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La colombe de la paix Pablo Picasso

Anne-Marie Schneider, Naomi Maury, Aurélie Piau

Du 14 octobre 2023 au 10 mars 2024 – Vernissage samedi 14 octobre à 18h30

Anne-Marie Schneider « Le cercle est le monde » :

Commissariat  : Thierry Leviez & Clément Nouet

L’intérêt que portent les artistes au travail d’Anne-Marie Schneider témoigne de sa position singulière dans le champ de l’art. Bien que son œuvre ait fait l’objet d’expositions régulières depuis le début des années 90 et notamment à l’occasion de grandes manifestations internationales, sa présence reste aussi discrète qu’influente.

Son œuvre s’inspire autant de l’actualité que des contes ou de son quotidien. Mais bon nombre des images qu’elle produit ne peuvent être associées à un quelconque référent et semblent nous mettre en présence de purs phénomènes psychiques. Elles sont comme abstraites, non pas au sens d’une absence de représentation mais parce qu’elles ne renvoient à rien de reconnaissable. Au-delà des allégories, chaque chose y vaut pour elle-même, chaque chose est ce qu’elle est, dans toute l’épaisseur de son sens.

L’exposition met en évidence les associations mentales et les jeux de correspondance entre différents groupes de formes, objets et corps, avec le cercle comme motif récurrent : visages, bulles ou sphères. Elle n’a pas été conçue comme une rétrospective avec sa chronologie ordonnée, ni comme une exposition d’œuvres récentes, puisqu’elle réunit des pièces du début des années 2000 et de nouvelles séries. Un ensemble de figures plus ou moins obscures, plus ou moins absurdes, souvent réduites à un trait, y ébauche une philosophie de l’existence aussi profonde que simple.

L’exposition réunit d’abord un large ensemble de dessins sur papier au crayon, au fusain ou à l’encre de Chine. Avant l’introduction de la couleur dans les années 90 et avant les premières peintures initiées à partir de 2008, le dessin est le fil conducteur du travail d’Anne-Marie Schneider. Son trait nerveux et sec se nourrit de sources hétéroclites mais c’est toujours d’un état mental, du retentissement intime d’un événement, dont il est question.

Le caractère à la fois gauche et résolu du tracé pourrait évoquer le geste d’un enfant. Mais cette fragilité est sans doute la contrepartie d’une recherche d’immédiateté : elle permet de restituer l’incandescence d’une impression sans le détour du réalisme, sans le temps et l’application que nécessiteraient le rendu d’un volume ou la construction d’une perspective. Une transcription intuitive du monde qui perdrait une part de son intensité si elle était entravée par la discipline d’une main.

Peut-être y a-t-il aussi dans ce refus de tout naturalisme une forme d’insoumission  ; insoumission au style, chaque dessin semblant, de ce point de vue, déjouer le précédent, mais aussi au goût, notamment en peinture, avec des portraits dans lesquels l’artiste semble prendre plaisir à faire apparaître des personnages monstrueux.

Les supports sont tout aussi frêles que les images : la plupart des œuvres ont été réalisées sur papier, parfois même lorsqu’il s’agit de peintures acryliques, causant déformations et gondolements. Certaines pièces sont peintes à cheval sur plusieurs feuilles et l’une des grandes peintures de l’exposition, une figure horizontale jaune sur fond noir (« Sans titre – Untiltled (Lying & Standing personages », 2019) est étrangement scindée en deux laissant le mur serpenter à travers elle.

Enfin, les sujets sont eux-mêmes ambivalents, tour à tour légers ou tragiques. Le trait naïf les situe d’emblée sur le mode tragi-comique mais à y regarder de plus près, apparaissent des thèmes existentiels, la naissance, la mort, le manque, l’absence, le désir, la sexualité… En ce sens, Anne-Marie Schneider appartient à une famille d’artistes à l’humour froid comme, pour n’en citer que quelques-uns, David Shrigley, René Daniëls ou Philip Guston (elle mentionne régulièrement les deux derniers), quand, en littérature, des auteurs comme Daniil Kharms, Franz Kafka ou Samuel Beckett pourraient être identifiés comme des parents proches. Elle invoque également les romans de Virginia Woolf mais peut-être cette référence tient-elle davantage au stream of consciousness, cette catalyse du présent que l’on retrouve à la fois dans les récits de l’écrivaine anglaise et dans le journal visuel d’Anne-Marie Schneider.
Le titre de l’exposition Le cercle est le monde choisi par l’artiste, se donne lui-même comme une métaphore paradoxale mettant en regard une idée simple et l’étendue abyssale de ses associations.

