Roger-Edgar Gillet – Guignol’s band
Du 4 juin au 5 novembre 2023 – Vernissage samedi 3 juin à partir de 17h30
La première sensation de la peinture que j’ai pu avoir remonte à mes balades de gamin de six ans. J’étais passionné, par exemple, par les ouvriers qui goudronnaient dans les rues de Paris. Voir un homme qui plantait son genou en terre sur une grenouillère avec une grande spatule, et qui écrasait le goudron qu’un autre – un grand noir souvent – venait verser devant lui, c’était un spectacle fascinant. Je me rends compte que mon émotion était d’ordre pictural, une émotion pour la matière, c’est vrai. Et pareillement, voir le boulanger pétrir de la pâte, voir le colleur d’affiche, c’était extraordinaire.
Je dis parfois que le meilleur moment dans la journée, c’est quand on écrase du beurre sur une tartine.
C’est l’oeuvre d’art du matin !
extrait de La matière et le geste, entretien avec Alexis Pelletier (1998) édité par la Galerie Guigon, Paris, en 2006
L’Espace Paul Rebeyrolle est un lieu de rencontres, de rapprochements et de confrontations artistiques ; ses expositions temporaires s’inscrivent dans un projet culturel concret, invitant les visiteurs à découvrir des parcours singuliers, toujours exceptionnels.
Cette année, nous accueillons les oeuvres de Roger-Edgar GILLET (1924-2004) peintre au parcours singulier et contemporain de Rebeyrolle. Les deux artistes ont d’ailleurs exposé ensemble à la documenta II de Cassel en 1959 puis en 1964 à la galerie Ariel où Jean Pollak les a présentés dans l’exposition 15 peintres de ma génération. Mais c’est chaque année au comité du Salon de mai à partir de 1962 qu’ils ont partagé des moments forts, dont le voyage des artistes de ce salon à Cuba en 1967 avec la réalisation d’une grande fresque murale Cuba colectiva.
Dès le début des années 60, Gillet quitte l’abstraction pour se tourner vers une figuration expressive. Lors d’un voyage à New York au Metropolitan Museum, il était tombé en arrêt devant le portrait d’un évêque peint par Greco
« Devant la méchanceté de ce regard, je me suis dit qu’avec
la peinture abstraite, on perdait quelque chose : on ne pouvait plus
peindre la profondeur d’un regard.»
Georges Boudaille écrira plus tard : « Dix ans sont passés. Gillet est devenu un peintre autre. De sa première période, il a gardé la somptuosité de la matière, la maîtrise technique, la palette assourdie. Il peint des personnages, il raconte des histoires et, pour un peu, il ferait de la peinture historique, tant sa facture est muséographique. C’est volontaire. […] Quand il peint, une figure apparaît au bout de son pinceau, elle exprime son angoisse, celle du peintre et celle du personnage. […] Gillet veut inquiéter. Il réussit trop bien. L’horreur devient parfois intolérable ».
« Je ne déforme pas les visages par plaisir de déformer.
Je les déforme pour arriver au maximum de l’expression.»
Une oeuvre personnelle intense, celle d’un authentique expressionniste. Son travail de la matière, par l’efficacité du geste, fait surgir d’un trait mordant, des figures qui s’effacent et réapparaissent.
On n’entre pas en toute quiétude dans l’univers de Gillet. On est projeté ou submergé, bouffé par la matière, les formes ondulantes, dégagées des pigments qui crépitent. On ne sort pas indemne de l’imaginaire de Gillet. On ne sort pas, on titube, abasourdi.
On ressent cette curieuse sensation d’être confronté à un monde à la fois rassurant et inquiétant, sombre et étincelant, entre réel et informel… Une peinture terriblement vivante, toute en émotion et en violence.
Outre un tableau important prêté par le Musée d’Art Moderne de Paris « Un Tas de gens » (1966) huile sur toile, 180 x 245 cm, l’exposition présentera vingt sept autres oeuvres issues de collections privées, rarement montrées, retraçant le travail pictural de l’artiste.
Commissaires d’exposition :
Marion Gillet-Guigon et Guigon
Espace Paul Rebeyrolle, route de Nedde, 87120 Eymoutiers Téléphone +33 (0)5 55 69 58 88
Ouvert tous les jours : 10 h à 19 h jusqu’au 31 août |10 h à 18 h à partir du 1er septembre
- Arts Plastiques
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