Maurane Leder, Lilie Pinot & Pauline Zenk – En nage indienne
Du 15 juillet au 15 septembre 2023 – Vernissage vendredi 14 juillet à partir de 18h
En nage indienne ou en brasse coulée
A la surface, je vais te hisser
Oh, serre-moi fort, si ton corps se fait plus léger
Nous pourrons remonter
La route de perles fines de corail
Hérissée d’embûches et d’écailles
Tu fais de moi le champion du plongeon
Extrait des paroles de la chanson La Nage Indienne par Etienne Daho
«La manière dont s’organise la perception sensible – le médium par lequel il se produit – n’est pas seulement conditionné par la nature, mais également par l’histoire. »
Walter Benjamin
Pour sa deuxième exposition d’été, la Nouvelle Galerie invite Maurane Leder, Lilie Pinot & Pauline Zenk à poursuivre un récit autour de l’image et de l’archive.
Prenant pour prétexte l’été, ces trois artistes nous convient en bord de piscines. Leurs regards sur les activités récréatives ou sportives sont sous-tendus par deux lignes de force : l’action politique qui favorise l’insertion du sport dans une vision globale et hygiéniste de l’organisation urbaine et l’hédonisme procuré par les vacances, l’eau, le soleil, les loisirs, la détente…
Si le document, l’archive, le vestige photographique sont les premiers points de rencontre entre les travaux de ces artistes, il apparait assez vite que chacune puise dans des sources différentes.
Ainsi, l’album de famille pour Maurane Leder, les archives publiques pour Lilie Pinot & Pauline Zenk.,
« Lilie Pinot et Pauline Zenk travaillent de manière indépendante avec des médiums propres à chacune. Toutes deux, souvent étroitement liées par l’esthétique, déclinent une atmosphère où les même items sont abordés : la mémoire, l’oubli et la perte. Alors que Lilie Pinot, photographe plasticienne, travaille dans le champ de l’image analogique expérimentale, la peinture de Pauline Zenk se lit et résonne telle de la photographie. Après leur rencontre à Toulouse en 2016, elles démarrent ensemble une expérience de correspondances autour de leurs médiums de prédilection. Il est vrai que la peinture et la photographie n’ont jamais été aussi proches aujourd’hui : la photographie se retrouve libérée devant l’image en mouvement, comme le fut la peinture à la création de la photographie”. Extrait de “Lichtung”, 2018, Karine Mathieu, directrice de Memento, Auch
Maurane Leder est une jeune peintre diplômée de l’ISDAT en 2022. Elle puise ses recherches picturales dans la photographie amateur. Particulièrement celle qui fixe les loisirs, la détente, les vacances. Un sentiment de bonheur, révélé par des corps enlacés, baignés de soleil, se dégage de ses peintures et confère un certain hédonisme à ses oeuvres. Le mouvement des corps, la transparence de l’eau sont des motifs qui permettent à l’artiste d’exprimer les cinq sens.
Cette exposition a été pensé en écho à l’été photographique de Lectoure dont le commissariat est confié à Damarice Amao, attachée de conservation au Centre Pompidou, MNAM. Cette édition inclue dans son parcours une étape dans la piscine municipale de Lectoure. L’inauguration de l’été photographique est prévue le 15 juillet.
Commissariat, Valérie Mazouin
Maurane Leder
La pratique de Maurane débute par l’observation d’images argentiques, issues d’archives familiales collectées. L’ordinaire et l’intimité de ces instants de vie passés sont au centre de son attention. Dans une époque où les images prédominent sans qu’on les interroge, la peinture fait sens. Les peindre, c’est en prendre soin et les questionner. Livrer une charge nouvelle à ces images flottantes est une manière de reconsidérer le banal et la beauté intemporelle qu’elles figurent, d’approcher de plus près l’intensité et la fragilité d’instants qui n’ont lieu d’exister qu’une fois.
Ses toiles se rassemblent par l’attention mise sur le cadrage, concentrant l’intensité d’une action et de sa composition tout en la décontextualisant. Cette mise en scène du regard, positionne le spectateur comme observateur extérieur, parfois voyeur, face à des personnages ne se sachant pas observés. C’est une façon d’interroger sa propre position, celle de posséder et de contempler ces images appartenant au passé.
Les visages sont absents, mais le corps et les gestes parlent. Corps alangui, libre, impudique ou en attente, ils permettent d’interroger des sentiments et des sensations, d’appréhender le monde, qu’il soit réel ou espace pictural. Ces corps et temporalités différentes se retrouvent alors exposés dans un même espace-temps, pour dialoguer et s’activer les uns avec les autres.
