Carré d’art Louis-Jeanjean

Aurélia Gritte

Comment une petite poignée d’individus peuvent imposer leurs réalités au reste du monde ? À cette question, la série d’œuvres que j’ai choisi d’exposer y répond par les figures de rapaces disséminés entre les tableaux, vautours cruels et charognards avides de désosser nos corps de la chair qui en fait toute l’humanité, ou sentinelles narquoises assistant à nos derniers jours.

Il sera donc question d’oiseaux mais pas que…des poulpes, poissons mutants, invisibles hurlant, cintres, cartons….

À travers les différents supports et techniques issus du travail de la peinture, de la laque, de la linogravure ou du dessin d’illustration, les créations d’Aurélia Gritte prennent source aussi bien dans les courants asiatiques que dans l’art contemporain.

Elle y pose ses révoltes aux formes chaotiques en une géométrie maîtrisée qui s’ordonne tout en force et en netteté. Rien d’évident ni de choquant dans ses traitements graphiques dont la symbolique invite le spectateur à s’interroger et à rechercher au-delà de l’effet esthétique, le message.

Le thème choisi se décline en série, pour questionner, non sans dérision, l’actualité et les sujets de société, dans la conviction que ce qui importe n’est pas ce qui se fait dans l’instant, mais ce qui en reste et se laisse en héritage.

À la fois témoins et victimes des dérives de notre temps, la multitude de petits personnages fantomatiques qui s’introduisent subrepticement dans ses images figure la horde pacifique des invisibles habitant notre présent et le monde qu’il contient en germe.

Nadine Vergues

Née en 1957 au pied du Larzac, j’ai grandi dans un environnement rural où la matière et le toucher faisaient partie intégrante de mon quotidienne.

À 16 ans, j’ai intégré les Beaux-Arts de Sète, puis ceux de Toulouse, où j’ai développé un intérêt particulier pour les matériaux bruts et les formes libres.

Après des années où la vie m’a portée vers d’autres priorités, il y a une vingtaine d’années, un choc plastique a marqué un tournant décisif dans ma carrière : la découverte du feutre industriel, un matériau rudimentaire issu du recyclage plastique. Ce jour-là, j’ai compris que j’étais sculpteur.

Depuis, ce feutre est devenu mon matériau de prédilection. J’ai inventé et développé une, voire plusieurs techniques pour le travailler : je brûle, découpe, altère et façonne en détournant des outils, du fer et du bois.

Chaque geste raconte une histoire, donnant naissance à des œuvres où l’apparence devient un terrain de réflexion.

J’explore l’identité et la dualité humaine.

Les émotions, les sentiments, les différentes personnalités et les multiples rôles qu’on est amenés à jouer dans la vie.

Je voyage entre l’ordre et le chaos, entre le rationnel et l’émotionnel que l’on porte au plus profond de soi et dans toutes ces contradictions qui forment l’individu.

Au travers de mes pièces, je pose des questions sur la nature de notre propre authenticité et le masque social que l’on porte.

Mon travail est une invitation à considérer les aspects cachés de l’âme.

Un rappel que l’être humain est une somme de parties souvent incohérentes, mais inextricablement liées.

Le choix du feutre recyclé comme medium principal n’est pas uniquement un acte artistique, c’est aussi un parti-pris sur la réutilisation et la transformation, parce que j’aime l’idée que la beauté et l’émotion peuvent émerger aussi dans ce qui a été délaissé, abandonné et ruiné.

Je questionne ainsi la valeur que nous attribuons aux matériaux.