Attendons la suite , une proposition qui confronte deux artistes qui, chacun dans son propre univers, explorent la question du processus. La suite entre leurs mains s’éclaire ainsi de ses diverses acceptions: un ensemble de pièces logiquement liées mais aussi – et surtout- le témoignage d’une expérimentation en cours dont nous voyons maintenant un état.

Dans « Dreamers »°, un film de 2016, Véronique Rizzo nous plonge dans un univers chaotique, une narration qui entremêle des images de synthèse et des visuels ethnologiques. Une errance initiatique entre la vie et la mort liant notre humanité à des visions abstraites qui n’apparaissent que dans nos rêves.
Dans ce flux d’images hallucinées, surgit la figure mythique du Nombre d’Or.  Cette divine proportion et ses liens avec la Suite de Fibonacci vont fasciner l’artiste qui en fera un motif récurrent. Une résonance poétique et formelle que Véronique Rizzo s’emploiera à décliner à l’infini, croisant les médiums les plus charnels, déployant sa palette et transgressant même pour l’occasion la trop parfaite harmonie de son motif originel.
Les «Fibonacci» sont là, mandalas hypnotiques, obstinés et mystérieux, images nourries d’un sacré qui jamais ne se montre.                    

 °  https://vimeo.com/138171446

C’est d’un tout autre point de vue que Mourad Messoubeur nous invite à observer la secrète connivence entre l’invisible et le visible.  
Comme une parabole de notre propre impermanence, l’artiste instaure un dispositif qui permettra à la nature de faire son œuvre.
Le principe sera simple et c’est dans un bouillon de pommes de terre et d’algues que des poussières ambiantes seront élevées et nourries. Dans une suite toute naturelle, la putréfaction ne tardera pas et déploiera ses champignons colorés en une fascinante prolifération que seule la main humaine viendra parfois infléchir.
Un territoire s’invente et se dessine, une vue aérienne, tout un paysage s’offre ainsi à nos yeux.
Mais ce qui s’offre maintenant délicieusement à notre intuition est plus précieux encore… et si nous avions là, miraculeusement transposé et bien visible, l’esprit même du lieu où les poussières, ingénues, se posèrent.

Gilles Boudot avril 2023