Galerie Remp Arts

J’ai commencé à me considérer “photographe” le jour où, grâce à une technique de prise de vues, je me suis aventuré à mettre en spectacle, sur un même support, un grand nombre d’images d’un même sujet. En développant ce concept, je me prévalais, sur un mode singulier, de montrer le monde tel qu’il était. 

Des années plus tard, mon travail m’a lentement mené, toujours grâce à des réalisations composites, à la conception d’œuvres qui, paradoxalement, dépeignent le plus souvent, le monde tel qu’il n’est pas. 

Depuis plus de vingt ans, je “prends des photos”, parfois beaucoup. À l’intention de mon épouse, tous les ans, je mets en page une sélection de clichés dans un album broché, tiré à un seul exemplaire. Pour elle et nos proches, c’est une belle occasion de se remémorer l’an écoulé et d’offrir un ancrage à nos souvenirs. 

Mais au-delà de leur fonction mémorielle, que faire de ce corpus d’images imposant, de ces nombreux instantanés que j’affectionne ? Comment leur allouer un rôle, une exposition à un plus large public ? Ces préoccupations, curieusement, sont sans doute, à l’origine de mon travail actuel. 

Je pris opportunément conscience que ces souvenirs photographiques constituaient également un inépuisable inventaire visuel de lieux, de vies, de couleurs, de matières et de formes. 

J’aspirais, dès lors, à concevoir une manière de faire bon usage de cette manne picturale. Grâce aux technologies du moment, j’expérimentais, très librement, à l’association d’éléments de cette large palette d’images. En peu de temps, au gré de combinaisons improbables, ces modestes fragments de mon inventaire photographique se métamorphosèrent en un spectacle chimérique et coloré, en visions impressionnistes attachantes. 

Mes premières tentatives, bien qu’attentivement composées et proches de l’abstraction, se sont souvent révélées un peu déroutantes. Pour mieux retenir les regards, je m’efforçais, peu à peu, d’y introduire des éléments plus lisibles, plus identifiables, toujours avec l’espoir que l’œuvre achevée soit plus évocatrice et plus éloquente que tous les éléments photographiques qui la composent. 

On distingue, immanquablement, un “terroir intime” dans les compositions de cette époque; elles permettent aussi à quiconque, inspiré par ses propres souvenirs et réminiscences, de réaliser une lecture propre et exclusive de l’œuvre. 

J’exposais, à ce moment, quelques-unes de ces réalisations à la galerie Remp-arts. 

Dans les années qui suivirent, toujours sur la même voie, je continuais à expérimenter. Quand vint la “pandémie”, je m’aventurais sur la toile à la recherche d’images et d’éléments graphiques, j’y effectuais des prélèvements qui se sont insinués à foison dans mes compositions. Je m’imposais diverses contraintes et m’essayais à multiples exercices de style. Cette série de compositions, moins figurative et bien éloignée des standards contemporains de la photographie, me laissait, rétrospectivement, une impression d’inachèvement. 

Avant de m’investir dans les arts graphiques, j’ai fait carrière dans la musique, puis comme cuisinier ; on me considère également comme un jardinier investi. L’ambition inhérente et fondamentale, propre à ces professions, outre le plaisir du partage, est de satisfaire ceux pour qui on l’exerce. Je pris conscience que, contre toute attente, je n’avais que peu priorisé 

cette exigence dans le cadre de mes récentes activités artistiques. Je devais donner un nouveau souffle à mon travail et rendre mes réalisations plus éloquentes et accessibles à tous. 

Sans perdre leurs caractères surréels et oniriques, mes compositions devaient désormais permettre une immersion rapide dans le cadre de l’image, l’identification instantanée d’un lieu ou d’une atmosphère. Je choisis également de retourner au format carré de mes débuts. 

Quand le temps de l’expérimentation s’acheva, je m’imposais également une nouvelle contrainte : celle de produire, quotidiennement pendant une année, une composition aussitôt publiée en ligne. De l’hiver 2023 au 28 février 2024 je réalisais près de 350 créations dont je reçus appréciations et commentaires au fur et à mesure de leurs parutions. 

C’est une sélection de ces images que je présenterais en 2025 ; quelques grands formats, jamais exposés auparavant, compléteront l’accrochage.

Techniques et réalisation : 

La conceptualisation de mon travail repose essentiellement sur des critères techniques : un format carré agrège une fusion d’images issues de mes archives et d’un spicilège de signes et d’éléments graphiques. L’incontournable “Photoshop” (dont je continue, après 35 ans d’utilisation, à découvrir les aptitudes) m’autorise la mise en scène de tous les composants de l’image. 

À une première image sélectionnée pour occuper le cadre, viennent s’intégrer plusieurs autres, qui structurent la composition en couches successives à mon gré et celui d’un fil narratif intuitif qui se déroule graduellement. 

Bizarrement, je pratique la photo avec la même approche que lorsque j’étais musicien ou cuisinier: fort d’une suite harmonique, je composais un arrangement ou une ligne mélodique; d’un garde-manger, je concevais un menu. D’une trame photographique, aujourd’hui, je crée, sans planifications particulières, un décor, par touches successives. Ces ajustements, souvent longs, se poursuivent jusqu’à ce que la scène me paraisse vivante et convaincante. 

La scénographie se doit d’être engageante et d’un accès visuel facile. La matière et les textures qui viennent voiler le décor sont irremplaçables pour influer sur l’ambiance qui se dégage de l’œuvre. Leur présence est aussi importante que le travail fait sur l’ornement et le détail. 

Je recherche souvent un élément qui, à lui seul, pourrait influer dramatiquement sur ce que perçoit le spectateur, L’utilisation de la surprise comme facteur poétique est une des récurrences de cette série de photomontages.