Le titre de l’exposition fait référence à l’affiche de PAB dessinée par Picabia pour sa librairie d’Alès. Quatre manuscrits de Pierre André Benoit offerts en 2003 par Jean-Paul Martin ont été réalisés pendant l’été 2022 par Marie Martin, aux Éditions de Rivières.

C’est Anne Slacik qui a peint ces livres d’artistes. Une raison de plus de se plonger dans l’univers coloré de ce peintre. La fluidité du traits s’exprime autant sur de grands formats que sur des manuscrits, comme un dialogue entre peinture et poésie

Suggestions abstraites, évocations bien plus que descriptions, les oeuvres d’Anne Slacik n’ont plus recours au signe depuis presque trente ans. Ses choix font vibrer les couleurs et les mouvements alors créés convergent vers une énergie vivifiante. L’artiste convoque des ondes abstraites qui transcrivent bien souvent les frondaisons verdoyantes de forêts luxuriantes ou parfois un monde aquatique dans une palette plus bleue, ou bien encore des ciels de toutes les saisons baignés d’une lumière intense.

Anne Slacik préfère parler de blocs de travail plutôt que de séries, soulignant par là même la continuité dans l’inspiration et l’élan de la recherche sans pour autant donner une seule identité à une période. Les noms de baptême de ces ensembles font souvent référence à son panthéon artistique personnel, aussi bien pictural (Piero della Francesca, Pontormo, Giorgione, Cézanne) que poétique (Mallarmé, Reverdy, du Bouchet).

Loin de la peinture de chevalet, Anne Slacik travaille principalement au sol en manipulant les toiles pour faire se mouvoir la peinture dans la pente du tableau. C’est un rapport tout autre à l’espace et à l’acte même de créer qu’elle instaure avec une posture du corps dynamique et sans pinceau : une sorte de danse, très physique, qui laisse la part belle au jaillissement et à la surprise.

Le processus créatif prend du temps, depuis la préparation, en passant par la réalisation, par le séchage et avec des reprises, des retours, des retouches. La peinture est une affaire de temps comme elle se plaît à le dire.

L’artiste tend ses toiles de lin ou de coton et les prépare avant de les peindre avec un liant : du Caparol. Elle confectionne ses couleurs avec du blanc de zinc, de l’essence de térébenthine, un peu d’huile de lin et des pigments.

Le fait d’humidifier le revers de la toile lui permet de créer une tension sur celle-ci et de faire se déplacer la peinture de manière plus fluide. L’essence de térébenthine creuse la couche picturale, elle la fait vivre, elle crée une émulsion au contact de l’eau alors que l’acrylique, moins fluide, fixe davantage la peinture. Travaillant par couches successives jusqu’à trouver le point d’équilibre, la juste incarnation de l’émotion, Anne Slacik préfère un rendu mat de son travail. Le subtil jeu de la remontée des sous-couches par transparence, offre à ses créations un raffinement subtile et délicat.

Le livre d’artiste est un véritable objet de collection, une oeuvre (unique ou multiple selon les techniques employées), où se tisse une relation particulière entre les mots, les formes et les couleurs. Véritable trait d’union entre peinture et poésie, il ouvre un espace singulier qui a retenu toute l’attention d’Anne Slacik depuis de nombreuses années déjà.

Les Éditions de Rivières sont nées en 2003 et dès l’année suivante, c’est avec ce premier livre peint par Anne Slacik Plus que – un poème de PAB, que s’ouvrent les Éditions de Rivières aux artistes contemporains. La volonté première était de publier des textes inédits de Pierre André Benoit et puis le cercle des plasticiens et celui des poètes se sont élargis pour faire vivre ces éditions dans leur temps. Anne Slacik a créé au fil des années aux côtés de Jean-Paul Martin et en dialogue avec entre autres Michel Butor, René Pons, Gaston Puel…, 75 livres (dont 29 avec des textes de PAB).