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Patrick Rollier - «Arménie, année zéro» - Aix

Patrick Rollier – « Arménie, année zéro »

Du 22 février au 18 mars 2023 – Vernissage samedi 4 mars à 9h45

Tout a commencé un dimanche à la campagne, autour d’un déjeuner familial réunissant plusieurs générations, dans le jardin de l’un des oncles de Loucineh qui m’avait invité à partager son plaisir de revoir tous les siens après une année d’études à Paris. La famille était presque au complet et heureuse de se retrouver en cette belle journée d’été. Ne manquaient que quelques hommes contraints de travailler à l’étranger faute d’emplois sur place. Bien que ne parlant ni arménien, ni russe, j’ai tout de suite trouvé ma place. Était-ce la nostalgie des ambiances de mon enfance ? Les verres de vodka maison, chacun accompagné d’un toast à l’amitié ? Loucineh traduisait pour moi les questions de son père, de son grand-père, de ses oncles, et je ressentis tout de suite une proximité avec eux, une empathie autour de valeurs communes, malgré un contexte que je pressentais difficile.

Quelques mois plus tard, je décidais d’entreprendre un travail photographique en Arménie, qui s’est traduit par 8 voyages entre octobre 2015 et janvier 2018, soit 6 mois sur place, pendant lesquels j’ai été à la rencontre des Arméniens et des Arméniennes, accompagné d’Hermineh en tant qu’interprète.

Mais Hermineh s’est révélée être bien davantage qu’une simple traductrice : elle s’est d’emblée identifiée à ce projet évoquant l’histoire de sa génération. Hermineh est née le 1er décembre 1988, à Gumri, où elle a échappé par miracle au tremblement de terre qui a détruit la ville et la maternité qu’elle avait quittée la veille. Revenaient sans cesse dans les discussions trois bouleversements qui marquèrent l’année 1988, entraînant une rupture dans l’histoire de l’Arménie contemporaine, et donc dans la vie des Arméniens. C’est cette triple rupture qui caractérise les « années noires », ou bien les « années sombres et froides » dont nous ont parlé toutes les personnes rencontrées.

Le premier événement est la guerre avec la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan, autour du Haut Karabakh, région peuplée majoritairement d’Arméniens, mais située en République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. Les premier pogroms anti-arméniens à Soumgaït, puis à Bakou, ont eu lieu en 1988, avec pour conséquence l’exil des populations arméniennes d’Azerbaïdjan venues se réfugier en Arménie. Le conflit s’est embrasé, les Azéris ont à leur tour quitté l’Arménie, et la guerre s’est durablement installée, jusqu’à maintenant, entre les deux ex-républiques soviétiques, désormais indépendantes.

La même année, le 7 décembre 1988, un tremblement de terre détruisit la seconde ville du pays, sa capitale culturelle, Gumri, faisant 30 000 morts et près de 500 000 sans-abris.

Enfin, le dernier bouleversement intervint avec les prémices de la chute de l’URSS et les premières années de l’indépendance. Toutes les familles arméniennes ont été affectées par ces bouleversements qui, pour certaines, se sont cumulés. C’est apparu très nettement dès nos premières rencontres. Les habitants de la région de Gumri se sont retrouvés dans des baraques d’urgence (les domiks). Les réfugiés venant de Bakou ont atterri dans de petits villages isolés de la campagne. La chute de l’URSS a entraîné, souvent du jour au lendemain, la fermeture des usines et des kolkhozes qui participaient à la grande économie planifiée de l’Union soviétique. Pour tous, la vie s’est brusquement arrêtée, comme suspendue, ainsi qu’en témoigne Alexan : Pour nous la vie a été différente avant et après le tremblement de terre.

Quand quelqu’un te raconte quelque chose, tu demandes : c’était avant ou après le tremblement de terre ? Toute la vie a changé en quelques secondes. Et dans toute l’Arménie c’est la même chose : par exemple à Erevan le zéro est arrivé avec l’indépendance, mais à Gumri notre zéro c’est le tremblement de terre.

Chacune de ces catastrophes a déclenché des situations de survie, puis des tentatives de reconstruction, difficiles, selon des rythmes variables, dans une profonde résilience. C’est de cela dont les personnes et les familles rencontrées nous ont parlé : de leurs difficultés passées et souvent encore présentes, de leurs choix individuels et familiaux, parfois malheureux, d’autres fois plus heureux, de leurs sacrifices pour que leurs enfants puissent continuer à étudier malgré l’enchaînement des drames.

Car la vie continue malgré tout et il faut bien faire face, tenter de s’adapter en dépit des circonstances éprouvantes mais « elle est plus difficile aujourd’hui qu’hier » D’où ce sentiment de nostalgie éprouvé par ceux et celles qui ont connu le temps d’avant, un temps certes sous influence soviétique, où les libertés étaient réduites, mais où « on vivait mieux ».

J’ai été profondément ému par toutes ces histoires personnelles dans lesquelles s’imbrique l’histoire de l’Arménie.

Avec cette exposition, avec ce livre, ARMÉNIE, année zéro, j’ai voulu partager des bribes de l’histoire des Arméniennes et des Arméniens qui m’ont ouvert leur porte, leur coeur.

Biographie

Patrick ROLLIER a toujours pratiqué la photographie. Voyageur, marcheur, sa pratique s’inscrit dans le temps long des rencontres. Ses échanges avec Claudine Doury ont été un moment clé dans sa décision de partager son travail sur l’Arménie. Ce travail lui a permis de consolider son écriture photographique et d’inscrire sa démarche dans une temporalité longue, humaine et respectueuse.

Depuis 2019, il partage son temps entre photographie et éditions, il a créé et dirige les Éditions d’une rive à l’autre.

La Fontaine Obscure Espace photographique – 24 Av Henri Poncet – 13090 Aix-en-Provence

Du mardi au vendredi de 15h à 19h et le samedi de 10h à 12h

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