Une rencontre s’opère entre ces instants de vie que le temps délaisse et la réminiscence de son propre vécu. En effet, Maurane a mis en place un protocole simple lui permettant d’effacer les qualités photographiques des images choisies. Elles sont recadrées, mise en noir et blanc si elles ne le sont pas déjà, puis imprimé sur un papier imprimante de qualité pauvre. Cette feuille l’accompagne le temps de la peinture, elle en épuise le contenu jusqu’à s’en détacher complètement. Elle cherche à affaiblir, appauvrir une image pour en faire naître une autre par le biais de la peinture.
Ce manque d’informations, fait alors appel à des souvenirs, à des matières, des nuances et des sensations vécues, donnant forme à des scènes baignées d’une lumière irréelle. Cette recherche constante d’impression sensorielle de la lumière l’entraine à jouer avec la transparence de la matière et de la force des couleurs. Un travail de sous-couches donne la sensation d’une lumière sous-jacente dans ses toiles. Une lumière parfois fragile réside, vibre sous la peau et ne s’éteint pas. La peinture elle aussi a une mémoire, celle de garder les traces du temps qui ont permis d’aboutir à ce qu’elles sont.
Lilie Pinot & Pauline Zenk
Lilie Pinot est une photographe plasticienne, née en 1985, diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie à Arles en 2011. Depuis plus de 10 ans, elle couvre les manifestations, en tant que militante ou sympathisante, capturant années après années de multiples formes de révoltes, de violences, composant ainsi un corpus d’images dont elle a extrait les dernières prises de vue, des photographies faites lors de rassemblements de gilets jaunes.
Ces images sont le point de départ d’une réflexion sur la question de l’esthétisation de la violence et des symboles révolutionnaires, de révoltes, ouvrant une recherche sur les luttes et révolutions qui ont marqué notre histoire : elle remonte ainsi jusqu’au 25 juin 1848, Rue Saint-Maur à Paris, avec un daguerréotype d’Eugène Thibault ou encore à mai 68 et les clichés d’André Cros.
Ses travaux sont empreints d’une réflexion autour de l’usage de la photographie, d’une expérimentation de ses contraintes, de la trace et de l’utilisation d’archives photographiques, qu’elles soient publiques ou personnelles. Son processus de création d’image nait d’un rapport intime avec la matière via la réalisation de transfert photographique sur papier, sur toile ou encore sur cire.
Depuis 2015, elle entame une collaboration avec Pauline Zenk, peintre, et mènent à 4 mains un dialogue entre la photographie et la peinture par le biais de thématiques historiques, de réflexions plastiques et théoriques entre les deux médiums, en utilisant des images d’archives.
Pauline Zenk est née en 1984 à Marburg (Allemagne), elle vit et travaille entre Toulouse et Berlin, a étudié à l’Académie Muthesius à Kiel en Allemagne puis à la Gerrit Rietveld Académie aux Pays Bas. S’appropriant des images provenant d’archives publiques ou privées, parfois collectées sur Internet, sa peinture ouvre un dialogue fertile avec la photographie pour mettre en lumière des images enfouies dans la mémoire collective.
En 2022, Lilie Pinot découvre les archives de la construction de la piscine Nakache à Toulouse, projet adopté par la municipalité socialiste en 1931. L’ensemble comprend notamment trois bassins d’été – la piscine d’hygiène, la piscine enfantine et la piscine sportive-. Elle s’intéresse alors à la politique du sport, impulsée par l’Etat dans les années 1930 : en 1928, pour la première fois, un secrétariat d’Etat à part entière est rattaché au ministère de l’Instruction publique. Sous le Front Populaire, une politique de démocratisation du sport et des loisirs se développe jusqu’à la généralisation des congés payés.
C’est en 1936 également que Nakache participe avec de l’équipe de France de natation aux Jeux olympiques de Berlin. Déchu de sa nationalité et de son poste de professeur par le régime de Vichy en 1940, il rejoint la France libre et se réfugie à Toulouse (Haute-Garonne) avec sa famille.
Ensemble, avec Pauline Zenk, elles travaillent sur une nouvelle série, intitulée «le scintillement du papillon», à partir de ces images conservées aux archives Munipales
de Toulouse.
Outre sa qualité visuelle et esthétique évidente – la pierre éclairée par le soleil, les reflets sur la surface de l’eau bleu vif -, la piscine en tant que telle illustre un arrêt sur le temps, un espace suspendu. Le scintillement du papillon est une référence à Alfred Nakache, détenteur du record du monde du 200 m brasse papillon en 1941 mais également au scintillement de l’eau et des papillons laissés par les enfants, par jeu, en allongeant leurs corps mouillées et bougeant leurs bras sur les pierres.
La_nouvelle galerie, 15, place de la Halle 32430 Cologne(Gers) Plan d’accès
Tel : 06 15 11 19 09
- Arts Plastiques, Photographie
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