). 

Sylvain Sankalé dans son « Imaginaire et inconscient » de 2019 dit de la peinture de Jeanne Lacombe : « De plus en plus réduite à l’essentiel, dans l’abstraction du monde, son oeuvre peinte évolue vers la substance ramenée à la luminosité et à la couleur et à leur fusion ». Féminin été de 2017-18, peintures à l’huile sur photo, ouvrent cette dimension et nous interpellent sur la similitude à une quête qu’un Claude Monet dans sa dernière période assumera dans sa série des Nymphéas à partir de son jardin de Giverny. C’est l’imago mundi d’atmosphères en tant que spectacle des merveilles du monde.

Nous pourrions risquer l’hypothèse que l’oeuvre de Jeanne Lacombe fait écho à la doctrine aristotélicienne d’un monde sous la lune se composant de quatre éléments, la terre, l’eau, l’air, le feu (Chez Jeanne Lacombe, le feu excepté)…

De ces éléments nous avons la réception sensible par tout un jeu phénoménologique d’atmosphères – les différentes qualités de sol dans sa série de 2020-2022 Jardin du polyptyque (projet pour le métro de Toulouse) et Vues du train (Toulouse – Limoges – Paris), peints à l’huile sur photo : par exemple sensation de chaleur sèche ou humide de l’air dans ses Carnets de voyage Sénégal ( feutres sur papier de 2019-2022 ); sensation d’humidité dans sa série Paysages-énigmatiques, 

le Bosphore etc. Dans ces champs sensoriels, ces atmosphères nous enveloppent d’une aura. Il existe une transparence dans la technique picturale qu’elle met en scène, même dans la montée au zénith de la couleur, particulièrement dans les rapports du rouge et du vert, du bleu et du jaune. Cette « diaphanéité » convoque une veduta, une fenêtre qui ouvre sur ces mondes de l’atmosphérique.

Les couleurs et le diaphane se transforment en énergie lumineuse, deviennent par transcendance le numineux. Ils nous amènent ainsi à une ouverture première de l’ordre du visible, une vision au coeur du visible. Hegel comprendra l’essence de la peinture du paysage comme une relation indirecte de l’esprit à son intériorité spirituelle.

Pour lui, la nature, au lieu d’être une simple ambiance, affirmera son indépendance et deviendra un véritable contenu.

Dessin à la gouache, photographie, peinture, sculpture, céramique…Pour établir ses propositions artistiques Jeanne Lacombe ne se soustrait à aucune technique.« Quête insatiable qui me pousse dans mes retranchements et me met en perpétuel mouvement vers de nouvelles aventures où je dois sans cesse me renouveler… » dit-elle en

2019 (« Dialogue » dans Prises-de-notes ). Elle s’autorise l’exercice d’une scénographie ( céramiques et peintures, vues de l’atelier ) qu’elle nomme Maniérisme (2023), des fragments de paysages avec usage de ses techniques, se rassemblent par juxtaposition et contiguïté pour nous faire ressentir « l’Atmosphérique ».

C’est la participation des parties pour un tout de l’unité d’un « Paysage » idéal. C’est surtout la notion romantique de la sympathie de l’âme avec l’atmosphère d’un paysage ( Stimmung ), la voie indirecte par laquelle la représentation de la nature extérieure participe de l’intériorité de la vie de l’esprit.

L’exercice de la variante de ce dispositif scénographique engage la valeur « expositionnelle » d’une oeuvre, son « imago mundi ». C’est à cela que se livre Jeanne Lacombe dans l’exposition à Peyrehorade, des peintures des années 1980-90 de la collection Quasar jusqu’à ses oeuvres récentes.

Jean-Claude Thévenin

Quazar Donation Lesgourgue, Galerie, 18 rue Amédée Labarthe 40300 Peyrehorade

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