Tjeerd Alkema « Un point de vue particulier » – Sigean

Tjeerd Alkema "Un point de vue particulier" - Sigean Pour-Max,-2007,-commande-publique,-Robinson-(Suisse)

Tjeerd Alkema « Un point de vue particulier »

Du 3 juillet au 25 septembre 2022 – Ouverture samedi 2 juillet à partir de 15h00

Une signature en présence de l’artiste aura lieu au L.A.C. le samedi 1er octobre à partir de 16h.

La galerie AL/MA et les éditions Méridianes publient la premiere monographie consacrée à Tjeerd Alkema. Né à Harlingen (Pays-Bas) en 1942, après des études à La Haye, Alkema arrive à Montpellier en 1963. Il sera un des membres fondateurs du groupe ABC Productions. 
Depuis les années 1970, son travail par la vidéo ou le volume se développe autour d’images et d’objets perçus au travers du déplacement de l’artiste et du regardeur ( anamorphose ). 

Cette monographie consacre un travail de plus de 50 ans et en analyse les divers aspects: son développement interne; sa place dans le champ artistique à la fin des années 60; ses supports: photographie, vidéos, volumes, dessins. 

Avec des textes de Marie Cantos (Membre de l’AICA, directrice artistique de L’ahah); d’Emmanuel Latreille (Directeur du FRAC Occitanie Montpellier); de Maud Marron-Wojewodski (Conservatrice au Musée Fabre de Montpellier, chargée des collections modernes et contemporaines). Annexes avec des textes de Philippes Piguet; Bernard Teulon-Nouailles; Ramon Tio Bellido; un entretien entre Tjeerd Alkema et Pierre Manuel; et un bio-bibliographie. 

Ouvrage de 144 pages ; 65 illustrations, format 28×25 cm, 30€ 

 

Le L.A.C. présente cet été une importante exposition de Tjeerd Alkema en collaboration avec le Frac Occitanie Montpellier. A cette occasion, les éditions Méridianes et la galerie AL/MA publieront la première monographie consacrée à Tjeerd Alkema. Né en 1942 aux Pays-Bas,

Tjeerd Alkema est venu s’installer peu après sa vingtième année à Montpellier, vivant et travaillant depuis entre Nîmes et Montpellier où il a contribué à de nombreuses manifestations artistiques (notamment « 100 artistes dans la ville », Montpellier, 1969 avec le groupe A.B.C. Productions) ainsi qu’au développement d’institutions où il a enseigné tout en poursuivant son travail de sculpteur (École nationale supérieure d’architecture de Montpellier, écoles supérieures des beaux-arts de Montpellier et de Nîmes).

Proches d’artistes de la mouvance Supports/Surfaces, notamment Jean Azémard et Vincent Bioulès, mais aussi d’Alain Clément, avec lesquels il mène les actions du groupe A.B.C. Productions à la fin de la décennie 1960 et au début de la décennie 1970, comme également de Daniel Dezeuze ou Claude Viallat avec lesquels il enseigne, Tjeerd Alkema représente une position singulière dans le champ de l’art français, due à ses origines néerlandaises et à son engagement dans le domaine de la sculpture et de la photographie, et non de la peinture.

Sa recherche sur la forme anamorphique dans l’espace n’a en vérité que peu de rapports avec les problématiques théoriques de la déconstruction telle que l’envisage la génération de Supports/ Surfaces. Dès avant sa vingtième année, il a pris connaissance des oeuvres du Groupe Zéro, dont il a vu des expositions aux Pays-Bas, mais aussi celles du minimalisme américain, faisant lien avec l’art concret auquel son pays de naissance a été l’un des principaux contributeurs depuis le début du XXème siècle, que ce soit dans la peinture et la sculpture, mais aussi l’architecture.

Les méthodes de l’art conceptuel, qu’il a toujours mises en place selon ses exigences et nécessités créatrices propres, ont également été des sources de ses expérimentations artistiques, notamment au moyen de la photographie et de la vidéo. Qu’elles soient envisagées en elles-mêmes ou pour l’enregistrement de performances corporelles ou sonores, elles lui ont permis de questionner les fondements de l’art à partir d’une multitude de points de vue théoriques et pratiques, ce qui le singularise dans le champ de l’art « français » auquel il n’est rattaché que pour des raisons conjoncturelles.

Après une double exposition en 2019 au Frac Occitanie Montpellier et à la galerie AL/MA où furent présentés ses films, photographies des années 1970, ses sculptures murales ou de moyen format des années 1960 à 1990, l’exposition Un point de vue particulier au L.A.C. sera consacrée à ses anamorphoses les plus imposantes, celles qui représentent l’aboutissement des années 1990 et 2000

« Cependant, dit Bouvard,
deux yeux louches sont plus
variés que deux yeux droits et
produisent moins bon effet. »
Gustave Flaubert

Sept oeuvres monumentales, dont l’une en extérieur, prendront place dans les grandes salles de ce lieu qui présente régulièrement la scène néerlandaise, ainsi que des dessins qui montrent l’imposant travail de construction que suppose l’anamorphose. Le titre de l’exposition est emprunté à Gaspar Schott, philologue du XVIIe siècle qui la définissait ainsi : « une dislocation d’image redevenant compréhensible d’un point de vue particulier ».

