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Serge Griggio – ça nous regarde

Du 3 au 18 juin 2023 – Vernissage samedi 3 juin à partir de 18h

« J’apprends encore », ce titre d’une gravure de Goya, réalisée alors qu’il était âgé de 80 ans, résume bien ma perpétuelle quête.

J’ai rencontré des amateurs d’art qui se sont intéressés à mes peintures dès le début.

Il y a eu ces rencontres artistiques : Jessup, Mazzino, Azema, M. Spescha, Claude Parent Saura, D. Begard, Claude Abbad, Biancalani, Calvetti, Mosti, C. Isgro, S. Romieu, De Gregorio, Pirotte, Laussedat, JL Gourreau, des échanges, des projets d’expositions,…

Le mouvement, la perception, l’espace perpétuellement transformé pour évoluer vers une ligne, une matière plus profonde, à la recherche d’une force et d’une autre poésie et ça c’est passionnant.

Pour la peinture, l’aboutissement d’un tableau et son existence passe par des moments de tension, d’effacement, et parfois de grâce, que l’on souhaite partager.

 Serge Griggio

 

Miroirs

Dans ses entretiens avec Georges Charbonnier, Marcel Duchamp déclarait   : « Supposez que le plus grand artiste du monde soit dans un désert ou sur une terre sans habitants : il n’y aurait pas d’art, parce qu’il n’y aurait personne pour le regarder. Une œuvre d’art doit être regardée pour être reconnue comme telle. Donc, le regardeur, le spectateur est aussi important que l’artiste dans le phénomène art. » 

L’œuvre ne ferait art que dans les yeux de celui qui l’observe. Nous ne saurions ici contredire celui qui est considéré comme père de l’art contemporain, tant l’œuvre de Serge Griggio s’adresse aux spectateurs. Plus qu’une adresse, il s’agit d’un discours, d’une parole. Parfois d’une gifle ou d’un rappel à l’ordre, lorsque nous trouvons le courage d’affronter la toile. 

La sélection proposée ici, intitulée «ça nous regarde», rassemble des pièces de séries majeures de l’artiste autour de la figure humaine écorchée, égratignée. Serge Griggio donne à voir, dans cette sélection, ce qu’on ne voit plus dans nos réalités contemporaines : un monde qui fourmille d’inégalités qui se creusent. À moins que nous ne choisissions de les ignorer ? Les œuvres de Griggio sont un cri strident dans la nuit, un coup de poing à l’estomac. Quel est donc ce ça qui nous regarderait tant ?  

L’art s’adresse à celui qui le regarde, et le renvoie à lui-même, en miroir. L’artiste propose ici des séries autour de la figure humaine maltraitée, abandonnée et oubliée. Des corps affaiblis et atterrés de SDF ou d’otages sont représentés frontalement sur la surface de la toile pour confronter le spectateur à sa propre réalité, à son regard qu’il détournerait probablement dans la vie, la vraie. Là, il n’y a pas d’échappatoire. Griggio oblige à regarder. 

Il se fait témoin et messager d’une dure réalité pour prendre sa part. La série sur les animaux de 2006 constitue sans doute le point d’orgue de cette sélection, d’une dureté pleinement assumée, une métaphore de la violence des hommes envers les hommes. Des corps tels des monuments, frontaux, massifs, auxquels le regard ne peut se soustraire. Il y a quelque chose de sculptural dans ces personnages plantés là, occupant la quasi-totalité de la surface de la toile. Le travail des fonds accentue les contrastes de cette inévitable présence. La tension est extrême. Il n’y a pas d’issue possible, l’œil est prisonnier de la composition, comme piégé. Ce n’est pas étonnant de retrouver des sculptures dans cette sélection, aux intitulés tout aussi évocateurs que les toiles : écorché (s). 

Ce regard pris au piège dans l’œuvre en appelle un autre ; celui que nous nous renvoyons à nous-même lorsque nous sommes pris dans l’impasse de la toile; la culpabilité, la projection ou l’empathie. À moins que ce ne soit cette petite gêne qui, logée au fond de nos ventres, nous rappelle que nos vies ne tiennent qu’à un fil. Ça nous regarde, parce que ça raconte nos travers, nos angoisses. Ça nous regarde, parce que c’est là, le rôle de l’art ; montrer ce que nous refusons de voir et nous amener à interroger au plus profond de nous-même des sujets auxquels nous n’avons éminemment pas envie de penser. 

Ça nous regarde, parce que ça parle de nous tous dans ce que nous avons en commun, de nos quêtes existentielles si douloureuses à questionner. Griggio est dans ce rôle de passeur. Ses toiles sont des uppercuts. Elles nous ramènent à ce que nous ne voyons plus, aveuglés par nos vies à cent à l’heure, aux injonctions à la réussite, à la jeunesse, à la beauté et au bonheur. Ce qui nous regarde à travers les œuvres de Griggio, c’est tout ce que nous sommes, notre réalité en tant qu’être humain. C’est suspendre le temps un instant, s’observer en miroir dans les œuvres et ressentir ce que cela procure dans nos corps, dans nos ventres. 

Les œuvres de Griggio résonnent comme le Cri de Munch, fascinent comme les crucifixions de Bacon. Il y a quelque chose des peintures noires de Goya dans son approche du temps, de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Elles parlent de l’innommable, de cette limite que seuls les artistes sont capables de tutoyer dans les instants sublimes de création. Elles évoquent l’inéluctabilité du temps qui passe et de la mort certaine vers laquelle nous courrons tous. La seule certitude s’il en est. 

Laetitia Deloustal

Docteure en histoire et histoire de l’art contemporain, Chercheure au CRESEM/UPVD . Juin 2022

Galerie Borromée, 224 Impasse du pigeonnier 24370 Simeyrols

Visite sur rendez-vous au 06.24.56.28.49

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