Marion Gronier & Gosette Lubondo – Toulouse

Marion Gronier & Gosette Lubondo - Toulouse

Marion Gronier We were never meant to survive & Gosette Lubondo

Du 8 septembre au 31 décembre 2022 – Vernissage mercredi 7 septembre à 19 h

Deux travaux de femmes, de deux générations différentes, de deux cultures et qui toutes deux réfléchissent sur la question de la mémoire et de l’identité, Gosette Lubondo sur son pays, le Congo, Marion Gronier sur les États-Unis. Deux façons d’aborder, différemment, ces questions qui entrent en résonance.

Questionner l’identité, décrypter la combinaison de strates qui la composent, c’est également questionner la nature et la fonction du regard que l’on porte sur elle.
Venue de France, Marion Gronier met à plat la situation des populations malmenées et marginalisées aux Etats-Unis.

Dans son propre pays, la république démocratique du Congo, Gosette Lubondo recrée de façon poétique et troublante les souvenirs de l’histoire de son pays, de la période coloniale au palais du président Mobutu dans la jungle. Regard de l’intérieur, regard extérieur, des propositions plastiques radicalement différentes se retrouvent dans une façon d’affirmer la nécessité de connaitre et d’assumer l’histoire. Façon également de mieux se connaitre.

Christian Caujolle
Conseiller artistique

Marion Gronier We were never meant to survive

L’ Amérique du Nord est hantée par la violence de son histoire coloniale. Terre promise fantasmée par une poignée de dissidents religieux blancs fuyant l’Europe, elle a été arrachée à ses indigènes pour être exploitée par des esclaves importés d’Afrique.

À travers les visages des descendants de ces peuples qui fondèrent les États-Unis, j’ai cherché à faire resurgir les fantômes qui hantent cette histoire et à attester de la persistance de cette violence qui s’est instituée dans la société américaine par une séparation et une hiérarchisation des races.

J’ai photographié des Amérindien.ne.s en Arizona, au Nouveau-Mexique et dans le Montana, des Africains-Américain.e.s à la Nouvelle-Orléans en Louisiane et des Mennonites en Pennsylvanie1 .

Mon travail s’inscrit dans la réflexion portée aujourd’hui par les études décoloniales qui dénoncent et déconstruisent les structures impérialistes sur lesquelles se sont édifiées nos sociétés occidentales.
Mettre en évidence ces structures c’est déjà les ébranler dans la mesure où l’une de leurs forces est leur invisibilité et leur naturalisation.

Cette réflexion m’a amenée à prendre conscience de ma position d’artiste européenne blanche et à mettre en question mon médium artistique, ses usages et ses pouvoirs, pour faire également réapparaître les fantômes qui le hantent.
La photographie, inventée au XIXe siècle par les sciences positivistes, est en effet, elle aussi, un produit de cette société qui entend dominer, exploiter et objectiver le monde. Elle est un instrument de son savoir et de l’imposition de celui-ci.
Ainsi, le portrait signalétique d’Alphonse Bertillon, appliqué aux populations colonisées, prouvait « scientifiquement » leur infériorité génétique et légitimer leur assujettissement.

Ce dispositif (plan serré sur le visage, sujet immobile, regard frontal, centralité du cadrage, neutralité de l’expression) a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du portrait photographique, il a créé un codage qui opère à chaque fois qu’il est mis en place. « Le portrait signalétique excède de toute par son statut de document « scientifique » (…). Loin de se limiter à enregistrer l’apparence de tel ou tel individu, il suscite une véritable prolifération de sens seconds. D’emblée, il désigne son sujet (…) comme un être coupable. »2 Ainsi, ce classement typologique, sous une forme en apparence froide et neutre recèle une extrême violence dans la mesure où « cette figuration ne peut s’accomplir que dans une dénégation mortelle de son propre sujet. »3 […].

Marion Gronier

1- Les Mennonites sont une communauté anabaptiste vivant à l’écart du monde moderne. Ils ont, dans cet ensemble, un statut particulier, à la fois oppresseurs et opprimés. Ils représentent, d’une part, le colon blanc qui justifia la violence de son appropriation des terres et des êtres vivants par une soi-disant mission civilisatrice dictée par Dieu et ils sont, d’autre part, une communauté qui a été persécutée parce

Gosette Lubondo

Née en 1993 à Kinshasa, Gosette Lubondo, fille de photographe, s’initie à la prise de vue dans le studio dès l’âge de 14 ans. C’est suite à des ateliers et masterclass, suite également à des études à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa qu’elle trouve sa voie et son écriture.

Sa série « Imaginary trip », qu’elle crée en 2016, lui vaut une reconnaissance immédiate. Dans un train déglingué datant de la période coloniale, métaphore de l’état de son pays mais également de l’Afrique elle pose et fait poser des personnages pour évoquer toutes les étapes d’un voyage immobile. Ces photographies qui mettent en scène des petits moments de vie quotidienne sont traitées dans une tonalité de couleurs douces et avec une apparente légèreté.

Tout comme le second « voyage imaginaire », datant de 2018, qui nous mène à une école, de style typiquement colonial, et dans laquelle les élèves en uniforme, certains devenus transparents, dialoguent avec nous par-delà le temps. Cette visualisation de la mémoire devient moins poétique avec la mise en scène très structurée de la nouvelle série, « Terre de lait, terre de miel », inédite, réalisée en 2022 à Gbadolite, dans les ruines de l’ancien palais que le président Mobutu avait fait construire dans son village natal.

Dans toutes ces séries l’histoire personnelle de Gosette Lubondo s’articule avec celle de son pays. Et de toute l’Afrique.

Christian Caujolle, conseiller artistique

Derniere série « Terre de lait, terre de miel » (2022)
Poursuivant son travail mémoriel, Gosette Lubondo s’intéresse à l’héritage patrimonial de Gbadolite, située dans le nord de la RD Congo. Autrefois ville aux palais somptueux qualifiée de « Versailles de la jungle », sortie de terre au beau milieu de la forêt équatoriale par la seule volonté du président Mobutu, elle n’est plus que ruines.

« Terre de lait, terre de miel » (une expression tirée du Lévitique : « Je vous donnerai cette terre où coulent le lait et le miel… ») renvoie au désir qui a présidé à la création de cette ville érigée sur le site du village natal de Mobutu : la promesse d’un lieu où rien ne serait trop luxueux ni trop beau.

Pour nous y faire entrer, Gosette nous convie à une cérémonie inspirée des spectacles d’animation politique – des chants et danses à la gloire de Mobutu. Mais les costumes aux couleurs vives et les chorégraphies rythmées des danseurs ont laissé place au recueillement et à la méditation. Des sentiments que Gosette prête aux personnages qu’elle fait revenir sur ces lieux abandonnés, qu’ils ont connus aux grandes heures de leur gloire passée, figée dans la mémoire collective.

Pierre Daubert, Galerie Angalia

Galerie Le Château d’Eau 1, Place Laganne 31300 Toulouse. Tél. 05 34 24 52 35

Du mardi au dimanche de 13h à 19h

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