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Claude Viallat – Et pourtant si…

Du 27 octobre 2023 au 11 février 2024 – Vernissage jeudi 26 octobre à partir de 18h

Pour la première fois, la ville natale de Claude Viallat, où il vit et travaille depuis plus de 40 ans, présente une large sélection de ses œuvres récentes, qui investit tout l’espace de Carré d’art. Allant puiser dans le creuset tout proche de l’atelier nîmois, elle donne à voir toute la générosité d’une œuvre « nombreuse et spiralée » comme l’artiste la décrit lui-même.

Membre fondateur du mouvement Supports/Surfaces, figure historique de l’abstraction française, Claude Viallat développe sans relâche une œuvre à la fois immédiatement reconnaissable et sans cesse en mouvement. En plus de sa peinture, l’exposition présente de nombreux objets : entre la sculpture et l’assemblage fortuit, toujours en équilibre précaire mais d’une élégance absolue, leur simplicité joueuse ne cesse de dialoguer avec l’intense jouissance formelle et chromatique de sa peinture.

Cette vaste exposition permettra d’appréhender un moment d’une dizaine d’années dans l’expansion d’une pratique qui ne cesse d’étendre son jeu coloré vers des formes inattendues. Les tissus peints et les objets qui constituent autant de fragments solidaires et en tension d’une grande maison de peinture seront présentés dans tous les sens, du sol au plafond, restituant ainsi le caractère immersif de l’oeuvre de Claude Viallat : on pourra y déambuler librement, s’y perdre en se laissant porter par une conversation ininterrompue de couleurs et de matières, y habiter pour un moment, comme dans un cosmos en mouvement qui dirait à la fois le monde et l’ornement, l’archaïque et le très contemporain.

Jeu empirique avec la matière, reprise déplacée de gestes premiers renvoyant aux origines mêmes de l’art et du faire, son œuvre conjugue cette pulsion ornementale et colorée au futur antérieur, puisant à la source des premiers artefacts préhistoriques autant que dans les avant-gardes des années 1960, des pratiques venues des quatre coins du monde à un ancrage résolument méditerranéen. La splendeur polychrome de son œuvre fait de Claude Viallat un des plus grands coloristes de l’histoire, associant à une modestie presque austère des moyens l’ingéniosité gracieuse d’un créateur de formes des origines. La sensualité à la fois subtile et luxuriante de cette œuvre en expansion constante ne cesse d’étonner, de donner à sentir et à penser depuis maintenant presque 60 ans.

Publication d’un catalogue, avec un texte de Matthieu Leglise et des écrits de Claude Viallat

Commisaire de l’exposition : Matthieu Leglise

Avec l’aide des Galeries Ceysson & Bénétière, Templon, From Point to Point

Voilà Viallat

Matthieu Leglise

Extraits du texte du catalogue de l’exposition

« La perfection est la tranquillité dans le désordre » disait Zhuangzi.

Jour après jour, avec une douce concentration, dans un ballet incessant de pliage, de collage et d’imprégnation pigmentée, le « sorcier1 » Claude Viallat raboute les morceaux dispersés du monde et en créé un autre, immense et bigarré – à l’abri du monde, dans la peinture.

Car sans cesse « le monde se brise en morceaux, en une poussière d’êtres », et voilà, il faut faire avec ce qui est là : alors Claude Viallat emporte avec lui, dans son oeuvre, « tous les échantillons, […] un peu de poil de chaque chose, un peu d’écume de chaque être, […] une mèche de chaque vie, née à la mort, enlevée à la mort, promise à une seconde vie, parmi la lumière ancienne.2 »

Parmi la lumière ancienne, méditerranéenne, de son atelier nîmois, où il vit et travaille sans relâche depuis presque quarante ans, Claude Viallat orchestre des métamorphoses à partir de tout et de rien : tissus multicolores dépareillés en monceaux pliés au bord des murs – morceaux de corde, bouts de bois, petites pierres, bribes de machins, écume de trucs – rebuts de nature et reliques du capitalisme planétaire qui débordent habituellement dans les océans – tout cela fruits d’offrandes régulières et un peu mystérieuses.

