Isa Melsheimer « Concrete Bodies are Finite » – Île de Vassivière

Isa Melsheimer Concrete Bodies are Finite (Les corps concrets sont finis)
Du 27 mars au 26 juin 2022 – Vernissage samedi 26 mars 2022
Le travail de l’artiste berlinoise Isa Melsheimer est étroitement lié à l’histoire de l’architecture et le rapport entre l’homme et l’environnement. Son exposition personnelle au Centre international d’art et du paysage, conçu par Aldo Rossi et Xavier Fabre, explore le patrimoine architectural et culturel du postmodernisme à travers des sculptures inédites, des oeuvres textiles et des installations, qui fusionnent l’organique et l’inorganique à travers des formes singulières.
Dans une nouvelle série d’oeuvres céramiques monumentales, Isa Melsheimer s’inspire de la plante Welwitschia mirabilis, qui pousse dans le désert de Namib en Namibie et en Angola. Nommé d’après le premier Européen à décrire la plante en 1859, Welwitschia s’inscrit dans l’héritage des expéditions européennes des XVIIIe et XIXe siècles, dans lesquelles les plantes sont cueillies, classifiées et ajoutées aux collections botaniques. Dans le cas de Welwitschia, une double revendication s’opère : de la plante elle-même, et du droit de la nommer.
Les oeuvres d’Isa Melsheimer représentent des formes de type Welwitschia qui se fondent progressivement avec des éléments architecturaux. Avec leurs feuilles tentaculaires qui s’entremêlent et engloutissent peu à peu les formes construites, les plantes semblent fusionner avec l’architecture, peut-être en promulguant leurs propres principes d’organisation et leurs droits de revendication.
Le geste sculptural complet des oeuvres d’Isa Melsheimer, qui gagnent en hauteur quand les feuilles horizontales s’entrelacent avec les murs verticaux, évoque une autre série d’oeuvres avec leur propre héritage contesté d’extraction et de propriété : les marbres du Parthénon, qui se trouvent actuellement dans la collection du British Museum. À travers ce geste formel, Isa Melsheimer fait référence à l’acte historique d’acquisition coloniale et du sentiment d’ayant droit, ainsi qu’aux différends en cours sur la restitution.
Pour l’artiste, cet acte historique d’appropriation trouve un écho dans le postmodernisme, où les citations stylistiques ou théoriques du passé sont décontextualisées et juxtaposées sous une forme nouvelle ; un renouvellement de l’appropriation comme spoliation.
Les sculptures Metabolit d’Isa Melsheimer (2019-20) sont des formes céramiques vernissées qui associent également des éléments organiques et architecturaux. Les pousses, qui ressemblent à des feuilles, sont à peine contenues par leur environnement carré. Les concrétions bulbeuses, aux surfaces marbrées scintillantes et mousseuses comme si elles étaient encore en mouvement, jaillissent des façades planes et des volumes cubiques. C’est une série d’oeuvres en mutation : des formes incontrôlables et indisciplinées qui dépassent les contraintes imposées.
D’autres oeuvres de l’exposition abordent des projets architecturaux et technologiques hubristiques à travers les XXe et XXIe siècles, affirmant que les grands récits du modernisme persistent, et que les idéologies et les styles ne sont rejetés que pour être relancés par la suite.
Alors que certaines oeuvres semblent condamner nos actions collectives, notamment en termes de relation à notre planète, d’autres affichent une attitude plus ludique.
Les petites oeuvres en céramique et une série de formes de béton en gradins ramènent sur terre les gestes épiques et les récits généraux du modernisme. Les formes architecturales utopiques sont réduites en jardinières ornementales et en objets décoratifs domestiques.
L’ensemble des oeuvres de l’exposition propose une prise en compte du patrimoine moderniste, ainsi qu’un recalibrage des relations humaines avec l’environnement. Le potentiel d’action propre aux plantes et aux autres espèces non humaines est mis à l’honneur. Certaines oeuvres peuvent être lues comme des incursions d’éléments naturels dans des formes artificielles, ou même des réactions menaçantes aux habitudes destructrices de l’homme.
À l’inverse, ces états évolutifs d’engagement entre l’organique et l’inorganique, entre le végétal et l’artificiel, sont peut-être des propositions pour des formes alternatives d’interaction : hybrides ou symbiotiques plutôt qu’antagonistes. Les oeuvres d’Isa Melsheimer sous-entendent une forme de parenté multi-espèces, inspirée par la théoricienne féministe Donna Haraway : un “faire-avec” avec d’autres entités, plutôt qu’une fabrique de soi, afin de construire un avenir plus vivable ensemble.
La commissaire de l’exposition est Alexandra McIntosh, directrice du Centre international d’art et du paysage.
Centre international d’art du paysage Île de Vassivière, 87120 Beaumont-du-Lac Tél : 5 55 69 27 27
mardi-dimanche : 14h-18h et sur rendez-vous.