Une monographie bilingue (français/ anglais) produite par la Galerie AL/MA (Montpellier) et les éditions Méridianes rassemblera une riche documentation photographique, ainsi que des textes d’Alkema des années 1980 et une anthologie critique (Ramon Tio Bellido; Pierre Manuel, Philippe Piguet, Bernard Teulon-Nouailles).

Des analyses de Marie Cantos, directrice de L’ahah (Paris), d’Emmanuel Latreille, directeur du Frac Occitanie Montpellier et de Maud Marron- Wojewodzki, conservateur des collections contemporaines au Musée Fabre de Montpellier, apporteront une vision nouvelle de cet artiste dont l’humour flaubertien prouve toutefois son profond lien avec… l’esprit français !

Layla Moget, commissaire générale

Emmanuel Latreille, commissaire associé

 

ALKEMA, LE REGARD TORVE*
Philippe Piguet

La sculpture partage avec la photographie une même problématique, celle du point de vue. De même que celle-ci permet une appréhension du réel qui soit démultipliée, dans le temps comme dans l’espace, de même celle-là en autorise une saisie dont l’image n’est jamais la même selon l’angle sous lequel on se place pour la regarder. De ces jeux perceptifs qui induisent l’idée d’un regard torve,

Tjeerd Alkema exploite les ressources plastiques depuis plus de vingt ans. Le choix qu’il a fait de la sculpture après s’être placé derrière l’objectif d’un appareil de photo tout d’abord, d’une caméra ensuite, n’est pas innocent d’une telle préoccupation ; il participe notamment d’une réflexion – qui s’avère à l’analyse proprement existentielle – relative à l’idée maîtresse d’un équilibre.

L’art d’Alkema procède d’une interrogation architecte au cœur de laquelle réside l’idée de bâti, c’est-à-dire d’un souci d’organisation structurelle que ne cesse de déstabiliser le simple acte de voir, lequel n’est jamais unique, encore moins univoque. Si les notions de flux et de reflux ont été chez lui fondateurs d’une démarche qui l’a conduit tout d’abord à constituer des assemblages panoramiques désarticulés, on comprend mieux comment, abordant la troisième dimension, il ne pouvait rechercher qu’après des modalités équivalentes.

Fort d’une charge expérimentale que l’histoire avait un peu trop rapidement rejeté aux oubliettes du formalisme, le principe de l’anamorphose – phénomène optique de distorsion d’une image ou d’un volume selon le point de vue où l’on se place pour les regarder – s’est alors imposé d’évidence.

S’il l’a retenu comme modalité préalable à tous ses travaux, c’est non seulement pour sa part éminemment expérimentale mais aussi pour ce qu’il instruit d’un doute. Contemporain d’une génération qui s’est interrogée sur le statut de l’œuvre, sur sa nature et sa fonction, et qui s’est appliquée à en démonter les mécanismes, l’art d’Alkema relève d’une phénoménologie de la perception, et plus précisément dans son cas, de la vision. Tout comme la mesure influence le résultat de la mesure, ainsi que nous l’a enseigné la mécanique quantique, Tjeerd Alkema sait mieux qu’un autre combien le regard influence la perception.

Aussi n’a-t-il de cesse de jouer de surprises formelles et rien ne l’intéresse-t-il plus que de concevoir des situations faites de modules élémentaires qu’un simple déplacement du regard déstabilise. Le choix qu’il a fait de limiter à l’extrême son vocabulaire formel, en ne recourant qu’à des structures géométriques primaires, ainsi que celui de n’utiliser que des matériaux basiques, (…) participent d’une économie du peu et du transitoire caractéristique de sa démarche.

(…)C’est que l’un des éléments les plus actifs de l’œuvre d’Alkema est le recours à la participation du spectateur. Non seulement elle le soumet à une expérience sensorielle articulée sur le phénomène de la vision mais elle l’oblige à un exercice d’équilibre quasi mental s’il ne veut pas se perdre dans les labyrinthes les plus tortueux.

Proprement subversif ; compte tenu de tous les retournements qu’il suscite, l’art de Tjeerd Alkema cultive tout à la fois jeu et réflexion et, dans cette qualité-là d’intention, il vise à nous dessiller les yeux quant aux mécanismes subtils qui règlent notre appréhension du monde. En cela, il fait œuvre de salubrité sémantique.

*Extrait du catalogue « Le champ des illusions » Centre d’art de Tanlay 21 mai 4 octobre 1998

Le LAC, 1 rue de la Berre – Hameau du lac 11130 Sigean  Tél : 04 68 48 83 62

Ouvert du jeudi au dimanche de 15h à 19h

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