Charlotte Moth, Un paysage arrondi & Pierrette Bloch (1928-2017)
Du 19 avril au 21 septembre 2025
Charlotte Moth A Rounded landscape / Un paysage arrondi
Pour sa prochaine exposition personnelle, sa première dans un musée en France, Charlotte Moth s’intéresse à la collection et à la rénovation du MAMC+. Telle une chercheuse menant une enquête de terrain depuis 2021, Charlotte Moth scrute les transformations du bâtiment, tout en cherchant dans ses entrailles que sont les réserves, quelques pépites ramenées à la vie.
Sa nouvelle série de photographies analogiques assemble ainsi des œuvres de la collection provenant d’espaces géographiques et culturels différents : design, art moderne et contemporain, artefacts, objets extra-occidentaux. Sur des images au papier mat, dans des fondus de gris subtils, une sculpture de moine du 16ᵉ siècle dialogue ainsi le plus naturellement possible avec une sculpture de Sol LeWitt ; comme une lampe du designer Ugo La Pietra voisine tout aussi logiquement avec une poupée de bois du Ghana. Avec une poésie certaine, ces duos inattendus remettent en question les canons fixes de l’histoire de l’art tout en offrant de nouvelles lectures imaginaires.
La première partie de l’exposition, phénoménologique, semble mettre en condition le visiteur. Une confrontation directe à l’espace (en miroir), à la couleur (bleue), aux matériaux (plumes) et à des formes primaires (le cône) invite à expérimenter physiquement certains sens nécessaires à l’impression cognitive de la suite du parcours.
La deuxième salle s’ouvre sur un paysage sculptural. Une forêt de structures métalliques dessine dans l’espace des circuits verticaux et horizontaux sur lesquels se détachent ici et là des photographies. Les vues de l’architecture du musée en rénovation, depuis son évidement, sa destruction et jusqu’à sa progressive remise en forme, en nouvelle peau, côtoient une trentaine de couples d’œuvres de la collection en noir et blanc, tels les habitants immuables d’un monde en constante évolution. Les images spatialisées apparaissent au fil du parcours du visiteur, en alternance avec des papiers et verres de couleur, renforçant leur théâtralité.
Un script mis à la disposition du public apporte une résonance littéraire aux rapprochements formels imaginés par l’artiste. Sous une forme poétique, Charlotte Moth raconte, décrit, associe, interprète à sa manière les œuvres de la collection, grâce aux informations, parfois parcellaires, collectées dans les archives. Les textes du script, lus lors de performances régulières dans l’espace d’exposition, trouveront un autre écho dans la voix de comédiens.
La dernière salle, baignée de lumière lilas, présente un film 16 mm en boucle, où l’on voit la chute incessante de plumes au poids mystérieux. Plus loin, des costumes hauts en couleurs attendent leurs interprètes pour un prochain récital.
Le « paysage arrondi » proposé par Charlotte Moth sur 600 m² est une forme d’alchimie des œuvres, des territoires, des périodes, des matériaux et des pratiques. Il envisage la collection comme un tout et le musée comme d’infinies rencontres entre objets. L’exposition est une promenade intérieure, hors du temps, où les œuvres se dévoilent pour elles-mêmes, autrement.
Pierrette Bloch (1928-2017)
Cette première rétrospective en France de l’artiste Pierrette Bloch (1928-2017) permettra de découvrir son cheminement créatif en retraçant près de 70 ans de pratique, avec deux cents œuvres déployées sur plus de 1000 m².
Elle vise à replacer Pierrette Bloch au cœur des enjeux de la peinture et de sa déconstruction dès les années 1960, au sein d’une scène française qui l’a trop souvent reléguée aux travaux textiles (mailles et crins) volontiers associés à une pratique féminine, ou au dessin, longtemps considéré comme un art mineur. Or, l’œuvre brille par ses qualités d’obstination, de rigueur ou d’audace et sa quête acharnée en matière de systèmes et de protocoles créatifs résonne avec de nombreux courants artistiques qui font la notoriété du musée.
S’ouvrant sur ses débuts de peintre abstraite dans les années 1950 et 1960, l’exposition dévoile ensuite ses premiers collages et marouflages. Répétant sa touche à l’infini, ses suites de lignes et de ruptures invitent à considérer son œuvre des années 1970 et 1980 entre ordre et désordre. Prenant forme à distance du mur, ses mailles et ses lignes de crin donnent à voir le jeu du relief et de l’ombre, ouvrant l’œuvre de Pierrette Bloch vers la sculpture et, plus généralement, vers une peinture par d’autres moyens.
Un chapitre sur l’écriture met en relation ses entrelacs, ses boucles et ses lignes d’encre, avant de présenter l’œuvre ultime, décousue, entre subtiles variations de supports, touches presque invisibles et disparition des signes sur le papier.
Un parcours en sept parties permettra au spectateur d’envisager l’œuvre de Pierrette Bloch dans son intégralité, tout en comprenant les liens qu’elle a tissés avec son époque et ses contemporains. L’exposition se poursuit avec des œuvres de la collection personnelle de Pierrette Bloch et par une dizaine de peintures issues de la collection du MAMC+ réalisées par des artistes proches d’elle et aux recherches parentes des siennes en matière de déconstruction, de sérialité et de répétition de formes.
Citons en particulier les membres associés de près ou de loin à la mouvance Supports/Surfaces (Claude Viallat, Pierre Buraglio, etc.), la peinture radicale de Michel Parmentier et de Jean-Michel Meurice, et tout spécialement enfin Pierre Soulages, dont elle fut complice une vie durant et l’amie la plus proche.
Cette rétrospective, qui rassemble des œuvres des collections publiques françaises, de nombreuses collections privées européennes et du fonds majeur de l’atelier, sera l’occasion exceptionnelle de dévoiler une centaine d’oeuvres inédites de l’artiste.
Musée d Art Moderne Saint Etienne, Rue Fernand Léger – 42270 Saint-Priest-en-Jarez
Tél. : 04 77 79 52 52
- Arts Plastiques, Installation
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