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La colombe de la paix Pablo Picasso

Thibault Franc – Lauze in Paradise 

Du 6 au 27 mai 2023 – Vernissage samedi 6 mai à 18h

L’expression « Lost in paradise » me semblait si connue, si naturelle, qu’elle devait dans mon esprit renvoyer à un grand film du passé, peut-être lui-même adapté d’un précédent roman d’une profondeur intéressante.

Il y a bien le poème « Paradis perdu » de Milton, mais sinon les quelques films qui réempruntent ce titre décennie après décennie déçoivent ma rêverie. Je percevais un danger autre qu’érotique au sein d’une nature préservée, peut-être la fin et le début d’un monde, une vie réellement en marge, comme une frontière radioactive ceignant un dernier royaume paradoxal.

Et c’est bien ce qui traverse les œuvres exposées ici, une tension entre nature et culture, avec toujours présente l’idée du recouvrement des histoires, un tuilage de représentations, écailles d’images qui sont comme les lauzes, une armure et un toit pour habiter le monde.

Cette exposition à la galerie Réplique est ma première en Aveyron, et l’une des plus importantes depuis que je me suis mis à restaurer ici une ferme de schiste et de lauze, sur un terrain que je tente de cultiver en permaculture tout en poursuivant mon travail de plasticien.

Ce faisant, je suis presque dans le land-art, tellement le lien avec le sol et les êtres vivants y prend la forme d’une expérimentation permanente, à la fois dans l’apprentissage des techniques, quand il s’agit de monter un mur de pierre sèche ou de traiter une ruche contre le varroa, et dans les formes données au paysage, là où le plaisir d’inventer ne pousse pas aux solutions agricoles les plus pragmatiques.

J’aime que les animaux comme les poules, les canards ou les brebis puissent se mélanger et interagir avec nous et les plantations, mais si cela permet de prendre soin des arbres fruitiers au verger et de réduire les populations de limaces, cela crée aussi beaucoup de mauvaises surprises et de destructions, d’infinies négociations avec les prédateurs, les jeunes pousses, l’eau.

Si je n’ai pas entrepris de déplacer murs et vergers jusque dans la galerie, en revanche les peintures, les dessins, les sculptures présentées ici procèdent toutes de la même façon d’envisager la vie : par des gestes, objets, images, citations combinées, témoigner de l’accumulation des savoirs, des œuvres, des symboles, d’une société de l’abondance excessive, pour donner un sens nouveau à ces amalgames, une efficacité pareille à celle des êtres multicellulaires, en forgeant des armes et des outils adaptés au monde qui vient.

Refaire circuler d’anciennes images, en les accouplant avec d’autres trop bien connues, mélanger la culture officielle, savante ou populaire, avec les découvertes des jeunes générations, mêmes, protestations, humours, conscience écologique et politique.

En quittant Arles pour fuir au plus profond des forêts, dans une campagne en déprise agricole, ma famille a voulu retrouver la terre pour la défendre. Le confinement aidant, nous nous sommes perdus dans notre petit paradis aveyronnais, où nous posons pierre sur pierre pour créer un espace accueillant, plutôt que bâtir les murailles d’un domaine ou d’un bunker.

Heureusement, c’est par le dessin notamment que j’ai pu conserver un lien avec le bouillon culturel des villes, dialoguer avec l’actualité, contribuer à un avenir en commun, faire société.

Et témoigner qu’un autre genre de vie est possible, où s’articulent le plus d’idées, le plus de créatures possibles, comme les animaux paisibles du Paradis terrestre, ou les espèces et les milieux intriqués du jardin en permaculture. Construire le paradis, voilà peut-être le moyen de ne pas s’y perdre.

Réplique, 42 de la rue des Embergues, 12000 Rodez

Horaires :vendredis de 15h à 18h30 et les samedis de 10h30 à 12h30 et de 15h à 18h30. 

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