Adrian Schindler – Tetuan, Tetuán, ناوطت
Du 29 novembre 2025 au 8 mars 2026 – Vernissage vendredi 28 novembre à 18h30
Adrian Schindler est un artiste franco-allemand. Après une décennie passée en Espagne, il s’est installé à Marseille début 2025. Ces dernières années, sa pratique a examiné les héritages fascistes et coloniaux européens, notamment à travers un prisme biographique, en se concentrant principalement sur l’Allemagne du Troisième Reich, et plus récemment sur le passé colonial de l’Espagne au Maroc.
Nourri des théories décoloniales et des études critiques de la blanchité, il cherche à développer une éthique des méthodologies de travail collaboratif. Il aborde les archives comme des outils performatifs, permettant d’interroger la manière dont le passé se manifeste dans les relations de pouvoir actuelles
Son exposition à Albi, Tetuan, Tetuán, تطوان , sera la première présentation publique de la trilogie filmique du même nom, développée par l’artiste entre 2019 et 2025. Avec ces trois films, Adrian Schindler examine les traces que le passé colonial au Maroc a laissées dans la société espagnole à travers une méthodologie collaborative expérimentale, abordant aussi bien la production culturelle et l’espace public que l’imaginaire collectif.
Développés dans trois villes en dialogue avec des agents culturel.le.s marocain.e.s et espagnol.e.s, les différents chapitres explorent des stratégies narratives pour resignifier des lieux tels que la Plaça de Tetuan à Barcelone, le quartier de Tetuán de las Victorias à Madrid ou le Teatro Cine « Español » dans la ville même de Tétouan au Maroc.
Ponctué de lectures, de chansons, de conversations informelles et de scènes de fiction au pied de monuments, dans des cafés et des musées, le projet soutient l’idée que l’oralité offre une résistance aux discours hégémoniques et favorise l’émergence d’autres imaginaires.
Le premier chapitre de la trilogie, réalisé à Barcelone en 2021, se concentre sur l’implication de la représentation dans les relations de pouvoir et la persistance de l’iconographie coloniale dans la production audiovisuelle actuelle. À proximité de monuments, deux acteurs, une chanteuse et une chercheuse partagent leurs expériences avec le cinéma et la télévision autour d’un café.
Une activiste parcourt les salles orientalistes du Museu Nacional d’Art de Catalunya et s’interroge sur la distribution des rôles et les mécanismes du film lui-même. Et un hlaiqui – un conteur traditionnel marocain – rassemble l’équipe sur la Plaça de Tetuan et raconte les trajectoires légendaires de deux femmes marocaines qui ont affronté les colons et leurs vassaux, rompant avec les stéréotypes et les récits canoniques.
Le second chapitre a été tourné à Madrid en 2023. Lors de la dernière nuit de tournage, un groupe de chanteuses, de DJ et d’animatrices de radio se réunit à la Taverne Mozarabe de Madrid. Tandis que Juan et Othmane passent de vieux disques et cassettes de la région du Rif, les protagonistes échangent sur leur héritage marocain et amazigh, sur le rôle que la musique a joué dans les mouvements de libération et sur leur expérience au cours des jours de tournage précédents.
Alors que le film transpose la mémoire d’événements historiques du nord du Maroc à l’actualité de la capitale espagnole, nous suivons Fátima, Huda, Ikram et Ibrahim qui performent dans les rues du quartier de Tetuán, devant un monument ou dans un parking souterrain.
Ponctués par la dernière émission de la Guardia Mora et par des moments de rire et de danse dans la taverne, leurs chansons, poèmes et spoken words mettent en lumière l’héritage colonial occulté de la ville et célèbrent que le moment est venu pour leur génération de forger de nouveaux récits.
Le troisième chapitre de la trilogie a été tourné en septembre 2024 à Tétouan. Il représente l’aboutissement de nombreux séjours dans le nord du Maroc depuis 2019. C’est probablement le chapitre qui présente le plus grand enjeu conceptuel, puisque tourner au Maroc implique de prendre en compte l’héritage du cinéma ethnographique espagnol, qui allait de pair avec l’expansion coloniale.
Par conséquent, le choix a été fait de ne pas tourner dans l’espace public, à la différence des chapitres précédents. Le tournage a eu lieu exclusivement à l’intérieur d’un bâtiment emblématique du Protectorat, le Théâtre Cinéma « Español » construit en 1923. En guise d’épilogue de la trilogie, le film réunit des participant.e.s des étapes précédentes et des agent.e.s culturel.le.s de Tétouan, dialoguant symboliquement avec les fantômes du projet culturel colonial dans l’un de ses vestiges.
Après avoir analysé des œuvres d’art, des monuments et des chansons dans les deux premiers chapitres, le troisième se penche sur des pièces de théâtre nationalistes marocaines des années 1930 au moyen du « reenactment », de la mise en abyme et de débats en marge des répétitions. En interrogeant la fonction centrale que ces œuvres ont joué pour le mouvement d’indépendance,
Adrian Schindler explore la relation complexe qui lie production artistique, idéologie et création de récits émancipateurs, dans le passé comme aujourd’hui.
En parallèle de ces trois films, l’exposition réunit un ensemble de documents d’archives, d’images et de projets menés durant la même période, qui permettent de contextualiser cette recherche et d’ouvrir la réflexion et les problématiques soulevées au-delà des seuls contextes espagnol et marocain.
Centre d’art le Lait, 5 rue de l’École Normale 81000 Albi Tél : 09 63 03 98 84
Du mercredi au dimanche, de 13h30 à 18h30
- Installation, Vidéo
- - Publié le
- Philippe Cadu


