Jean Cazelles – Mes Moires d’Argent
Du 2 au 30 novembre 2024 – Vernissage samedi 2 novembre à 18h
Ce mois de novembre, nous sommes heureux de participer à la Biennale du livre d’artiste à la Salle des Fêtes de Rodez, les 9 et 10 novembre, dont le thème est le papier.
« En 1974 Jean Dieuzaide publiait un livre étrange pour l’époque: Mon aventure avec le brai.
Photographe toulousain, bien connu pour ses portraits de Dali, du général de Gaulle ou ses photographies humanistes, Dieuzaide racontait ici en images son corps à corps avec le brai, un goudron de houille, noir et visqueux. La photographie abandonnait alors sa fonction documentaire pour plonger dans la matière et ses lumières noires.
Jean Cazelles a bien connu Jean Dieuzaide. Une même terre de suie les habitait, celle des mines, des charbons et des noirs de Soulages. Et c’est encore dans le corps à corps avec la matérialité de la lumière que se forgent ses images, que se créent des visions oniriques pourtant parfaitement palpables; bien plus tangibles, même, que le réalisme que nous voudrions prêter aux photographies.
Comme nos doutes, la moire est un tissu aux reflets changeants. Pourtant, les moires photographiques que Jean Cazelles crée dans son atelier ne changent plus. Le philtre photographique a gardé leur empreinte, les a cristallisées. Mais en même temps, par l’ettet de cette mémoire argentique, nous découvrons que le plus important est resté. Car nos yeux continuent de vibrer. Ils glissent sur la densité des noirs, s’arrêtent sur une ligne que nous croyons saisir avant de concéder que la frontière était instable. Et les ombres nous prennent à nouveau.
Le photographe, en véritable génie de l’atelier, a su nous transmettre ces instants de lumière vécue. Mais il a su trouver davantage. Une carte à puces catalyse maintenant la surface. La moire s’assagit. Elle ne change pas, elle prend forme. Voilà qu’apparaît tout un monde quasi urbain, électronique, câblé, géométrisé, mais aussi tout entier poétisé. Et nous découvrons que les mémoires du photographe portaient en elles les germes d’une métamorphose, voire, peut-être, de toutes les métamorphoses.
Jean Dieuzaide écrivait que la photographie « redouble le monde sous nos yeux pour mieux le faire comprendre ». Concluons alors qu’il n’y a pas de tâche plus digne d’un être humain, car, finalement, la matière du monde est une moire riche de tous nos mondes possibles. »
(mai 2024)
Marc Tamisier est philosophe,
docteur en esthétique, sciences & technologies des arts.
« Jean Cazelles est né à Viviez, au cœur du bassin industriel aveyronnais. Autodidacte, dès sa petite enfance il pratique le dessin et la photographie. Formé ensuite à Paris, à l’Ecole Supérieure d’Arts Graphiques, il s’établit enfin à Rodez professeur d’arts plastiques de collège, lycée, école normale.
Dès lors, il développe une pratique personnelle de photographe, en noir et blanc, pratique stimulée par une science hors pair du laboratoire. En 1988, il organise à Rodez le premier festival Photofolies qui a permis de présenter au public local des expositions de photographies de Robert Doisneau, Raymond Depardon, John Batho, Tom Drahos, Josef Koudelka, Denis Roche… Les éditions successives de ce festival, ont beaucoup apporté aux Ruthénois en matière de formation et de découverte du médium photographique moderne et contemporain.
Cazelles fait naître la lumière du noir. Celui-ci, « noir de schistes, noir des fumées, noir de la houille et des crassiers », comme l’écrit son ami Jean-Claude Gautrand, est une source de métamorphoses du réel. Le photographe dissout la substance même de la photographie : l’objet ou le fragment de nature s’en trouve transfiguré.
Ou si l’on préfère, le sujet initial doit être déchiffré. Jean Cazelles, ami de Jean Dieuzaide – l’héliogravure, un caviar délicieux –, émule d’Ubac, de Brassaï, d’Ansel Adams, de Wynn Bullock, atteint une forme d’abstraction mystérieuse. Il se souvient de ses visites à la Galerie de France, où il découvrait Soulages, Zao Wou Ki, Poliakoff, Hartung. Chez Cazelles l’emprise de la matière dépasse les effets picturaux : le laboratoire défie toute tentation du réel… »
(Benoit Decron – conservateur Musée Soulages)
Réplique, 42 de la rue des Embergues, 12000 Rodez
Horaires :vendredis de 15h à 18h30 et les samedis de 10h30 à 12h30 et de 15h à 18h30.
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