Et, en effet, l’exposition regroupe nombre de ces cercles, sphères ou bulles qui renvoient tour à tour à l’émanation d’une pensée dans le phylactère d’une bande dessinée ; à l’anneau d’une clé sur un automate ; à la grossesse, à la gestation ou même à la poche du placenta ; aux planètes ou à la lune ; à toutes sortes d’objets solides : balles, billes, pierres… Nombreux aussi sont les têtes et les visages, parfois en lévitation au-dessus des corps ou bien flottants à leur côté voire déposés à leurs pieds. Une série de grands dessins verticaux de 2018 met en relation un garde anglais à la veste rouge avec un point noir en guise de chapeau et plusieurs « buildings » surmontés de disques colorés, les transformant collectivement en une série de points d’exclamation inversés (un caractère qui revient fréquemment dans l’œuvre de l’artiste). 

Ces figures font écho aux allumettes peintes en 2021 qui clôturent l’exposition. Certaines d’entre elles n’ont pas encore été brûlées, d’autres sont consumées. Dans deux images, elles sont agencées de manière à former le mot « VIE » rejouant le memento mori de la nature morte dans son expression la plus simple.

Naomi Maury, « Exoskeletlight » :

Commissariat : Clément Nouet

Les expositions monographiques de Naomi Maury sont d’ambitieuses mises en scène de ses sculptures et d’un ensemble d’autres choses (films, halos lumineux, dessins, sons, prothèses et objets activés par des performeurs·ses) qui sont les traces de leur développement.

L’artiste crée des œuvres protéiformes, qui se déploient dans des installations spectaculaires mêlant science, expérience et mystère.
Combinant histoire, biologie et science-fiction en un spectacle déconcertant, les œuvres ressuscitent le passé, fusionnent les mondes souterrains et sous-cutanés, présents, futurs et rêvés tout en remettant à jour le genre de la collecte à l’ère de l’information, comme l’entend le sociologue Manuel Castells.

Naomi Maury réalise ce qu’elle nomme des « familles de sculptures » qui s’interpellent, se répondent, s’aiment et se déchirent. Chaque installation est composée d’un halo lumineux et d’une ou de plusieurs sculptures en tube de métal rehaussées avec une ou plusieurs prothèses et/ou orthèses de métal tissé. Avec une grande économie de moyens, elle combine des éléments naturels, comme la mousse, le corail ou encore le bois, à des matériaux artificiels ou industriels, tels que le plastique, le métal, le tissu ou le néon. Entre archaïsme et futurisme, la pratique de Naomi Maury se saisit des formes du vivant pour inventer des créatures d’une réalité fantasmée.

La plasticienne compose ainsi son propre bestiaire où les arts premiers, l’archéologie, la science-fiction et la biologie cohabitent avec harmonie pour créer des Exosquelettes. Ses sculptures dominent légèrement les spectateurs et entretiennent avec eux un rapport familier, comme pour mieux révéler leur inquiétante étrangeté. Chaque sculpture a sa place, à la fois autonome et partie d’un tout. Posées au sol ou suspendues, toujours dans un équilibre précaire, elles semblent prêtes à vaciller, à se briser. En les parcourant, le visiteur « fait corps » avec les formes sculptées, les contourne, les enjambe, les effleure, au risque, parfois, de les bousculer.

À l’heure d’une crise de la biodiversité causée par les effets des activités humaines et d’une « extinction de l’expérience » (Robert Michael Pyle) de la nature, Naomi Maury crée dans ses installations les conditions d’une rencontre sensible entre les visiteurs et l’évocation d’êtres bioniques.

Au centre de l’exposition, son nouveau film « The Meaning of Light » (2023) tourné à Cabrerolles dans le département de l’Hérault, au milieu des vignes et de la garrigue, synthétise les dernières recherches de l’artiste. À l’image d’une odyssée énigmatique « dans un futur spéculatif, nous suivons le temps d’une journée au moment du solstice d’été un groupe d’humains vivant en extérieur parmi les éléments naturels ». Mêlant individus hybridés, appareillés de prothèses et/ou d’orthèses, tels des humanoïdes, halos lumineux et sculptures, le film invite à panser le monde présent et à penser le monde à venir. Cette façon de réfléchir donne lieu à une mise à distance du présent, à une réelle interrogation sur le potentiel humain, ainsi qu’à une exploration d’autres possibles et renvoie aux préoccupations du « transhumanisme  ». Le film qui prend pour contexte le solstice d’été correspond au moment de l’année où le Soleil monte au plus haut dans le ciel et éclaire pendant une durée maximale l’un des deux hémisphères. Le 21 juin est donc le jour le plus le long de l’année, où la lumière est un réceptacle à la beauté du monde. Récolter ou collecter comme geste premier les lueurs de l’aube et de la nuit afin de les contempler, tel pourrait être un des enjeux du film.

