Martha Wilson, Invisible Works on Aging & Mnémosyne
Du 1ᵉʳ juillet 2023 au 4 février 2024 – week-end avec l’artiste les 28-29 octobre 2023
Martha Wilson, Invisible Works on Aging
Le Frac est heureux de consacrer, après Martha Wilson in Halifax : 1972-1974 au Centre Pompidou en 2021, sa première exposition monographique d’envergure à Martha Wilson, figure pionnière et tutélaire des engagements féministes au travers de l’art. L’exposition au Frac retracera la trajectoire d’une carrière où l’enjeu reste « la réinvention radicale de l’image de la femme par les femmes (Lucy Lippard) », la déconstruction des stéréotypes autour de la beauté féminine et d’un soi-disant idéal féminin, avec une problématique majeure : celle de l’âge et plus précisément la question de l’invisibilité de la femme de 70 ans, au travers d’un ensemble de photographies, vidéos de performances, livres d’artiste et documents d’archives.
Personnalité singulière dans l’histoire de l’art américain depuis le début des années 1970, Martha Wilson est l’une des premières artistes à faire usage de son corps, aux côtés de Hannah Wilke ou Eleanor Antin, pour questionner les représentations sociales du féminin au travers de ses performances, vidéos et photographies. En modifiant son apparence physique, elle met ainsi à mal les stéréotypes identitaires d’une Amérique néolibérale. Précurseur, son travail pointe vers des territoires conquis ultérieurement par d’autres artistes contemporaines, comme Cindy Sherman ou Martha Rosler ou de philosophes féministes comme Judith Butler.
En 1976, elle fonde dans son appartement à New York Franklin Furnace, un espace alternatif dédié à l’expérimentation artistique et la conservation de livres d’artiste, archives de vidéos, performances de cette avant-garde ; et en 1978 le groupe de « punk conceptuel » Disband, mêlant performance et musique avec des femmes artistes ne sachant jouer d’aucun instrument.
Elle commence son travail de performances par des satires politiques en se mettant en scène en First Lady (Nancy Reagan, Barbara Bush, Melania Trump) ou en Donald Trump. Sa pratique artistique entretient une relation presque intrinsèque avec le langage. Ses travaux photographiques sont toujours accompagnés de textes. Elle considère cette pratique photographique, qu’elle agrémente de commentaires, comme « un lieu d’intersection entre l’image et le texte ».
Au printemps et à l’été 2022, Martha Wilson a effectué une résidence à la Cité internationale des arts (dans le cadre de la 2e édition du programme Art Explora) où elle a continué un projet initié en 1981 auprès de communautés féministes, en collaboration avec Suzanne Lacy et Susan Hiller. En 2022 elle a interrogé six artistes femmes en France de générations différentes en leur posant trois questions : 1. Comment êtes-vous devenue une artiste 2. Quel est votre rapport au féminisme 3. Des traumatismes ont-ils joué un rôle dans votre construction en tant qu’artiste ? dans la perspective de comparer leur travail et leur positionnement féministe, social et politique.
Martha Wilson est représentée par les galeries P·P·O·W, New York et michèle didier, Paris.
Cette programmation sera mise en exergue dans le cadre de l’anniversaire national des 40 ans des Frac et des 10 ans du bâtiment du Frac avec son inscription dans la Biennale de la Joliette.
Mnémosyne
L’exposition Mnémosyne explore, au travers de trois oeuvres de la collection du Frac, le rapport de la photographie au temps et le pouvoir d’évocation des images. Comment représenter les flux temporels et les circonvolutions de la mémoire ?
Les artistes Khaled Abdulwahed, Estefania Peñafiel Loaiza et Sami Trabelsi, par un traitement singulier de l’image en mouvement et des dispositifs de monstration choisis, nous livrent des portraits de personnes ou de lieux porteurs d’histoires contemporaines. Par leur mise en scène, un processus de déconstruction-reconstruction ou la dilatation du temps de la représentation, l’image se charge littéralement du vécu des personnes, de l’esprit des lieux et demeure la seule trace mémorielle capable de convoquer un état d’être disparu.
Estefania Peñafiel Loaiza fait revivre la mémoire du centre de rétention administrative de Vincennes et de la révolte des « retenus » en 2008 suite au décès d’un des leurs. A un long travelling montrant les murs du centre, elle ajoute les images de ses mains manipulant les clichés d’évènements anciens comme l’exposition coloniale de 1931 et d’usages postérieurs du lieu auquel elle confère une aura fantomatique par un montage savant superposant négatifs et positifs des images.
Khaled Abdulwahed choisit un champ de cactus, lieu familier du paysage syrien, dévasté par la guerre et dont il ne reste que la copie de la photo originale prise par lui en 1998. Par un travail de métamorphoses successives de l’image, il ressuscite le lieu disparu en l’opposant à des images de guerre et de destruction. L’éloignement dans le temps est redoublé par un éloignement spatial. On voit le film projeté sur le mur d’un appartement dans une arrière -cour de Berlin.
Sami Trabelsi incorpore les variations de la durée dans son art du portrait en décomposant des expressions du visage de ses modèles par des effets de ralenti. Grâce à une caméra vidéo rapide pouvant enregistrer plusieurs milliers d’images par seconde, il rend visibles des expressions en train de se former, puis de se défaire. Il capte les métamorphoses infimes d’un visage (rictus, battement de paupières). Articulant les propriétés de la photographie et de la vidéo, il compose des portraits en mouvement en étirant indéfiniment la durée de la représentation.