Daniel Dezeuze – Œuvres récentes 2000-25
Du 29 novembre 2025 au 8 mars 2026
« Je communie avec le début du Monde car je porte une poussière de ce début en moi. Poussière lumineuse parmi les poussières qui me constituent. » Daniel Dezeuze, « Journal au bord de l’eau », p 154
Le musée Paul Valéry est largement associé à la question de la figuration notamment à travers le mouvement de la Figuration libre qui a marqué durablement la communauté artistique sétoise En présentant les dernières créations de Daniel Dezeuze, le musée prend la question à rebrousse-poil et constate que la peinture peut échapper au format attendu du tableau, qu’elle n’est pas toujours une image, qu’elle peut se détourner de la question de la représentation pour s’approcher d’une forme de construction
Après l’exposition À portée de main en 2008, le musée Paul Valéry de Sète – où vit et travaille Daniel Dezeuze – présente ses œuvres du XXIe siècle L’artiste n’a cessé, depuis sa participation au mouvement Supports/Surfaces dans les années 1970, d’interroger les éléments constitutifs de la peinture et de la création artistique À partir des matériaux les plus simples et les plus divers, des matériaux détournés aux assemblages de rebuts, l’artiste renouvelle les objets d’une curiosité toujours intacte et forge des œuvres troublantes, une poésie contemporaine de la fragilité
Les œuvres des vingt-cinq dernières années de sa carrière prolongent les pistes ouvertes dans les décennies précédentes et chaque série inaugure une nouvelle possibilité de faire de la peinture sans en fixer aucune de façon définitive. Quelques fils rouges semblent tisser une trame à cet œuvre multiforme et pourtant cohérent L’esprit d’expérimentation plastique allié à une solide analyse théorique amène l’artiste à déconstruire et reconstruire en permanence les attendus de la peinture dans une approche sérielle et processuelle, même après la fin des avant-gardes.
Un humour émerge aussi avec délicatesse, dans certaines formes plastiques autant que dans les titres Ces derniers posent plus souvent une énigme qu’ils n’explicitent l’œuvre, cherchent peut-être à rendre le regardeur complice de l’artiste et surtout mettent en échec toute interprétation dogmatique Portée par une sensibilité d’ordre anthropologique, nourrie de la rencontre avec d’autres cultures et d’autres temporalités, s’affirme une exigence de décentrement : il s’agit de faire un pas de côté, d’adopter une position marginale, fragile, d’où peut surgir une poésie singulière, parfois même une méditation sur la vie, le vide et l’impermanence
Chaque œuvre se tient dans la tension entre ces pôles, sans jamais se laisser réduire à l’un ou à l’autre Cette indétermination, loin d’être un défaut, constitue au contraire le cœur d’une pratique revendiquant la liberté comme principe fondateur.
Sous le commissariat de Camille Bertrand-Hardy, directrice du pôle des musées de Sète et Stéphane Tarroux, commissaire scientifique associé
Cette exposition, qui fait suite à À portée de main, présentée en 2008 au musée Paul Valéry, se concentre sur les œuvres du XXIe siècle, révélant à la fois la cohérence et la vitalité d’une démarche en perpétuelle réinvention. Le parcours met en lumière la diversité des médiums employés et l’extraordinaire inventivité d’un artiste qui refuse la répétition pour privilégier la recherche et le déplacement du regard.
Les visiteurs découvriront plusieurs ensembles emblématiques :
- Peintures qui perlent : des toiles où la goutte de peinture devient volume autonome. Ces cabochons de plastique, qui semblent perler à la surface ou au-delà de celle-ci, interrogent la planéité du support et introduisent une dimension sculpturale inattendue.
- Dyptiques : inspirés des rouleaux de la peinture chinoise, ces œuvres associent deux formes verticales – l’une ajourée, l’autre modulée par la couleur – afin de déjouer l’orthogonalité stricte héritée du minimalisme américain.
- Tableaux-écrans : dans un contexte saturé d’écrans numériques, ces œuvres questionnent le rôle de la peinture comme première surface de projection, celle du regard, du récit et de l’émotion.
- Tableaux-valises : objets hybrides, ajourés ou évidés, ils évoquent la mobilité, le transport, et prolongent le jeu de l’artiste sur le langage, la métaphore et l’ambiguïté visuelle.
- Boucliers et blasons : formes symboliques et archaïques, elles deviennent prétextes à de nouvelles compositions où variations chromatiques, croisillons et structures géométriques construisent une grammaire plastique singulière.
- Mayas : composés de matériaux de récupération magnifiés par des coloris verts et bleus, ces tableaux panoramiques évoquent la densité de la jungle et trahissent une émotion devant le paysage dont l’expression est rare dans l’œuvre de l’artiste.
- Grandes calligraphies : l’assemblage des skis surgit du vide et se déploie sur le mur, à l’image du pinceau qui inscrit son trait vif sur la page blanche.
En donnant à voir ces séries, le musée propose au public un parcours où la peinture, tout en étant allégée de son cadre et de sa surface traditionnelle, continue de s’affirmer comme un espace d’invention, de tension et de poésie.
Musée Paul Valéry, Rue François Desnoyer, 34200 Sète Tél : 04 99 04 76 16
- Arts Plastiques
- - Publié le
- Philippe Cadu


