Katinka Bock – Silver
Du 1er juillet 2023 au 7 janvier 2024 – Vernissage vendredi 30 juin à 18h30
Les sculptures de Katinka Bock, en céramique, pierre, bois ou métal entretiennent des liens profonds avec les sites dans lesquels elle expose, l’architecture du lieu qui l’accueille ou même parfois le contexte culturel, historique ou social d’une ville.
Lorsqu’elle visite pour la première fois le lieu où elle va exposer, elle « prend la température » de l’espace, observe sa forme, l’articulation des salles entre elles, la circulation de la lumière et des fluides du bâtiment, mais également la manière dont celui-ci s’inscrit dans un quartier, une ville, quels usages en font les personnes qui le traversent ou l’habitent. Comment il est « travaillé », de l’intérieur et de l’extérieur.
À Sète, Katinka Bock s’est intéressée à l’omniprésence de l’eau. La mer d’un côté, l’étang de l’autre, les canaux qui structurent la ville imprègnent profondément l’imaginaire et la culture. Le nouveau film produit pour l’exposition, tourné sur les plages et les canaux de Sète, consiste en un montage de plans tournés avec sa caméra Super8, comme une série de notes visuelles. La ville est filmée depuis les canaux, et donne la sensation d’être toujours vue « du bord ». Une notion chère à l’artiste dont les sculptures matérialisent la question du seuil, de la limite, de la distance entre les objets, entre les corps et les espaces.
Elle soulève aussi la question de savoir ce qui nous relie, ce qui nous tient ensemble ou nous sépare.
Les notions de mesure et de corps sont présentes dans l’exposition, comme c’est le cas avec une œuvre intitulée Horizontal Alphabet, constituée d’un ensemble de plusieurs centaines de briques en terre cuite posées au sol. La taille de chaque brique est donnée par la mesure de la main et du pied de plusieurs centaines de personnes ayant accepté de participer au projet. Le pouce, la coudée, le pied sont autant de systèmes de référence dont le langage a gardé la trace. L’écart entre la singularité de chaque corps et l’objectivité mathématique des outils de mesure trouve dans cette œuvre une traduction puissante.
C’est le cas également de One Meter Space : l’artiste demande à plusieurs personnes de lui montrer avec les mains à quoi correspond un mètre, prend les mesures avec une corde et fait un nœud entre chaque. Le résultat est une fine corde de cent mètres où chaque distance est différente. La mesure de chacun.e est toujours en relation avec la mesure d’un.e autre. Dans l’expression « se mesurer à quelqu’un » on retrouve la mise en tension qui peut exister dans le face à face avec cet autre.
Certaines figures de corps en armure sont apparues récemment dans le travail de Katinka Bock, ainsi que certains objets comme les cuillères, les fourches ou les lances qui sont autant de prolongement de la main et du corps. Un corps en lutte ou en position de défense. Un corps qui s’arme.
Le parcours et l’accrochage proposé par Katinka Bock au Crac est un travail d’articulation minutieux des œuvres dans l’ensemble des salles, une écriture visuelle, structurée par différentes phrases. Le langage est très présent chez elle, comme l’attestent les titres des œuvres. Le titre de l’exposition lui-même donne un aperçu de la richesse polysémique qui traverse son travail.
Silver c’est à la fois pour l’artiste le nom d’un pirate dans L’Île au trésor de Stevenson, le reflet argenté du soleil sur la mer, la photographie argentique, le gris métallique d’une architecture industrielle, les dessins muraux de Sol Lewit réalisés au graphite ou encore les cheveux qui grisonnent avec l’âge. Un personnage, une matière, une lumière ou une transformation du corps, Silver est tout cela à la fois. Et c’est cette circulation poétique entre des objets, des images et des corps que l’on retrouve dans l’exposition.
Il est souvent question de disparition, d’absence, de lien, de seuil et de limite dans le travail de Katinka Bock. La précarité, l’impermanence, l’équilibre ou le déséquilibre de ses sculptures mettent en jeu les points de rupture et les états limites de la matière tout comme leur poésie intrinsèque. Ainsi certains matériaux transforment les œuvres dans le temps, le sel oxyde, des fruits se décomposent, des œuvres sont soumises aux intempéries ou à l’érosion de l’eau…
Une nouvelle série de sculptures en pierre, produite pour l’exposition, a été conçue à partir de savons usagés. La forme de ces objets a priori sans qualité, a été produite par la répétition aléatoire du geste des mains qui les ont frottés quotidiennement. Ces savons chargés d’un usage dans le temps, d’une intimité avec le corps sont ici agrandis et métamorphosés dans la pierre qui devient le support pour d’autres sculptures.
Les gestes de pression, de pliage, d’enroulage sont récurrents dans les matières manipulées par l’artiste, notamment la terre ou le cuir. On en retrouve les traces dans la matière mais aussi dans certaines images photographiques qui représentent des fragments de corps avec des empreintes sur la peau. L’œuvre photographique de Katinka Bock, dont elle parle souvent comme de la périphérie du travail, prend toute son importance dans l’exposition en regard du travail de sculpture, avec lequel elle dialogue intimement.
CRAC à Sète Languedoc-Roussillon 26, Quai Aspirant Herber 34200 SÈTE . Tél : 04 67 74 94 37.
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