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Face aux déferlantes d’images, L’Edito de Louis Mesplé

« Face aux déferlantes d’images » Louis Mesplé

Que de photographies ! Des millions. Dans toutes les villes. En couleurs, en noir et blanc, en numérique, en argentique, anciennes, modernes, etc. En veux-tu? En voilà!

Déjà, à Arles, cet été, les 67 expositions, rien qu’officielles, de l’avis général, nous avaient embouteillé les yeux et je me demandai jusqu’où irait, d’année en année, le train des expositions. Jusqu’à la mer? Auquel cas, comme pour la pêche, faudra penser à mettre des quotas !

Et à Perpignan, où l’on pourrait dire que d’un Visa à l’autre, ce ne serait pas même pas la peine de changer les photos tant elles sont des milliers identiquement formatées. Le spectateur n’y verrai que du feu…et toujours du sang (à ce sujet lire l’analyse d’André Rouillé dans Parisart).

Restons sérieux. En fait, ces manifestations emblématiques du monde de la photographie, l’une tournée vers « l’art », l’autre vers l’information, ne font que suivre l’irrésistible inflation des images , entraînant sa consommation effrénée. Dans l’une comme dans l’autre, ce qui faisait le prestige et la raison d’existence de ces festivals: la pédagogie de la sélection, la hiérarchie des styles, les différences de point de vue se délayent dans la masse des clichés. Ajoutons à cela que ces adeptes du « toujours plus » ont de gros besoins financiers et sont de plus en plus dépendants des sponsors et partenaires qui, par les temps qui courent, voient en la photographie un sûr vecteur de leur marque ou de leur communication institutionnelle.

Cet été, en revenant de Lectoure, j’avais écrit qu’ « un autre festival photo est possible ». Je pourrai dire cela aussi de ManifestO, à Toulouse, qui allie une réflexion globale sur l’image à un dynamisme de recherche artistique; de ces petits festivals d’images documentaires qui poussent dans la campagne; par exemple celui de « l’Image engagée » à Bretenoux, (46) ou « Echos d’ici, échos d’ailleurs »à Labastide-Rouairoux (81), pour ne citer que des « régionaux ».

Garder l’œil ouvert, critique.

Devant les tsunamis d’images que nous déversent les réseaux du web, dont on voit mal la décroissance, devant les flots d’expositions partout ou un mur les accueille, devant les différentes formes technologiques et massives de leur production, et sans dénier à quiconque le droit d’en faire, il nous faut, à côté, des lieux rares, des critiques, des directions artistiques, et non des programmations soumises à la billetterie.

Car ce qui se joue avec l’image, qu’elle soit photographique ou autre, artistique ou informative, c’est aussi une question toute bête de démocratie. A force de mettre sous nos yeux, en flux tendus des images dont le statut n’est plus défini par leurs sens mais par la performance dans l’instantanéité de leur apparition et disparition, nous en perdons leurs significations, et tout finit par valoir tout . Non, tout ne vaut pas tout, et si nous ne pouvons, (et surtout ne voulons), arrêter la création et le témoignage par les images, fixe ou animées, nous devons, par des débats, des articles, des contributions et même des polémiques, afficher des pensées et des opinions sur ce qu’on nous propose.

Nous devons garder l’œil ouvert, critique. Joan Fontcuberta ou Antoni Muntadas, par des expressions visuelles multimédiatiques, esthétiquement ironiques ou radicales, démontent brillamment les stratégies globales de communications liés à ces flux.

A notre modeste place, localement, on n’est pas obligé d’applaudir parce que c’est un grand format bien propre, en couleur, lénifiant et édifiant, accroché sur un quai de Garonne…

Moholy-Nagy a écrit en 1928 cette phrase devenu célèbre grâce à Walter Benjamin:

« L’analphabète de demain ne sera pas celui qui ignore l’écriture, mais celui qui ignore la photographie.

Le problème c’est que personne aujourd’hui ne peut ignorer la photographie, mais de plus en plus de personnes ignorent l’écriture.

Louis Mesplé

 

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