Exposition Maxence Rifflet “Nos prisons“ – Lyon

Exposition Maxence Rifflet “Nos prisons“ - Lyon

Maxence Rifflet “Nos prisons“

Du 1er avril au 21 mai 2022 – Vernissage jeudi 31 mars à partir de 18h30

Nos Prisons : le pluriel du titre semble d’emblée devoir faire dialoguer le particulier et l’universel. Je ne dis pas « le particulier et le général » ; c’est l’opposition habituelle et elle est réductrice. L’universel « englobe la totalité des objets, des choses et des connaissances sur tous les sujets ».

Le mot « prison » désigne à la fois un lieu et une institution. Une prison est un lieu clos où l’on enferme une personne que la société veut punir. La « privation de liberté » est la fonction de la prison comme institution. Cette institution, la prison « en général » ou plutôt « la » prison telle que nous la connaissons aujourd’hui, date du XVIIIe siècle. Maxence Rifflet l’aborde sous l’angle du « particulier ».

Il y a des prisons, des lieux ; l’artiste a mené son enquête documentaire dans sept prisons françaises, marquée chacune par son histoire particulière. Si on le compare aux enquêtes antérieures menées davantage dans l’esprit du photoreportage – comme San Clemente de Raymond Depardon ou Louisiana Prison de Leonard Freed –, ou même à mon travail des années 1980 sur Les Prisonnières, le projet de Maxence Rifflet apparaît tout d’abord soutenu par une volonté de distanciation et de spécification. Il a photographié en prison pendant plusieurs an- nées, en consignant ses observations dans un journal à la fois visuel et textuel.

Pour mener son enquête, l’artiste a choisi d’animer des ateliers photographiques proposés aux détenus volontaires. C’était un cadre, administrativement contraint, mais il lui a permis de travailler en collaboration étroite, sur des périodes longues, avec celles et ceux qui connaissent les prisons de l’intérieur.

Respecter ce cadre, c’était aussi se défier de la dimension émotionnelle et en grande partie artificielle de l’enquête présentée comme immersion transgressive en milieu inconnu et interdit. Le pathos aurait pu revenir avec la dimension psychologique ou biographique du portrait, mais Rifflet ne nous dit rien ou pas grand- chose des parcours individuels antérieurs de ses collaborateurs. Il s’agit avant tout pour lui de confronter l’espace photographique et l’espace carcéral comme deux espaces à la fois mentaux et concrets (construits).

L’exposition au Bleu du Ciel est la troisième forme prise par le travail, après les expositions du Centre photographique Rouen-Normandie (2019) et de GwinZegal (Guingamp, 2020) et avant l’exposition conclusive au Point du Jour (Cherbourg, 2022). Elle coïncide avec la publication d’un ouvrage qui alterne photographies et journal, réflexions et impressions. Le livre et l’exposition montrent bien comment la fonction générique d’enferme- ment de la prison s’incarne en espaces spécifiques conçus en collaboration avec des architectes. Autrement dit : le plan de l’architecte conditionne la vie carcérale au même titre que les règlements intérieurs et la juridiction.

L’artiste enregistre des faits, des rencontres, des événements, dont il s’applique à trouver la forme la plus appropriée à la compréhension poétique, contradictoire, du spectateur. Il le fait sans pathos ni psychologisation. Il s’agit moins de transmettre l’expérience de la prison que de rendre compte d’une expérience photographique en prison. Le regard pénètre ces espaces circonstanciés par la lucarne photographique sans s’y sentir enfermé ou contraint. Car la photographie n’est pas seulement là pour témoigner d’un enfermement ; elle devient l’exercice commun d’une liberté.

Gilles Verneret

“L’espace dans lequel un prisonnier est contraint constitue la réalité de sa peine. Or, l’architecture des prisons est d’une incroyable diversité. J’ai voulu voir ce qu’il en est : photographier des prisons plutôt que la prison. Depuis 2016, j’ai photographié dans 7 prisons, en m’intéressant à la relation des corps à ces architectures tout en m’interrogeant sur les possibilités de la photographie pour documenter ces espaces.

Une architecture carcérale est une machine optique au service de la surveillance. Ce que voit le surveillant, ce que ne voit pas le prisonnier depuis sa cellule ou le passant depuis la rue, tout cela est prévu par l’architecte. Faire des images en prison revient à participer à un jeu de regards contraint et inégal. En m’intéressant à l’architecture, j’ai mis cette difficulté au centre de mon travail photographique. Il m’a fallu me défaire de l’idée de représenter l’enfermement en général pour observer des lieux spécifiques, avec leur histoire et leur fonctionnement, et questionner la photographie elle-même : déjouer les stéréotypes attachés à la photographie de prison, intégrer les contraintes imposées par les règles pénitentiaires, me débattre avec l’analogie entre cadrer et enfermer, considérer le point de vue des meilleurs spécialistes de ces espaces que sont les prisonniers.

Comment photographier dans un système de surveillance ? Dans chaque prison, j’ai organisé des ateliers pour mettre en partage cette question avec des prisonniers, eux qui se confrontent quotidiennement à ces architectures. Nous avons fait des photographies ensemble, j’en ai fait seul, nous avons discuté tant de la prison que de nos images, nous avons refait des images, et ainsi de suite (…)
Cette activité commune est au centre de ma démarche documentaire. La photographie y est autant un outil d’enregistrement que le moyen et l’enjeu d’une interaction. D’où l’importance des récits qui accompagnent les photographies (…). Ainsi, l’hétérogénéité des formes provient d’une attention aux situations et aux rencontres.

Finalement, l’architecture des prisons constitue à la fois le sujet du travail et l’espace dans lequel il se fait. Les corps sont la mesure de ces espaces, ils les activent, les révèlent et tentent parfois d’y résister.“

Maxence Rifflet

Le bleu du ciel, 12, rue des fantasques 69001 Lyon :  T   +33 (0)4 72 07 84 31

ouvert du mercredi au samedi de 14h00 à 18h00 et sur rendez-vous pour les groupes

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