Le tout forme un cosmos en débords permanents et en proliférations incongrues, d’une élégance à la fois austère et éclatante. Univers instable, joueur, en tension : de la moire polychrome des tissus raboutés imprégnés de couleur à la nudité première d’objets combinés – artefacts archéo-futuristes se conjuguant au futur antérieur, entre le talisman animiste et l’objet-célibataire : assemblages fortuits de bois, de cordes, d’ironie et de gravité, qui constituent autant de formes de rencontres à l’équilibre fragile. Tout un univers d’une somptueuse précarité.

Cette oeuvre « nombreuse et spiralée3 » comme il la décrit lui-même, Claude Viallat la déplie bout à bout, pli à pli, depuis maintenant presque soixante ans, subvertissant l’air de rien, avec une modestie entêtée, les grandes hiérarchies et les dichotomies fondatrices de notre modernité.

Comme d’autres avant moi4, j’ai déjà dit ailleurs, par l’oblique – c’est-à-dire en partant de ce qui est peu exposé, soit la part figurative de son travail – comment cette oeuvre « innommable », selon le propre mot de l’artiste, constitue un défi pour la pensée, tant elle déjoue avec une inconscience toute méthodique les limites, les visées et les linéarités, de quelque ordre soient-elles ; qu’elle était le lieu de toutes les métamorphoses, donc de la démesure – de ce qui ne peut se saisir, ni s’arrêter.

Walter Benjamin nomme « constellation5 » cette configuration dialectique de temps et de tendances hétérogènes. Ainsi, plutôt qu’une reformulation du système pictural de Claude Viallat, c’est une « constellation » temporaire au sein du cosmos Viallat que je propose ici – aussi bien dans ce texte que dans l’exposition qu’il accompagne, que j’ai eu la joie de concevoir avec son atelier et en sa compagnie : un état du ciel, une sonde d’humeurs, qui puisse donner à voir, déplacé de quelques centaines de mètres, du creuset de la rue Clérisseau à Carré d’art, un moment d’une dizaine d’années dans l’enroulement dialectique de cet atelier permanent. Cette série de trois textes indépendants, suturés les uns aux autres, entre le poétique et le théorique, tous chargés d’« un peu de poil de chaque chose, [d’]un peu d’écume de chaque être6 », a été constitué à l’image de cette oeuvre et de sa façon de bricoler un patchwork aux dissonances fécondes, aux harmonies tremblées, aux répétitions déplacées. Ces trois fils tissent une série

de réflexions faites d’échos, de résonances et de rapprochements, constituant ainsi, à leur tour, un ensemble également « nombreux et spiralé ».

Ces mots ne cherchent pas, en définitive, à expliquer l’oeuvre de Claude Viallat, mais bien à l’ « éclairer de sa propre lumière7 ». Il sera donc question ici d’anthropologie visuelle, d’éponge et de bricolage ; de cosmogonies, de tissus et de processus moléculaires ; du dieu taureau et des chamarrures de la vieille antiquité grecque ; de raffinement barbare, d’inconscient animal. Et un peu d’histoire de l’art, également.

 

1 « Voit-on beaucoup de peintres qui peignent comme de bon comme un sorcier Navajo […] ? », Yves Michaud, « Dimensions d’une oeuvre » in Viallat, une retrospective, cat. exp., Montpellier, musée Fabre, Somogy, 2014, p. 178.

2 Benjamin Fondane, poème inédit, [1934-1935], publié in Cahiers Benjamin Fondane, n°12, Tel Aviv, 2009, p. 9-10.

3 Claude Viallat in Pierre Wat, Claude Viallat, oeuvres, ecrits, entretiens, Paris, Éditions Hazan, 2006, p. 33.

4 Voir par exemple, Pierre Wat, ibid., et Bernard Ceysson, « le commentaire au défi » in Claude Viallat, cat. exp., Paris, Centre

Pompidou, 1982. Voir Matthieu Léglise, « La démesure des corps : Claude Viallat en ses taureaux », Viallat, Taureaux, Paris,

Éditions Ceysson, 2021, p. 348-356.

5 Voir Georges Didi-Huberman, La ressemblance par contact. Archeologie, anachronisme et modernite de l’empreinte, Paris, Les Éditions de Minuit, p.13.

Carré d’art de Nîmes, Place de la Maison Carrée. 30000 Nîmes. Téléphone : 04 66 76 35 70.

Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 18h. Samedi et dimanche de 10h à 18h30

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