Aître Sudète ou l’éloge de l’impuissance
Du 14 avril au 2 juin 2023 – Vernissage vendredi 14 avril à 18h30
Né à Suresnes en 1965, Philippe Dollo travaille comme photographe free-lance depuis 1990. En 1997 il s’installe à New York comme correspondant pour Opale, l’agence photo spéciali- sée en portraits d’écrivains. Il poursuit ses voyages photographiques en Europe, Amérique, Inde et Afrique. Ses travaux principaux comprennent »Les Dollo de Dini », une étude sur un village Dogon au Mali, et aux États-Unis 2 projets personnels à long-terme : »New York The Fragile City » et »Le Mariage Américain ».
Son travail, régulièrement exposé et publié, fait partie des collections permanentes de la Brooklyn Public Library, des Musées de la Photographie de Rochester, New York et de Charleroi en Belgique, du Museum of Fine Art de Houston, Texas et de la Fondation Luma à Arles. Son premier livre, »L’Ile Dollo » avec l’écrivain Frédéric Yves Jeannet, est publié aux Éditions Leo Scheer en mars 2005.
En 2009 il rentre en Europe et enseigne la photographie à l’Institut Français de Prague. Après le projet »Prague ou le deuil inachevé », il réalise »Aître Sudète » un livre objet sur les pays Sudètes qui sera pu- blié aux Editions Sometimes en 2021.
Après un séjour de deux ans à Londres, il vit depuis juillet 2015 à Madrid avec sa famille. En 2020 il termine »No Pasa Nada », un projet à long terme sur le »Silencio » et la complexité des traumatismes post-franquistes dans l’Espagne contemporaine. Un livre est prévu aux Editions de Juillet en 2023.
AÎTRE SUDÈTE
« Il n’y a rien à faire, c’est obsédant et ça m’obsède » Chantal Akerman. Pour tenter d’explorer les Sudètes, il faut s’armer de patience. Autrefois prospères, aujourd’hui semi-désertiques et d’une sombre beauté, ces régions ne se livrent pas à l’ intrus, au curieux de passage.
Bien qu’ayant passé plus de 3 ans à photographier les Sudètes, jusqu’à il y a peu, j’ignorais encore pourquoi diable j’avais démarré ce projet. La seule et tenace certitude était qu’il fallait continuer, aller jusqu’au bout du voyage même sans savoir encore quelle route prendre…
Immédiatement, les Sudètes ont résisté, élevant des barrières linguistiques et culturelles. Il s’agit là d’un sujet tabou, dont personne n’a envie de parler, aussi bien les Tchèques que les Allemands.
À l’image de tous ces villages détruits à partir des années 50, beaucoup de traces de la mémoire Sudète ne sont plus que ruines ou déjà complètement effacées. Comment photographier le souvenir d’un lieu rayé de la carte? Capturer un référent absent?
Le destin tragique de ces terres, littéralement au centre géographique de l’Europe, sonne comme un avertissement du passé récent à notre présent qui se croit pour de bon à l’abri de l’horreur. Comment ces régions d’une beauté âpre et sauvage, baignées par une lumière sublime, ont pu servir de décors à une pièce de théâtre aussi sordide et violente.
Tenter de photographier les Sudètes, c’est affronter notre impuissance face à ce gâchis, impuissance aussi face à notre rapport à la mémoire, au temps, dans un monde moderne en proie à une vitesse excessive de consommation, à la culture du zapping. Mais constater une impuissance n’est pas une défaite. Dans l’impuissance assumée, se cache une résistance, une manière discrète mais déterminée, de continuer à penser, de rester encore debout, vivant.
Philippe Dollo février 2015
Rappel Chronologique:
1900 La minorité allemande vivant majoritairement dans les régions des Sudètes, représente 30% de la population de Bohême.
1938 Suite aux accords de Munich, Hitler annexe les Sudètes. Expulsions et persécutions des »ennemis du Reich ».
1945 Signature des décrets Benes; expulsion de plus de 2,6 millions d’allemands. Autour de 30.000 morts.
1948 Installation du »rideau de fer » dans les Sudètes; environ 3000 villages rayés de la carte.
1989 Révolution de Velours. Ouverture des frontières.
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