Dans le film, tout comme lors de ses performances, les acteurs revêtent et activent les prothèses et/ou les orthèses posées sur les sculptures. Les performeurs sont contraints de modifier leurs mouvements par l’inconfort qu’elles infligent. Leurs corps « empêchés », sont amenés alors à inventer des déroulements inhabituels des membres, d’infimes déplacements du buste, des bras, des jambes, à parer à des équilibres instables. Ils inventent une gestuelle chorégraphique inédite dont l’écriture devient l’appareillage du corps performatif. La notion de prothèse/orthèse apparaît non pas comme ce qui remplace un membre ou un organe, en reproduisant au plus près ses formes et ses fonctions, mais comme ce qui complète et ce qui singularise l’homme en tant qu’humain. Ce processus de libération d’une partie des organes va avec la création donc d’un artifice, d’un objet, créé par l’homme pour l’aider dans son évolution et même sa survie.

Aurélie Piau, « Va y’avoir du sport » :

Commissariat  : Anaïs Bonnel & Clément Nouet

L’exposition Va y’avoir du sport d’Aurélie Piau dans le Cabinet d’arts graphiques du Mrac inaugure un nouveau projet en partenariat avec le Lycée Marc Bloch à Sérignan. L’artiste a été invitée par le musée à proposer une double exposition dont la première intitulée Mouiller le maillot a été présentée à L’Annexe du Mrac au lycée, suite à sa résidence d’un mois au sein de l’établissement scolaire. Un temps durant lequel l’artiste a échangé avec les élèves et les professeurs, a mené des ateliers plastiques et a produit des pièces pour l’exposition.

Activiste, engagée socialement, défenseuse du prolétariat et des dominés, Aurélie Piau choisit l’humour face à la violence du monde et l’art pour rendre « le monde vivable » dans lequel elle crée en s’amusant. Dans ses peintures, dessins, « bibelots » de faïence et papiers peints, les thématiques s’entremêlent dans un univers joyeux et grinçant : fragilité et résistance, sacré et blasphème, violence policière et jeux d’enfants, féminin et anthropocène, gloire et ridicule, sport et capitalisme, décor et politique, délicatesse et trivialité.

« Est-ce que je vais dans le décor ? » est la question récurrente que se pose Aurélie Piau. En effet, la question du décor est centrale dans son travail et son exposition au Mrac évoque celui d’un club-house de sport ou d’un bar de supporters. Ses œuvres en reprennent les motifs et supports populaires pour créer un environnement généreux d’images et d’objets, liés au monde du sport. Un décor qui, à mieux y regarder, semble tomber en déliquescence et nous offre un autre regard sur le monde du sport dans une ambiance de joyeux désespoir.

Le titre de l’exposition Va y’avoir du sport suggère une seconde lecture de ce décor, celle du combat politique et d’une prise de position très forte de l’artiste. Le sport, qui incarne l’esprit et le système de valeurs démocratiques, ne révèle-t-il pas aussi les faiblesses et dérives des sociétés actuelles ? C’est là que le décor d’Aurélie Piau se fissure : le monde du sport devient alors le spectacle des dérives de l’économie libérale. Cette analogie entre sport et capitalisme est visible dès l’entrée de l’exposition : une photographie prise par l’artiste dans un bar PMU accueille le visiteur, évoquant les paris sportifs que l’on peut comparer à l’investissement boursier avec sa promesse d’enrichissement rapide.

Le sport de haut niveau est le lieu de l’excès, devenant un outil du prestige national, une locomotive de croissance et une machine à fabriquer des héros tel le joueur de football américain à qui Aurélie Piau met dans les bras une carotte, symbole de récompense. Dans cette même veine satirique, les trophées ridicules en céramique, détournés par l’artiste et composés d’une accumulation de symboles, dénoncent le libéralisme économique en évoquant les start-up « licornes ». Le motif trivial de la serpillière, qui vient remplir une coupe dorée, évoque avec dérision le marketing washing des entreprises qui donne une fausse image positive pour générer du profit.

MRAC, 146, avenue de la plage – 34 410 Sérignan. Tél : 04 67 32 33 05

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