Guy Lecerf – Jardin Sang-dragon
Du 6 mai au 3 juin 2023 – Vernissage samedi 6 mai à partir de 18h00
2016, le 12 juin, Madrid, à la sortie du Prado où je viens de faire une nouvelle visite au Jardin des délices, je me retrouve face aux vitrines des Caramelos Paco, celles de la célèbre confiserie madrilène. Chacune d’entre elles me renvoie à des oeuvres de Jérôme Bosch, les unes au Jardin, à l’accumulation des délices, à une mise en scène digne des entremets des festivités bourguignonnes, les autres à la Nef des fous, toutes oeuvres carnavalesques s’il en est.
Dans l’immédiat, ces mille coloris délicieux sont devenus les graines d’une série de photographies. Autant d’images ordinaires et jumelées, images premières aux couleurs de sucreries et images secondes au coloris séducteur, voluptueux. Autant de relations entre double images comme j’aime à les retrouver dans le Jardin de délices ainsi qu’à les inventer dans mes photographies, comme ces images de confitures bouillantes, images d’écumes touillées, dessinées et, de même, images double d’un monde chaotique, figures de monstres. Couleurs d’images ordinaires et coloris de figures d’imaginaire.
2023. Il m’a fallu quelques années, l’invitation de Michel Massacret, pour que ces images se relient entre elles, pour retrouver le grand basculement du Jardin des délices, basculement entre les deux faces paradisiaque et infernale du monde.
Dans le parcours d’exposition proposé par la galerie Remp-arts, deux grandes séquences s’exposent et dialoguent. En entrant, à gauche, la séquence paradisiaque, arc-en-ciel de confiseries, verdures émaillées de couleurs porcelaine, opposée à droite, la séquence infernale, contraste simultané entre éclats de feu et rougeur furieuse d’un monstre sans nom. Au fond de la galerie, lieu du pivotement entre les deux séquences, émergeant de l’écume pourpre, une silhouette désigne une masse grise et scintillante, image première de mites séduites et collées pour toujours et image seconde de ces destructions massives dont les humains ont le secret.
Mais qu’est-ce qui fait le lien symbolique entre ces séquences paradisiaque et infernale ?
Dans le Jardin des délices, un fil rouge associe des lieux devenus inséparables grâce à lui. Dès le premier panneau, celui de la Genèse, il réunit le couple Adam et Eve alors qu’ils se trouvent au pied d’un dragonnier, l’arbre du sang-dragon. C’est dit : le fil rouge est sang-dragon. Fil symbolique, il mène de lieux féconds en lieux féconds, de naissance en renaissance.
Tout à tour visible et invisible, ce fil rouge poursuit son aventure dans les photos exposées. Fil de vie, nouant entre eux délices et supplices, il traverse les rouges fraises, les rouges Tagada, les rouges coca des caramelos, il se faufile entre les verts mousse, les verts d’eau, les « encore vert », les rouges corail des jardins Balata (jardins exotiques de Martinique), devenu cordon ombilical, il fait corps lors du basculement entre paradis et enfer et, à travers le rouge fournaise, le rouge brasier, le rouge feu, le rouge sang, il tisse des figures de monstres et de dragons.
Il termine provisoirement sa course en liant la double image de confitures de mûres et de chaos, en s’immergeant dans une béance noire. Pour quel advenir ?
Galerie REMP-ARTS, 14 rue des remparts, 11360 – Durban-Corbières.
Ouverte du jeudi au dimanche de 17h à 20h ou sur rendez-vous. Tél : 06 87 03 66 55