Exposition Valerie du Chéné – Toulouse

Valerie du Chéné
Du 20 mai au 19 juin 2021
C’est un jeu qui veut jouer, joue.
Mais c’est un jeu sérieux. Robert Kaplan.
À Valérie,
Ce parcours nocturne étonnant, qui te fais monter sur une échelle à la recherche de bâtons de réglisse, tu le décris avec délice. Le plaisir de t’écouter me raconter ce rêve est immense. Je l’imagine en peinture. Cette projection me propulse au plus proche de tes figures mobiles, de tes paysages chausse-trappes.
Tu écoutes aux tempes rocheuses*, vois dans le froid du matin s’éteindre le parfum des arbres lorsque s’aiguisent les crêtes des sommets. Ces roches éparpillées sur les bords des falaises, soutiennent un réel où, vacarmes et tremblements ne t’impressionnent guère. Ces forces enfouies ou surgies de terre, engloutissent le temps, se relaient, et toujours attendent, prédisposées aux prés, aux bois.
Elles placent l’extravagance à l’endroit du silence, s’installent en bande ou bien seule. Sur les terres vastes, dans les vignes, les petits sentiers ardus, sur les monts des corbières, évidemment, j’imagine tes pierres.
Dans ces paysages sauvages, de peu, leur organisation fait un trou dans tes rêves.
La nuit, le jour, tu déplaces la masse et la forme au centre d’un soir profond qu’un vert précipite. Le soleil, par trois rayons pendus, dessinent des parois bleues en faisceaux précis sur les faces vermillons, vertes de pomme fraîche à croquer jusqu’à s’y casser les dents.
Je sais ton attention aux reliefs, sais aussi, qu’au delà de l’échelle, la nuit n’est pas terminée. Les rêves et la nature ne se laissent pas endormir.
Et, alors même que s’impose l’avant-scène, ton geste se charge de faire le vide, un vide, qui s’épanouit en aplat. Organique, magique !
L’apparition des promontoires, d’un bond, encourage le saut. Grises, les masses esquissées se perdent dans le blanc qui s’écoule.
De nature graphique, tu décides, d’un esprit frondeur, de figures à l’existence autonome.
Ainsi vont Les laborieuses, elles se pressent contre le noir, éclatantes, solides, toujours exigeantes. Les méduses, en transparences, se meuvent en moult apparitions. Des Rideaux verts, jaillit le décor, le convient à se sentir à l’aise, à regarder le ciel ailleurs.
Je fais cette hypothèse qu’il y a, pour toi, une urgence à produire des formes vives. Je me remémore, ce rêve de Constantin de Piero della Francesca, peintre de la renaissance italienne. Lui, joue de cette habile juxtaposition des masses et des couleurs, délaisse le récit au profit d’une providentielle construction picturale. Et, du songe émerge une architecture. Constantin pas si loin, toi, tu mets en place subtilement, un scénario pour lequel tu proposes les surprenantes échappées, les aériennes.
L’apparition d’étendues, de lumineuses produit alors l’état de peinture.
Le bleu, le vert, le noir, le rose indiquent avec attention les places astucieuses des lignes en bascule. Les plans redistribuées se décident, hardis, au cœur d’espaces structurés.
La vision semble alors devancer l’entendement.
Mais l’entendement s’invite à l’aune de ce qui détermine ce rapport masse-énergie. Robert Desnos disait, une place pour les rêves, mais les rêves à leur place…
Je vois cette place. Elle est une respiration puissante qui jamais ne se dérobe à sa propre vérité, ce réel bien tangible auquel se mêle une communauté de formes patientes issue de la densité dramaturgique que révèle une mémoire enfouie, quasi-primitive. Oui, dans la succession de tes nuits où s’amassent les imprévus, le vivant, ouvert, souple, s’enracine. Rêves et nature s’inclinent.
Et, du haut des Laborieuses, tu songes à l’extraction élémentaire de ces formes et représentations colorées telle une heureuse manifestation naturelle du monde.
Le temps se passe d’attendre et, sans attendre, tu peins avec une joie toujours croissante.
Valérie Mazouin
* René Char- Fureur et Mystère-Poésie / Gallimard
Galerie Jean-Paul Barrès, 1 Place Saintes Scarbes 31000 Toulouse. Tél : 06 83 44 15 60
Ouvert du mercredi au samedi de 14h30 à 19h et sur rendez-vous